Le retour du héros
On parle en ce moment beaucoup des Oscars et des Césars. Pour ma part je voudrais vous parler d'un très bon film qui est finalement passé un peu inaperçu Le retour du héros.
Ce film traite d'un sujet délicat celui de la lâcheté. Le sujet du film est l'histoire du capitaine de Neuville, un officier qui avant de partir à la guerre s'engage à épouser une fille de bonne famille et lui promet le jour de son départ de lui donner des nouvelles tous les jours. Il n'en fera rien d'autant plus qu'il a finalement déserté l'armée au lieu de combattre les prussiens.
Il y a donc dans ce film une double dimension. D'une part la lâcheté du capitaine vis à vis de ses engagements patriotiques et de l'autre la lâcheté vis à vis des sentiments amoureux d'un amant qui ne teint pas ses promesses. A cela on peut ajouter la lâcheté vis a vis de la vérité plus connu sous le nom de mensonges. Cette dernière forme de lâcheté qui consiste ne pas vouloir dire la vérité, va être employé par la sœur de la promise au travers de fausses lettres d'amour et de bravoure écrites de sa main au nom d'un capitaine de Neuville qui ne remplit pas son devoir épistolaire. Certes le capitaine est un déserteur et mérite l'opprobre de la nation, mais d'un autre côté Elisabeth elle aussi se comporte de manière malsaine avec les sentiments de sa sœur pour lui cacher la dure vérité d'un homme qui n'a aucune attention envers elle.
D'un coté le film nous donne un exemple évident de lâcheté avec un capitaine qui se dérobe à son devoir militaire de l'autre un exemple plus pervers avec le comportement d'Elisabeth. Le film nous emmène dans les zones floues de la lâcheté. Dans cette zone bien connue des philosophes où se pose la fameuse question : Toute vérité est-elle bonne à dire?, dit autrement : Une certaine forme de lâcheté dans certaines circonstances face à la vérité serait-elle une bonne chose ? La lâcheté aurait donc parfois du bon. Un capitaine de Neuville totalement imaginaire et couvrant sa fiancée de lettres serait-il une meilleure chose que ce paria de capitaine qui revient chez lui anonyme et dépouillé ?
Le capitaine de Neuville, à son retour, ne cache pas son forfait vis à vis de ses obligations militaires à Elisabeth. Si il est lâche vis à vis de la guerre, il semble être capable de regarder sa vérité en face. Elisabeth qui le juge moralement pour sa désertion, ne semble pas pour autant presser de rétablir la vérité et souhaite écarter de Neuville déserteur de la vie de sa sœur.
De Neuville a cependant compris une chose passant du jour au lendemain de capitaine à vagabond. C'est la société qui le définit et contrairement aux idées reçues, c'est l'habit qui fait le moine. Il lui suffit donc de remettre son uniforme pour s'émanciper de sa vie de vaurien quelque soit la vérité qu'il laisse derrière.
Il va comme, l'a fait Elisabeth avant lui, réécrire sa propre histoire pour donner à son public ce qu'il veut entendre. Le film à ce moment là prend une autre tournure. On assiste à un combat entre un héros d'opérette le capitaine de Neuville et son écrivaine. De Neuville incarne un personnage imaginaire créé de toute pièce par Elisabeth mais qui revendique maintenant sa propre liberté depuis qu'il s'est échappée de la plume d'Elisabeth et qui est devenue de chair et d'os.
Le capitaine prend des libertés sur la narration de sa propre fausse histoire qui ne sont pas du goût d'Elisabeth. Il y a un dialogue en particulier qui résume assez bien ce combat. Le capitaine de Neuville détaille un de ses actes de bravoure dont Elisabeth n'est pas l'auteur et qu'elle dénigre en public en lui faisant savoir que finalement la chute de son histoire est assez banale, faisant valoir ses droits à la créativité sur sa propre histoire. Ce à quoi le capitaine rétorque par un imparable : "C'est peut être banal, mais c'est ma vie" qui lui vaut finalement de triompher devant son public au détriment d'Elisabeth. La vie donnerait au héros de chair des droits que la littérature lui refuse, ceux de la banalité.
Le capitaine est lâche certes, il le prouve une fois de plus en redoublant de stratagèmes pour éviter un duel au pistolet, mais de son coté Elisabeth est assez fourbe pour avoir créé les conditions de ce duel. Lâcheté assumée pour sauver sa peau de capitaine qui aime la vie par dessus la morale ou fourberie d'une Elisabeth bien pensante qui croit placer l'honneur au dessus de la vie ?
Lequel des deux à raison de l'autre ? Pour le savoir Elisabeth invite un général à diner avec de Neuville pour le confondre. Elisabeth a le beau rôle puisqu'elle n'a rien à perdre, sauf qu'elle réalise que le capitaine comme au combat va y laisser sa vie si il est traduit en cour martial.
La mise à mort même d'un lâche n'est plus un jeux et le diner devient macabre.
Vient inévitablement la question du général qui demande au malheureux capitaine de décrire une bataille qu'il na pas mené. Au lieu de s'empêtrer dans des détails qui l'auraient inévitablement démasquer, il décrit la guerre comme il l'aurait vécu. Quand le général lui demande comment il a survécu à l'assaut de l'ennemi, il lui répond simplement en lui disant qu'il a couru le plus vite possible pour s'enfuir. La sincérité du propos face à un héroïsme militaire que le général sait très exagéré lorsque qu'on revient du front remporte sont assentiment. La lâcheté de ce capitaine face au boulet qui disloque ses compagnons d'armes est criante de vérité et lui donne une crédibilité bien supérieure à des fanfaronnades de soldats qui se seraient vraiment battus. Le film nous montre brillamment que la lâcheté est est donc un concept hautement subjectif.
Faut-il donner sa vie à la patrie ?, on peut en débattre et manifestement le capitaine de Neuville a sa propre opinion sur la question. Mais la vraie lâcheté comme nous le suggère le film se cache ailleurs. C'est celle qui nous empêche de regarder la vérité en face et elle ne regarde que nous.
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