La planète des singes : l'affrontement
Pas de surprise avec le dernier bébé de la série de La planète des singes. On s'ennuie pas mal. A l'instar des films de super héros, chaque réalisateur tour à tour nous produit un bon blockbuster hyper formaté dont les longueurs sont le plus souvent directement proportionnelles à l'égo du réalisateur et de ses producteurs. Dans l 'affrontement, le millésime 2014 de La planète des singes, l'action se passe toujours avant l'histoire originale du roman de Pierre Boulle. On assiste donc pendant 2 heures à la raison qui conduira dans un prochain épisode à l'affrontement des singes et des hommes. Ce film est donc une sorte de bande annonce à rallonge du vrai affrontement qui aura lieu on l'imagine dans un autre film. Bon laissons un peu de côté la machine hollywoodienne et ses travers marketing pour se pencher sur le fond de cette histoire.
Le thème de La planète des singes est un mythe récent, puisque que le roman ne date que de 1963, mais puissant puisqu'il a été repris dans de nombreuses versions, cinématographiques, télévisuelles et BD. Que nous dit ce mythe ? Il nous pose cette bonne veille question qui tarabuste les philosophes. Mais qu'est ce qu'un homme ? Si depuis Aristote, tout le monde y est allé de sa petite définition, cette question se pose avec une acuité supplémentaire depuis que nous avons la preuve de notre filiation directe avec le singe. N'en déplaise aux créationnistes toujours prêts à dégainer leur ancien testament, l'homme est un animal comme un autre. Et c'est bien là où les choses se compliquent puisque la frontière entre ce que nous appelons humain et ce qui ne l'est pas ressemble plus à un long fondu enchainé de plusieurs millions d'années plutôt qu'à un "uomo ex machina".
Voilà donc la grande question philosophique du thème de La planète des singes : A quel moment le singe devient-il homme et son corolaire, à quel moment l'homme n'est-il plus qu'un singe ?
On pourrait sans avoir recours à la science fiction simplement se demander depuis combien de millions d'années un singe est devenu suffisamment humain pour que notre éthique nous interdise de le tuer. L'idée qui nous vient logiquement est de penser que l'intelligence est le principal critère pour nous guider dans le partage de ce qui est humain de ce qui ne l'est pas. L'inconvénient de cette définition, c'est que nous avons la preuve certes très récente, mais génante que les systèmes informatiques peuvent développer une forme d'intelligence parfois supérieure à la notre. Il est dangereux de penser que notre intelligence nous donne des droits sur des êtres qui le sont moins
Dans le roman les singes s'inquiètent de voir un homme intelligent et dans le film on a le même scénario où le singe fait le singe pour masquer son intelligence et parvenir à ses fins. On cache son intelligence pour garder son statut d'animal. Cette piste qui conférerait une intelligence supérieure à l'humain par rapport au règne animal me semble pourtant une voie bien dangereuse. Au jeu du plus malin il se pourrait bien un jour que l'intelligence artificielle, produite collectivement par les hommes, nous domine. Si ce n'est pas déjà le cas en subissant de plus en plus notre système législatif.
Une scène du film nous met sur la voie de ce qui devrait nous montrer le chemin de ce qui est ultimement humain et de ce qui ne l'est pas. Il s'agit de ce moment où le singe César blessé sur le canapé laisse échapper une larme. Voilà bien le signe flagrant de ce qui fait la force de l'humain la compassion, fille ne nos propres souffrances. Je ne vous parle pas de cette compassion que l'on apprend au catéchisme et que l'on singe par peur d'être mal vu, mais celle qui nous vient de nos tripes. Arrêtons de vivre sur une autre planète en pensant que fierté de l'homme est d'être plus malin qu'un singe et acceptons enfin avec humilité qu'un singe qui pleure est déjà humain.
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