Astérix et Obélix : L'Empire du Milieu
Si vous attendez de cet article une critique sur le film avec une note à la clé vous serez déçus. A vrai dire le mieux est d'aller voir ce film pour se faire son propre avis.
J'ai lu dès la sortie du film des critiques tellement catastrophiques sur ce nouvel épisode d'Astérix et Obélix porté à l'écran, que nous avons eu envie de le voir ne serait-ce que pour évaluer la part de mauvaises fois dans les centaines de critiques qui pleuvent sur ce long métrage. Au final il y du bon et du moins bon, tout cela est assez en ligne avec les autres adaptations au cinéma des aventures d'Astérix. Alors pourquoi autant d'enjeu et de dégoût autour de ce film?
Sortons un peu la tête du guidon du box office et des critiques, pour remettre ce film dans une perspective un peu plus large. Il s'agit de porter à l'écran une BD.
Si de prime abord les story board qui précèdent le tournage des films ressemblent fortement à une œuvre du 9ème art, il n'est pourtant pas toujours facile de le convertir au 7ème. A vrai dire toutes les adaptations incarnées des aventures d'Astérix on été plutôt des flops, Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre étant l'exception qui confirme la règle.
Etant donné l'embonpoint de nos héros gaulois leurs costumes les rendent grotesques pour une production des années 20 et les dérangent dans leur jeu d'acteur autant qu'ils nous dérangent dans leur apparence de mascottes de parc d'attraction. Même si Obélix ne cesse de maigrir il reste grotesque quant à Astérix incarné par Guillaume Canet il ne ressemble pas franchement au petit personnage espiègle créé par Uderzo. Il en va de même pour le petit chien censé représenter le dubitatif Idéfix.
Il est très surprenant que Pathé se soit lancé dans cette production étant donné l'échec cuisant de l'opus précédent Astérix et Obélix : au service de Sa Majesté. Les critiques qui étrillent le film ressemblent plus à un réveil tardif sur l'impossibilité d'adapter à l'écran avec de vrais acteurs les aventures d'Astérix. Le film d'Alain Chabat date du début du siècle; c'était l'époque des guignols de l'infos et celle des pubs télé ou Alain Chabat se déguisait en bouteille d'Orangina pour se faire secouer.
Se raccrocher aujourd'hui à une représentation guignolesque de nos héros gaulois est totalement anachronique et aussi absurde que d'essayer de relancer les guignols de l'info qui datent d'une autre époque.
Si vous allez voir ce film, ce que je vous recommande pour vous former votre propre opinion, vous verrez que les romains et les autres nationalités prennent l'ascendant sur les gaulois principalement par leur physique puisqu'il ne sont pas engoncés dans des costumes qui réduisent leur mouvements et donc leur possibilité comique.
Guillaume Canet est la première victime de ce procédé désuet qui consiste à vous faire ressembler à un personnage de BD disproportionné, il est juste disgracieux. Ces costumes en mousse rendent nos gaulois horriblement ringards face au reste du monde qui joue avec les vraies proportions des corps dans des costumes saillants. Zlatan est donc forcément un romain puisque travestir son corps est totalement improductif.
Quand Alain Chabat se met en scène dans une bouteille d'Orangina c'est pour nous faire rire immédiatement du ridicule de son déguisement. Or dans Astérix c'est tout l'inverse, on oblige les gaulois à être crédibles dans un accoutrement ridicule. L'adaptation des aventures d'Astérix au cinéma nous montre en filigrane la mauvaise foi et parfois l'arrogance des français qui n'arrivent pas à rire d'eux-mêmes dans des situations où ils sont indéniablement ridicules. Les scènes les plus drôles du film sont d'ailleurs celles où ceux qui se veulent sérieux se prennent une grande baffe dans la gueule en guise de réponse au détriment de ceux qui veulent absolument être drôles et qui ne le sont pas vraiment (à l'exception de José Garcia qui est hilarant).
Seydoux a voulu faire du Marvel avec des personnages de BD française. Les Astérix et Obélix sont nos super héros avec toute les promesses de gains permis par une telle comparaison. Cette idée est tellement cupide et sans grand fondement que la grande baffe au box office qui arrive me semble salutaire, pour remettre nos producteurs à leur place.
La production a voulu nous faire croire que le budget était pharaonique et truffé d'effets spéciaux. Il n'en est rien. D'une part parce qu'Astérix aux Jeux Olympiques a couté plus d'argent et qu'Au service de Sa Majesté était dans les mêmes eaux, donc aucune surenchère au delà de l'effet d'annonce. Ensuite on se demande en tant que spectateur si le budget des effets spéciaux n'a pas été englouti par un effet plus normal qui consiste à payer trop cher trop d'acteurs connus.
Au pourrait se dire que Canet joue des deux cotés de la caméra pour limiter les frais il n'en est rien. Cachet de 250 000€ pour la réalisation +250 000€ pour jouer de manière pitoyable le rôle d'Astérix. Son contrat est ficelé avec des bonus dans tous les sens par la production pour plaire au public français mais aussi étranger. La production a voulu faire un film qui plait plutôt qu'un film qui fait rire. Mais le public attendait l'inverse d'où l'énorme déception et la comparaison systématique avec Astérix et Cléopâtre.
Guillaume Canet lui-même nous avait annoncé un film d'aventure pleins d'effets spéciaux en rupture avec les épisodes précédents. La réalité est que ce film, dit d'aventures, manque d'ambition technique et de narration à suspense et nous remmène à une forme de sous comédie où seuls les dialogues doivent apporter la drôlerie, puisque le comique de situation a une portion congrue dans les films d'aventures.
Cette image retravaillée nous donne une idée du potentiel d'un film en motion capture par rapport au format actuelIl y a une vraie erreur d'aiguillage au départ.
Soit on partait vers un film historique avec le décalage des mœurs d'aujourd'hui, un peu à la Kaamelott mais on perdait le jeune public, les puristes d'Astérix et la projection en salle est d'un intérêt limité.
Soit on partait vers un film d'aventure en utilisant la capture de mouvement à l'instar du Tintin de Steven Spielberg qui respecte l'œuvre aussi bien dans la forme que dans le fond par ce procédé d'animation en y ajoutant la dynamique de l'action propre au cinéma d'aventure. A vrai dire cette dernière option était la seule viable puisque l'option avec des costumes genre parc Astérix est trop datée et n'enthousiasme pas grand monde au delà de 8 ans.
Il fallait donc se mettre à la hauteur d'un Avatar de Cameron ou d'un Secret de la licorne de Spielberg pour réussir le pari que se donnait la production de jouer gros pour gagner gros. Il fallait moderniser le style et investir non pas dans un conservateur 60 millions euros mais plutôt 110 millions pour sortir un équivalent de ce film en motion capture.
Quand Guillaume Canet nous intime "C'est l'avenir du financement du cinéma français qui se joue si ce film à gros budget ne fonctionne pas" on a l'impression qu'il transfert ses angoisses personnelles sur un imaginaire de responsabilité du public dans cette affaire de gros sous. Il aurait tout aussi bien pu dire "Venez voir mon film sinon se ne sera pas un succès".
Pour ceux qui ont vu les Astérix précédents, on peut noter la performance de Vincent Cassel qui incarne sans doute le meilleur César de la saga et Gilles Lellouche, malgré son accoutrement, une incarnation d'Obélix largement à la hauteur de celle de Depardieu. Avec ce plus quand Gilles Lellouche disparait totalement derrière son personnage ce que Depardieu par la nature de son jeu ne peut faire. Pour en savoir plus sur les autres performances d'acteurs les critiques ne manquent pas sur le net. Je suis plutôt d'accord et je n'en remettrai pas une couche.
(*)Tintin et le secret de la licorne a rapporté 300 millions de dollars en Europe et 77 millions aux Etats-Unis, pour un investissement de 110 millions.
(**)Guillaume Canet percevra "0,3% du prix du ticket hors taxes ", puis "0,69 euro supplémentaire par place vendue" s'il parvient à rassembler entre 1 et 3 millions de spectateurs en salles. En revanche, si celui-ci réalise la prouesse de passer la barre des 7 millions de spectateurs en France "et/ou s'il est amorti", une prime d'un million d'euros bruts" est prévue pour le réalisateur. Enfin, s'il signe un succès en dehors des frontières françaises, une prime allant "jusqu'à 900.000 euros bruts pour 5 millions de tickets vendus" lui sera reversée.
J'étais un peu obligé vue le sujet de vous ajouter quelques astérisques.
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