YSL

Le film "Yves Saint Laurent" n'est pas un film sur Yves Saint Laurent mais bien sur Pierre Bergé. Vous me direz que l'un ne va pas sans l'autre, certes mais l'important reste de savoir de quel coté on regarde  l'histoire de ces deux hommes. Et là, en y regardant de plus près on découvre que le point de vue de ce film est bien celui d'un Pierre Bergé sur-protecteur et angoissé. On vit ce film comme on regarde un film d'Hitchcock. Comme tout film à suspense il y a une bombe qui va exploser. La bombe c'est Yves, le négociateur c'est Bergé, les otages dans ce film c'est nous. Ceux qui pensent encore que ce film est dédié la créativité d'Yves Saint laurent et non à l'angoisse permanente de Bergé, n'ont qu'à se remémorer les premières et dernières minutes du film. On ouvre le rideau sur la récente vente aux enchères des oeuvres acccumulées par le couple mythique organisé par Pierre qui de sa voix off nous dit que depuis que Yves est parti il ne les voit plus et on finit sur l'image un Pierre Bergé survivant Yves et hanté par l'image de ce dernier. Du début à la fin finalement on ne parle que de lui, on ne pense qu'a lui. Yves Saint Laurent est sa chose fragile et éphémère qu'il doit apprivoiser. Dans ce film on voit Pierre Bergé apprivoiser le génie d'Yves Saint Laurent, comme le petit prince tente d'apprivoiser un renard. Il y a cette tension permanente dans le film de savoir qui a raison. Dans quel camps voulons nous être ? Celui de Pierre et de la raison humaine ou celui d'Yves et de l'impulsivité ? Yves est malade, Pierre est sain. Ils vivent ensemble finalement sans rien partager. Ils sont tellement complémentaires qu'ils finissent par ne plus se comprendre.

Ils sont les deux faces d'une même pièce qui ne peut donc plus dialoguer. A l'instar de ce buste de Janus qu'ils collectionnent et qui apparait plusieurs fois dans le film ils ne peuvent jamais se voir puisque tout les opposent. Cette collection d'art que Pierre croit être la leur n'en est pas une, ce n'est que l'accumulation d'objets qui montre que ce couple incapable de se comprendre s'est acheté des objets pour se créer une histoire qui finira aux enchères .
Le seul objet d'art acheté dans le film est un bouddha qui n'est pas acheté en commun, alors que le film ouvre pompeusement sur la liquidation d'une collection censée être construite ensemble. Il y a une tristesse dans ce film qui semble qui découle de la chosification d'Yves Saint Laurent dans l'œil de Pierre Bergé.

Souvenez-vous, lors de l'interview dans le bassin de leur maison à Marrakech, quand on lui pose la question "Qu'est ce qui vous fait le plus peur Monsieur Saint Laurent ?", question au combien personnelle et bien sa réponse ne sera pas "la mort". Cette réponse qui hante tous les homme ne sortira pas de la bouche de l'interviewé mais de celle de Pierre qui répondra à sa place, comme si c'était sa poupée, en répondant : "perdre ses cheveux". Si Pierre répond à cette question embarrassante à sa place, c'est qu'il sait depuis longtemps que le petit Saint Laurent, la tapette d'Oran, n'a plus peur de la mort. Yves Saint Laurent est dès ses débuts à Paris asphyxié par sa dépression. Il vivait dans un autre monde que celui de Pierre, un monde artificiel où le seul air que l'on respire est l'air du temps.

Un grand merci à Pierre Niney pour s'être si bien effacé pour nous faire revivre avec autant de nuances, la fragilité de cet être qui a dédié son existence à l'art d'être futile, en un mot à la mode.

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