Guillaume passe t-il vraiment à table ?
Le mélange des genres est toujours un bonheur puisqu’il
évite de figer le masculin et le féminin dans un stéréotype. Le premier film de
Guillaume Gallienne, directement adapté de son spectacle, nous plonge dans un monde
hérissé de stéréotypes où il va se piquer en permanence avec sa merveilleuse et
précieuse naïveté. Les critiques semblent unanimes, « Les Garçons, et Guillaume, à table !» est une réussite. Tout le monde semble applaudir à la
liberté qui se dessine de pouvoir choisir son genre. Mais prenons garde car ce
film nous embarque dans un labyrinthe, celui de Guillaume dont il ne connaît pas
forcément la sortie.
La clé du genre.
Le film au travers de Guillaume semble nous dire que notre
orientation sexuelle semble se déterminer avec notre amour. Tu aimes une femme,
tu es donc un homme, tu aimes un homme, tu es donc une femme. Ce film,
contrairement aux apparences, semble être un plaidoyer pour une forme d’hétérosexualité
bipolaire, en tout cas c’est l’expérience qui ressort de la vie du
réalisateur. Il est femme quand il aime les hommes, il est homme quand il aime
les femmes. Il n’est donc pas question d’homosexualité dans ce film, ci ce n’est
en apparence. D’où le quiproquo qui sous tend le film et qui nous fait
bien rire. Elisabeth Badinter, invitée à France Inter pour la sortie du film et
l’édition en poche de son livre La ressemblance des sexes semble quelque peu
déroutée par l’expérience de Guillaume. « Ce garçon qui se croit fille et
qui imagine sa relation avec un garçon comme hétérosexuelle devrait se faire
opérer et finir transsexuelle pour réconcilier son corps et son être » nous
dit-elle. Mais non, finalement Guillaume est un hétérosexuel masculin puiqu’il
tombe amoureux d’un fille à moins que ce ne soit l’inverse. Ah oui on commence à s’y perdre, je vous avais prévenu.
Quiproquo
La jeunesse de Guillaume est donc faite de quiproquo, tous
très bien mis en scène sous forme de vignettes tout au long du film. Mais toutes
ses ambivalences ne nous révèlent pas grand chose sur ce qui se dit ou aurait dû
se dire dans ses scéances de psy à répétition.
Le film voudrait nous dire que l’on peut tricher avec ses
attirances sexuelles et pas avec l'amour.
Mon expérience est malheusement diamétralement opposée. On tombe
passionnément amoureux d’une personne du sexe qui nous attire et non l’inverse.
Je ne peux rien dire sur l’expérience de Guillaume, c’est la sienne. Mais la
mienne en vaut bien autant. C’est donc sa parole contre la mienne, nous voilà
bien avancé. Bon alors pourquoi ne pas laisser les autres de coté pour
justifier ses orientations et regarder ses propres phantasmes en face. La
question que l’on a envie de poser à Guillaume et que son abruti de psy n’a pas
été capable de lui poser, si ce n'est que par un mime embarrassé : c’est la
question de la masturbation. Comment la Sissi, qu'il imagine si souvent être, se
masturbe t-elle quand elle pense à
son prince ? Voilà un terrain que le film semble contourner avec
précaution, avec une pudeur que
l’on a du mal à comprendre étant donné le ton général du film (lavement,
partouze, …).
Acteur
Isabelle Adjani a dit, après avoir vu Guillaume Gallienne sur scène, que son
spectacle décrit la naissance d’un acteur. Certe c’est un acteur né mais le Guillaume qui ne joue pas
existe t-il ? En observant sa vie on se demande si Guillaume n’a pas toujours
voulu être un autre. Comme si être soi-même de l’interessait pas. Là où la plupart des nouveaux nés
piochent dans différents êtres des exemples pour se forger une personnalité originale,
Guillaume n’a eu d’yeux que pour sa mère. Cela conduit son être à renier sa
propre originalité, pour le plaisir fusionnel de l’imitation, puis de l’alchimie des personnages,
comme il nous le décrit fort bien. Il est d’abord un clone existentiel : la
copie de sa mère, car ce qu’il adore le plus en elle c’est son texte, son rôle, plus
que la mère, la femme qui est derrière. La mère de Guillaume n’a rien pour
plaire, c’est une femme à la réparti admirable mais elle n’a jamais une once
de compassion pour son fils. Comment pourrait-elle être une mère ?
Guillaume contrairement aux apparences n’est pas homo, ça on le découvre à la fin
mais en plus, et c’est là le scoop de mon article, il n’aime pas sa mère. Il ne le peut pas
car pour cela il faudrait que ça mère l’aime comme une mère, c’est à dire
qu’elle existe. Ce qui n’est pas le cas. Non pas que sa mère se désintéresse
de lui mais qu’elle agit comme un père pour remplacer le modèle masculin dont
l’hyper-virilité de son mari n’inspire que l’ennui à Guillaume. Sa mère sera son
inspiratrice. Elle lui inspire le respect, il veut lui plaire. Et
ça il ne le sait sans doute toujours pas. Voilà pourquoi on se perd dans son
labyrinthe. Ce petit carton « un gros merde » est celui d’un père qui reconnait tous les risques
que reprèsente la scène. Jamais sa mère ne le protège. Elle le pousse. Guillaume
n'a jamais eu sa dose d’amour maternel, il va donc la chercher sur scène. Il
va se faire aimer du public et finalement par ce truchement se faire aimer de
sa mère assise au premier rang.
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