Le 3000m strip tease de Mahiedine Mekhissi
Que penser de la disqualification de Mahiedine Mekhissi au 3000 m steeple cette semaine au Championnat d'Europe d'athlétisme de Zurich? Mahiedine est un chasseur de médailles. Plus que sa performance individuelle ou le simple dépassement de soi, il cherche à briller, et quoi de plus gratifiant que de décrocher de l'or et de monter sur la plus haute marche.
Les Championnats d'Europe et les Jeux Olympiques plus encore sont donc les moments qui permettent aux sportifs de prouver au monde ce qu'ils peuvent faire. Les grands championnats ne sont que des constructions d'un système artificiel qui déclare une médaille à celui qui sera le meilleur le jour J à l'instant T, sous les yeux du plus grand nombre.
Une compétition n'est finalement qu'une série de règles et de convention de comptes à rebours qui une fois mis en œuvre produisent invariablement 3 médaillés dans chaque discipline et beaucoup d'oubliés. On ne peut donc pas mettre les pieds dans ces énormes mécaniques administratives que sont les championnats et les jeux olympiques en dédaignant le règlement quintessence de la compétition au profit de la pure performance. Bien sûr c'est ce qu'on vend au téléspectateur "l'ultime test, la performance en action", mais à y regarder de plus près, combien de faux départs ont coûté des médailles aux meilleurs, ou de contrôles anti-dopage, combien de lignes à peine mordue d'un saut historique.
Tout dans la compétition est règle. Quelle justice y a t-il à se blesser avant une grande compétition ? Une médaille d'or n'est que le produit de règlement et de timing inflexible dans lequel le sportif doit se glisser pour obtenir la gloire. Mais de quelle gloire parle t-on ? De celle de l'individu ou de celle du pays qu'il représente ? La gloire la plus noble semble être celle de faire gagner son pays.
La France est malheusement trop connue pour sa défiance et son arrogance face aux autres nations. Pour véritabalement faire gagner la France dans ce contexte, il faut impérativement que nos athlètes gagnent en humilité. Parce que les français aiment gagner ils pensent aimer le sport, or le vrai sport devrait forger des êtres modestes. Ce qui a donc le plus manqué à Mahiedine sur les derniers mètres de son steeple à Zurich c'est justement la lucidité de comprendre qu'une victoire ne se forge pas en écrasant les autres mais en les dépassant dans l'exemplarité.
Comme le disait si bien un concurrent norvégien, "Si tu es si fort pourquoi tu n'en a pas profité pour enlever ton short avant l'arrivée". Le 3000 m steeple strip tease de notre coureur est donc avant tout un pied de nez outrageux avant même d'être un grand moment d'autosatisfaction pour notre arriviste torse poil.
Emporté par son moi et sa fougue MM a oublié qu'il courait avant tout pour la France. Ne peut-on d'ailleurs pas interpréter le fait de retirer son maillot comme une volonté inconsciente de reconnaissance de l'homme qu'il est plutôt que de la couleur du maillot qu'il porte. Sur la dernière ligne droite Mekhissi piétine l'élégance du sport au nom de sa performance. Courrir son maillot dans les dents avec les bras en l'air ne rime à rien.
Quand on enlève son maillot en compétition c'est pour l'échanger avec d'autres athlètes au nom de la solidarité. Rien de tout cela dans la démarche de MM. Son geste n'aurait de sens que si il voulait défier les régles des championnats en montrant par cet acte que le sport se joue ailleurs que dans les arènes ultra médiatisés des championnats, que l'on peut être le meilleur et se fiche des honneurs. Mais ce n'est absolument pas le cas de MM qui transpire l'envie de reconnaissance par le système en place malgré ses vicissitudes. Il va donc être la victime de ses propres contradictions en se faisant poignardé par le règlement empoigné par la main de la fédération espagnole.
Nous les spectateurs nationalistes, sommes aussi complice de cette traitrise qui consiste à faire des compétiteurs des délateurs encore plus tatillons sur le règlement que les juges eux-mêmes. Puisque nous sommes tous pris dans ce jeux stupide des chiffres qui résument l'effort et l'abnégation des athlètes à un seul et unique chiffre : le fameux nombre de médailles collectées. Une fois de plus notre civilisation transforme le vécu en palmarès, le succès en accumulation, la vie en statistique. Nous sommes tous chers spectateurs à l'instar de la fédération espagnole prêts à toutes les compromissions pour gagner une médaille de plus et solliciter un jugement sans appel en rendant la vie moins belle pour faire un meilleur chiffre.
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