Le majordome

Barack Obama est né le 4 août 1961 à Honolulu. Notre arrivée dans cette ville hier est donc pour moi l'occasion de vous parler du film qui l'a fait pleurer : Le majordome.
Si on clique sur internet, on trouve un rapide synopsis du film du genre :
"Le jeune Cecil Gaines, en quête d'un avenir meilleur, fuit, en 1926, le Sud des États-Unis, en proie à la tyrannie ségrégationniste. Tout en devenant un homme, il acquiert les compétences inestimables qui lui permettent d’atteindre une fonction très convoitée : majordome de la Maison-Blanche. C'est là que Cecil devient, durant sept présidences, un témoin privilégié de son temps et des tractations qui ont lieu au sein du Bureau Ovale.... De l'assassinat du président Kennedy et de Martin Luther King au mouvement des "Black Panthers", de la guerre du Vietnam au scandale du Watergate, Cecil vit ces événements de l'intérieur, mais aussi en père de famille…"
Pourquoi pas. Mais à vrai dire, la tournée des présidents servis tour à tour par le majordome pendant sa carrière n'est que l'arbre qui cache la forêt. Le thème profond du film que traite Lee Daniels (qui est lui même noir) c'est la difficulté et surtout le cynisme avec laquelle les minorités noires ont été intégrées aux Etat-Unis. L'ultime étape de cette intégration étant bien sûr l'investiture de Barack Obama comme Président des Etats-Unis. Ce qui est évoqué dés le début et la fin du film.
Ce film met en scène de manière admirable tout le non-dit d'une Amérique qui à force de politically correct ne dit plus jamais vraiment ce qu'elle pense. Le cynisme a des effets ravageurs sur les plus naïfs d'entre nous. C'est exactement ce que le film va mettre en scène avec un père cynique qui va servir les blancs alors que ses deux fils qui ne sont pas nés dans les conditions difficiles de leur père ont la candeur de croire ce qu'on leur dit. L'un mourra à la guerre du Vietnam, l'autre se fera enrôler dans un mouvement protestataire non violent qui le poussera finalement vers la violence des Black Panthers, mais qu'il aura l'intelligence de quitter en restant fidèle à ses principes.
Nous voilà donc avec un père aux ordres des blancs, un fils mort au Vietnam pour la patrie, et un autre incarnant l'anti self-made man, sans ressources, accroché à ses rêves de justice.
Au milieu de tout cela une mère écartelée par les contradictions de l'Amérique qui font voler sa famille en éclat. 
Il y a dans le rôle du majordome joué par Forest Whitaker une analogie avec celle de Barack Obama. Il s'agit bien pour les deux de jouer le jeu en place et de courber l'échine pour gravir les échelons un à un de l'échelle social. Pas besoin de faire de bruit il faut jouer le jeux des blancs jusqu'au jour où l'on gagnera la partie. Cela est très bien décrit dans le film où notre majordome finira par avoir gain de cause sur l'égalité des salaires pour les blancs et les noirs au sein du service de la Maison Blanche . Obama, a dû lui aussi avaler quelques couleuvres dans sa carrière avant d'accéder à la fonction suprême des Etats-Unis. Obama comme le majordome de notre film se battent pour la même chose, l'égalité des chances. Tout cela pourrait se finir donc en happy end, mais le film me semble plus complexe que cela et ne se limite pas à l'émancipation de la cause noire. Il y a aussi Gloria la mère qui incarne forcément aussi la patrie. On en peut pas trouver meilleur actrice que l'ultra célèbre et populaire Oprah pour incarner le bon sens américain. Oprah Winfrey, c'est l'Amérique à elle toute seule. Son rôle est donc emblématique. Cette femme est malheureuse de voir à quel point le cynisme américain finit par faire des ravages au sein de sa propre famille.
Ce fossé entre les droits et les actes d'une nation empêtrée dans le politically correct va anéantir cette pauvre Gloria. 
Le réalisateur du film Lee Daniels en plus d'être noir est gay, il a donc une perception accru du sexisme ambiant qui n'hésite pas à dégrader l'amour maternel en qualité uniquement domestique. Le monde américain est un monde encore éminemment machiste qui favorise de ce fait toutes sortes d'exclusions. Le but du cinéma est de transformer les mots en images, certes, mais on peut aussi juger la complexité d'un film par les images que le réalisateur n'a pas voulu nous montrer. On ne voit donc pas la mère de Cecil se faire violer. On ne voit pas non plus Gloria, sa femme, trouvée inconsciente ivre morte gisant par terre dans son urine. Aucune image de Gloria, lavée, changée et couchée dans son lit par son fils qui lui avoue qu'il ne pouvait pas rêver d 'une meilleure mère. Ces images doivent rester des mots, car l'industrie pudibonde du cinéma mondiale ne les tolèrerait pas. Les femmes peuvent souffrir, mais hors champs pendant que les hommes se canardent dessus au nom d'un code "pseudo code de l'honneur". Pourtant ces images existent bel et bien dans la tête de Lee au delà des voix off et des apartés des acteurs. L'Amérique a fait tout ce qu'elle pouvait pour se faire aimer de ses enfants, il va bien falloir aussi que ses enfants l'adopte en lui sauvant la mise.
Pour finir cette petite analyse on ne peut que se régaler à l'idée que Lee Daniels va réaliser un film genre Mr and Mrs Smith réunissant un couple de deux messieurs Smith, l'un blanc, l'autre noir. Maintenant que tout le monde le considère comme bankable dans l'industrie du cinéma, lui aussi va pouvoir faire avaler quelques couleuvres à l'establishment comme on dit là-bas (enfin ici)

PS : Merci à Barack de nous rappeler au passage qu'il n'y a pas que les filles qui pleurent


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