American Sniper


J'avoue ne pas raffoler des films de Clint Eastwood, toujours un peu trop formaté pour gagner des Oscar en nous filmant les grandes causes de ce monde dans un style pseudo académique souvent ultra chiant. Mais bon avec la carte UGC illimitée, l'idée est de jeter aux orties ses préjugées et d'aller voir des films que l'on aurait exclu même s'il n'eu fallu ne dépenser qu'un euro. Alors pourquoi ne pas aller voir le American Sniper de Clint Eastwood plutôt que rester draper dans mon mépris de l'auteur au lieu d'aller au contact de son œuvre ? Chaque cinéaste délivre un message qui le dépasse et qui traduit l'inconscient d'une société qui le porte. Et c'est bien pour cela que j'essaie de film en film de ne pas tomber ni dans le fond ni dans la forme pour trouver ce que chaque auteur nous transmet le plus souvent à son insu.

American Sniper n'est pas un film de guerre de plus. C'est un film sur le jeu et sur son emprise sur le réel. Il n'y a pas de jeu plus impliquant que le jeu de guerre, les éditeurs de jeux vidéo le savent bien. Risquer sa vie à tout moment et la sauver en supprimant celle des autres, on n'a pas trouver mieux pour tenir en haleine les amateurs de sensations fortes.

Le film ne nous pose donc pas la question morale de savoir si la guerre en Irak est une bonne ou une mauvaise chose, les protagonistes de cette histoire, et nous aussi d'ailleurs, s'en foutent. Ce film ne fait ni l'apologie ni la critique de la guerre. Il n'y a rien dans ce film de politique, rien qui laisse penser que le réalisateur que l'on sait très Républicain essaye de justifier une guerre qui a déjà eu lieu.

On assiste d'avantage à une mise en abîme des valeurs républicaines elle-même, ce qui va créer une faille vertigineuse entre 2 valeurs qui ne peuvent pas céder au profit de l'autre à savoir Famille vs Patrie. On se retrouve donc avec nos personnages dans un monde absurde où l'on nous demande famille ou patrie. Même le plus aguerri des Républicains ne peut résister à cette absurdité qui conduit inévitablement à tuer une mère pour l'autre. Suis je un lâche au foyer ou le héros d'une veuve. Il me faudrait vivre 2 vies, or je n'en ai qu'une sans aucun pouvoir d'ubiquité.

L'ubiquité voilà bien un désir dans lequel le film nous pousse. Appeler sa femme par téléphone quand on est sur le terrain, penser au terrain quand on est avec sa femme. Notre sniper est coincé entre deux mondes. Deux mondes qu'il ne parvient plus à rejoindre au point de devoir passer par un sas de décompression (le bar aux Etats Unis duquel il appelle sa femme au lieu d'être avec elle) pour aller de l'un à l'autre.

La modernité du film tient dans l'inversion des monde réels et virtuels. Si l'histoire d'un sniper en Irak n'est au fond pas trop la notr, il nous est plus difficile de nier que le monde virtuel qui nous permet l'ubiquité grâce au numérique ne nous arrache pas du réel en permanence pour nous projeter ailleurs. Notre sniper à été happé par le réel de la guerre comme d'autres peuvent se faire engloutir par la réalité impérieuse d'un jeu video. L'ancien réel s'étiole et l'enjeu de votre vie bascule d'un quotidien décevant vers un script haletant.

Le réel se trouve du coté de la nécessité. Cette définition ne donne aucune prédominance à la vie que l'on appelle réelle. Si l'on se sent plus nécessaire dans un monde virtuel, se sera bien lui notre réel. Notre sniper n'est pas traumatisé d'avoir tué trop de monde, au contraire dans une logique de jeu video, il est entrain de nous faire un "high score". En revanche il est anéanti par l'idée de n'en avoir pas tué assez, de n'avoir pas fait le nécessaire pour sauver plus de soldat sur le terrain. Sa famille devient un jeu, auquel il se prête sans conviction en jouant à la fin du film " le papa modèle" pour le bonheur de son épouse qui semble dupe, mais sa réalité est ailleurs et le condamne à ne plus être là.

Notre photo : Tireur dans un jeu video genre Call of duty 4 

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