Ciné réalité : circulez y a rien à voir !
Je viens de voir trois films coup sur coup, Connasse, La loi du marché à Paris et Citizen 4 qui était toujours à l'affiche dans une jolie salle de Reykjavik. Tous ces films qu'ils soient comiques, politiques ou tragiques , ont recours au même procédé. Utiliser des images de la réalité pour montrer une histoire sur l'écran. Les moyens pour y parvenir sont différents, caméra cachée pour Connasse qui va au contact, caméra fixe et extraits télé dans une chambre d'hôtel pour l'histoire d'Edward Snowden dans Citizen 4 et finalement utilisation de plans fixes interminables avec des acteurs amateurs qui improvisent leur texte dans La loi du marché.
Ces 3 films nous plaquent dans la réalité, celle de Connasse qui finit vraiment au poste de police à Londres, celle de Snowden toujours exilé en Russie et celui d'un Vincent Lindon qui semble réellement exaspéré par l'impossibilité d'un système économique enrayé qui n'arrive plus à donner du travail à tous.
Le cinéma actuel va donc puiser dans le réel, le ridicule, le sacrifice et l'humiliation dans la vie ordinaire par le moyen d'une image réelle formatée pour le cinéma. On a l'impression avec ces 3 films d'avoir touché le fond. Le fond de l'imagination. C'est à dire que le cinéma n'envisage finalement rien de pire ou de plus cocasse que la réalité elle-même. C'est une grossière erreur. Car ces films aussi efficaces soient-ils, manquent éminemment de grâce. Tout est dit certes et souvent de manière tellement irréfutable que tout cela n'a plus aucune élégance. Un peu comme si on nous supprimait la politesse de ne pas y croire. Comme si le cinéma oubliait sa véritable vocation et se mettait à déshabiller le beau pour ne dire que le vrai. Snowden est un héros, un résistant, c'est un David qui s'attaque à Goliath. Mais tout cela est réduit à la taille d'une chambre d'hôtel de Hong Kong qui ne reflète en rien le courage et l'ampleur du coup qu'Edward va porter à la NSA.
Il en va de même pour La loi du marché qui tombe dans un misérabilisme de comptoir en nous mettant en plus sur le dos de ce pauvre chômeur incarné par Vincent Lindon, un enfant handicapé.
Trop c'est trop. Seule la beauté sait toucher les âme les plus nobles et tous ces films ne sont qu'un montage du réel où le réalisateur se galvaude en "cadreur monteur". On a l'impression de voir de la télévision au cinéma. Le cinéma que produit ces films n'est plus là pour toucher notre conscience mais pour montrer plus ou moins adroitement des moments de réalité qui nous angoissent finalement plus qu'ils nous motivent.
Là où le film Discount est une joyeuse fable sur une bande de collègues d'une grande surface qui pillent régulièrement les invendus pour arrondir les fins de mois, La loi du marché ne fait que remettre une dose d'angoisse sur une situation que nous connaissons déjà et dont nous ne pouvons plus rire (à cause des choix de réalisation).
Ce cinéma qui bricole le réel ne sert à rien, il dévalue le cinéma comme un sous produit de la télévision et d'internet, alors qu'il doit prétendre à autre chose. L'angoisse du réel nous plaque au sol et nous inhibe, alors que la légèreté et l'élégance du cinéma nous poussera finalement à agir. Pas besoin d'expier la réalité de notre monde pour le changer, il suffit d'en rêver un autre.
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