Daft Punk

Notre civilisation va t-elle basculer du masque au casque. Voilà plus ou moins la question qui ressort en écoutant et en analysant les Daft Punk. Notre culture est basée sur le masque. Le sauvage est spontané, l'homme civilisé est masqué. Va t-on un jour tordre le cou du politically correct pour redevenir un homme aux multiples facettes ? Va t-on enfin pouvoir sortir de l'espace à 2 dimensions du masque qui se résume dans un lapidaire "C'est quoi ton boulot, c'est où ton dodo ?" pour l'univers à 3 dimensions du casque ?
Nous avons tous un cerveaux qui dépasse largement le rôle que nous accorde la société civile. Le masque vous empêche d'être vu mais ne vous propose aucune porte de sortie. Le casque, au contraire, en englobant la boite crânienne, offre elle la grande évasion, celle de l'imaginaire.
On considère à tord les Daft Punk comme des robots. Ce sont bien au contraire des imposteurs. C'est ce que leur album au succès mitigé Human after all voulait nous dire. La vérité est dans la musique pas dans ses interprètes qui ne sont que les médiateurs plus ou moins talentueux de cette vérité. Ce couple semble nous dire derrière leurs casques : "la star ce n'est pas moi, c'est ma musique". Ce discours dérange car il suppose déjà les prémisses d'une désincarnation à laquelle notre société n'est absolument pas préparée. La célébrité sans identité, ça dérange. C'est comme un grain de virtuel qui vient coincer les engrenages bien huilés de notre réel.
La remise des Grammy Awards est à ce titre révélatrice de ce malaise. Avons-nous bien à faire aux vrais Daft Punk sur scène ou s'agit-il de doublures ? On ne sait pas. On ne sait plus. La rumeur court comme quoi ils pourraient être dans la salle se retrouvant ironiquement spectateurs de leur propre couronnement. Le roi est mort, vive le public roi. Lui aurait-on coupé la tête pour lui mettre un casque à la place ?
Le groupe nous met face à nos contradictions. Nous sommes de plus en plus fascinés par le faux et les apparences, tout en voulant toujours plus d'authentique. Nous voulons, toujours et encore, aduler le créateur pour sa création plutôt que jouir de ce qu'il nous offre. Les Daft Punk nous poussent à repenser le "être là". Serait-ce finalement les musiciens qui arrivent le mieux à nous donner le "là". C'est peut-être pour cela que le monde virtuel du cinéma ne peut pas se passer de la musique pour nous impliquer dans son univers. C'est bien l'intensité du moment qui fait la différence entre un concert live et la même musique que l'on écoute au casque sur son Ipod dans le métro. L'authenticité ne se mesure plus par son originalité mais par son intensité. L'espace devient virtuel, mais le temps nous raccroche au réel par son intensité, c'est à dire cette expérience très subjective que nous avons de la durée. Le monde vrai n'est donc pas un monde originel mais un monde intense. Mon ressenti prend le pas sur mes sens. Et si l'on était plus heureux dans un monde virtuel, nous aussi enfermé dans un casque, que dans le monde réel du masque dans lequel nous vivons ?
Les générations qui nous suivent vont s'ennuyer à mourir masquées dans ce que nous appelons notre réel. Casqués comme Daft Punk ou invisibles comme Fauve, le réel les déprime. Pourtant ils ne le jugent pas , ils ne se révoltent pas. Pourquoi ? Parce qu'ils ne souhaitent pas le changer ils veulent simplement le quitter. Ils ne souhaitent plus exister sous un masque social. Ils s'en amusent d'ailleurs, puisque le monde qu'ils envisagent est surement bien plus plus drôle que celui là. Nous avons sans doute peur de les suivre car à l'intérieur du casque, nous nous verrons démasqués. Alors pour se rassurer on essaye de les démasquer et de les réduire inutilement à leur visage, alors qu'ils se sont déjà mis à nu dans leur musique.
La liberté  est dans le casque, ce n'est pas notre Président qui dira le contraire. Pour ceux qui trouve encore du charme au monde dit réel, vous allez pouvoir sans doute vous régaler vendredi avec l'interprétation par les Chœurs de l'armée rouge du dernier tube de Daft Punk : Get Lucky (glups).

Notre illustration : heureusement que les Daft Punk nous apportent une boule de disco dans le désert du réel .

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