Novembre
Notre passage à Paris a été l'occasion d'utiliser notre carte UGC. On se trouve obligé parfois de choisir un film en fonction non seulement de sa qualité mais aussi de l'horaire, de la durée, de la salle, de la distribution... C'est pour toutes ses raisons que nous sommes allés voir Novembre avant de reprendre l'avion pour la Corse.
On angoisse un peu au moment où la salle s'assombrit de se retrouver plongé dans le carnage du 13 novembre. On réalise avec soulagement assez rapidement qu'il n'en sera rien. Le film ne traite que de l'onde de choc qui percute notre république le soir des attentats et les jours suivants. La dramaturgie se déroule depuis le point vue unique de la cellule anti terroriste et cela de la période de 13 au 18 novembre date de l'éradication des derniers djiadistes à Saint-Denis. Cette rigueur permet au spectateur de se glisser dans les coulisses de la BRI et du RAID avec une grande facilité et sans gêne dans les premières actions à mener dans de telles circonstances.
Ce film pourrait ressembler à un remake de 24 heures chrono en troquant la fiction contre la triste vérité du 13 novembre et Kiefer Sutherland contre Jean Dujardin. Mais ce n'est pas le cas. Le scénario est véritablement sauvé par Samia, cette citoyenne qui contacte dès le premier jour le numéro de l'anti terrorisme en leur faisant part de sa conviction de savoir où se cachent les terroristes. 5 jours incroyables entre le 13 et le 18 novembre où l'on passe par tous les états d'âmes et toutes les angoisses en se demandant si la république française parviendra à venger ses enfants. Samia, c'est nous. Une femme vigilante qui dénonce le mal pour protéger nos libertés.
D'un coté le film démarre sur le fiasco d'une intervention à Athène par la France pour anéantir Abdelhamid Abaaoud à grand renfort de moyen d'espionnage de filature et d'opération coup de point et de l'autre Samia seule vigilante qui nous protège par son civisme. Là où Samia pensait avoir fait son travail après avoir raccroché le téléphone, elle découvre que sa confidence va lui faire prendre des risques bien plus élevés qu'elle ne le souhaitait. Tout citoyen français se retrouve ainsi naturellement dans la peau de Samia. Pour elle c'est évident, les terroristes sont là, il faut les cueillir. De l'autre la cellule anti-terroriste est proche de l'apoplexie. On se régale quand elle est d'abord surprise que l'on ait mis autant de temps à la rappeler alors qu'elle sait pertinemment où sont cachés les hommes les plus recherchés de France. On se rend compte que nous sommes tous détenteurs d'une part infime de liberté qui nous permet un monde libre.
Samia porte le voile dans le film alors que Sonia (le nom de code de la vrai Samia) n'en portait pas elle s'en est indignée et je le comprends. Mais le cinéma à tous les droits. Ce que Sonia ne perçoit pas c'est que Samia est son trône. La tronie (mot néerlandais signifiant visage) est un genre distinctif de l'âge d'or de la peinture néerlandaise qui consiste à peindre le portrait d'une personne qui n'existe pas. Le seul enjeu de ce portrait n'est plus la ressemblance mais de saisir une expression, une volonté d'un personnage imaginaire. Vermeer s'est essayé à cet exercice et son trône le plus célèbre reste sans aucun doute La jeune fille à la perle. D'abord nommée La jeune fille au turban. Ce n'est pas un voile qu'il faut voir dans la représentation de Samia mais bel et bien cet élément exotique qu'est le turban indispensable à la construction du trône de Johannes Vermeer et de Cédric Jimenez.
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