Spectre
Les James Bond nous avaient habitués à un scénario manichéen avec un horrible méchant qui voulait détruire le monde face aux services secrets de sa majesté qui faisait tout pour que ça n'arrive pas. Ce nouveau volet des aventures du matricule 007 nous plonge non plus dans un monde où il y aurait des bons et des méchants, mais dans notre conscience qui elle aussi peut être bonne ou mauvaise.
Voilà pourquoi Spectre n'a vraiment pas une tête à avoir tué son père. Il semble en fait lui-même avoir été instrumentalisé dans un système qui n'a plus vraiment de tête. James Bond ne se bat plus contre un monstre, mais contre un système tentaculaire monstrueux. Le Spectre n'est plus vraiment un homme méchant mais un homme à la tête d'une organisation amorale, guidé par sa seule préservation. La question à la fois épouvantail et d'actualité que pose le film est bien sûr " Peut-on ou non surveiller des gens qui ne sont ni jugés, ni coupables ? ".
James se retrouve un fois de plus, seul en franc-tireur à devoir désobéir à sa hiérarchie pour vaincre un système d'espionnage international aux dérives totalitaires. Sauver sa conscience plutôt que de sauver le monde semble être le nouvel enjeu de notre espion.
L'organisation Spectre semble n'avoir aucun objectif si ce n'est celui de monopoliser l'information pour nous protéger de nous-mêmes. Tout savoir sur tout le monde n'est donc plus un moyen de s'enrichir, mais une fin en soi pour nous protéger du coût économique de la mort.
L'idée que le Spectre veuille contrôler la terre entière pour se venger de son frère adoptif, ne tient pas vraiment la route. En revanche on imagine très bien une organisation capable d'enrôler en son ceint des gens poussés par la haine pour leur faire adhérer à une organisation inhumaine. On peut même assez facilement accepter qu'un type assez médiocre tel que le Spectre finisse à la tête d'une telle organisation dont le charisme des leaders est inversement proportionnel à la terreur qu'ils imposent.
Que faire face une organisation qui vous chosifie à l'aide d'un "smart blood", qui vous analyse et vous géo localise en permanence. James ne se bat plus pour les autres mais pour lui. C'est à lui qu'on impose en bon soldat des injections liberticides et encore lui qui subit la divulgation embarrassante de son entrevue mortelle avec son ex-futur-bopapa.
Avec cette relecture moderne des canons "jamesbondesques", on pourrait se dire que nous allons perdre dans cette introspection ce qui faisait le charme des épisodes précédents. Saga qui nous installait toujours dans le rôle du bon avec la bonne conscience de tuer qui va avec.
Il n'en est rien. Ce nouveau James Bond tient la route. Les dialogues sont précis et souvent drôles maniant à merveille l'humour pince sans rire dont les sujets de sa majesté se sont fait une spécialité. Si Monica Belucci se retrouve dans un rôle classique de James Bond Girl belle mais vénéneuse, on se réjouit de voir Léa Seydoux dans un rôle à la hauteur de celui Daniel Craig. On s'attache de plus en plus au personnage secondaire comme le jeune Q et le remplaçant de M.
Il y a des Aston Martin et des Dirty Martini, quelques gadget mais pas trop ,pour pas faire kitch, sans doute. Il est toujours légèrement revisité pour maintenir le mythe sans l'user. Le film est long, mais c'est bien fait. On peut quand même regretter le manque d'attrait des repérages. Les plans un peu étriqués du Vatican à l'instar du costume de notre espion. Les voies sur berge de Rome la nuit, ça ne fait vraiment pas rêver, le train rétro dans le désert marocain où l'on doit péter de chaud non plus. Le chalet en Autriche ferait meilleure figure dans un film d'épouvante. Leur chambre à Tanger fait plutôt pitié qu'envie sans parler de leur arrivée en plein désert " genre Quantum of solace" qu'on ne souhaite à personne même en fiction. La base du méchant est ringarde, à se demander si ce n'est pas plutôt le département architecture de la "fashion police" qui devrait la faire sauter plutôt que James. Pourtant le film fonctionne quand même. Cela prouve que James Bond est devenu à force de voyage au 4 coins du globe une mythologie hors sol. A moins que l'atonie des décors ne soit là pour nous souffler que nous ne voyageons pas pendant 2h30 de Londres à Mexico mais bien dans le cerveau de Bond face à sa mémoire pilier sur laquelle même le plutôt obéissant des espions est en droit d'avoir une conscience. Celle de tuer ou pas, d'être surveillé ou non. On n'est donc pas surpris que la séance de torture subi par notre héros ne s'attaque plus à ses couilles comme c'était le cas dans Casino royal qui devait reviriliser notre espion par le déclassement de Pierce pour Daniel mais aujourd 'hui dans Spectre par une attaque neurochirurgicale pour saper le fondement de notre conscience, notre mémoire.
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