Cezanne peintre
Visite à L'Atelier des Lumières ce matin. Le programme cette année : Cezanne et Kandinsky.
Cette mise en images moderne de l'artiste Cezanne nous rappelle d'emblée qu'il est par son approche celui qui ouvrira toute l'école de l'art moderne et en particulier le cubisme.
Le son et lumière s'ouvre sur une grande galerie de peinture du 19 ème siècle ou progressivement tous les tableaux se transforment en nature morte de pommes peintes par Cezanne. Cette mise en scène n'est que la figuration de l'ambition affichée de Paul Cezanne de sidérer Paris et ses salons artistiques avec une pomme.
En tant que forme, humaine ou non, nous nous réduisons à des volumes imbriqués les uns dans les autres. La pomme par son aspect sphérique en étant la forme la plus simple. On peut se demander pourquoi Cezanne ce provençal n'a pas peint des pêches ou des abricots, mais toute la démarche de l'artiste est de s'émanciper de la Provence par l'usage d'un fruit universel et particulièrement consommé à Paris. A la fin du 19 ème, Paris est ce que New York deviendra " The big apple". Voilà pour la symbolique.
Pour comprendre l'œuvre de Cezanne il faut d'abord appréhender l'homme et sa phobie du contact Incapable de toucher et enragé quand on le touchait par mégarde. C'est pour cette raison que l'artiste semble peindre des personnages enfouis sous une carapace, même leurs visages semblent dissimuler une sensibilité intérieure que la pudeur de l'artiste lui interdit de peindre.
Avec Cezanne c'est le monde à l'envers, ce sont les natures mortes qui sont vivantes et les vivants qui sont pétrifiés, sa femme (Hortense) est une montagne et La Sainte-Victoire son amante.
La pomme est aussi le fruit qui symbolise l'amitié hors norme entre Emile Zola et Paul Cezanne depuis leur enfance. Les deux se complètent et s'opposent. L'un réussit à Paris, l'autre en province, l'un plonge dans psychologie des âmes humaines alors que l'autre sublime la nature. La lumière de Provence contre la noirceur des mines et de la condition humaine. Nul doute que Cezanne envie le succès de Zola et que tout ce qui le touche lui devient rapidement insupportable, d'où cet imbroglio sur le roman L'Œuvre de Zola qui ne visait pas Paul mais que Paul a vu immanquablement comme le pamphlet de sa propre carrière. Peut-on encore parler d'amitié quand la haine s'invite au bal ? N'y a t-il pas une forme évidente d'amour de Paul envers Emile et le regret de sa compagnie lors de leur enfance et de leurs jeunes années à partager un logement à Paris.
Alors qu'Emile Zola surfe sur son succès littéraire, Paul se met en rupture avec les codes de l'art qui le précèdent. Comme un prisme Cezanne va réfracter la lumière qui se concentrait au cœur du tableau depuis l'école du clair obscur pour la faire rejaillir décomposée aux 4 coins du tableau,
Son œuvre est donc à la fois lumineuse mais recomposée par le prisme de sa propre subjectivité, Emile parle des autres Paul parle de lui. Avec la reconstruction et sa propre subjectivité, Cezanne pose les bases de l'art moderne par refus du conformisme. Sa répugnance envers les gens le pousse à aimer d'avantage les choses, au point que toute forme humaine se voit chosifier par le pinceau de Cezanne alors que les arbres, les collines et les pommes semblent dépeintes avec une grande sensibilité. Paul est un existentialiste avant l'heure Le génie de Cezanne est d'avoir eu le pouvoir de transformer ses propres frustrations en une révolte picturale qui reconstruit le monde en volume et dont la quintessence ne se trouve plus dans l'homme mais désormais dans sa manière de construire le monde.
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