Vincent n'a pas d'écailles
Vincent est un homme comme tout le monde qui gagne une force surhumaine quand il se plonge dans l'eau. Ce film s'annonce donc comme un film de super héros ou plus encore comme une parodie de film de super héros. Ce n'est ni l'un ni l'autre. Les critiques qui attendaient sans doute un pastiche à la française des gros blockbusters de Marvel restent donc un peu sur leur faim. Le film de Thomas Salvador a quelques longueurs mais il a eu le bon goût de nous livrer un premier long métrage de seulement 1h15.
Alors si Vincent n'a pas d'écailles n'est pas un film de super héros, qu'est-ce que c'est ?
Le film ne cherche pas à opposer l'humain au surhumain, mais plutôt l'humain à la nature. Vincent est ouvrier, il bricole, tous ses chantiers ne sont que des rénovations de campagne faites de bric et et broc. Vincent vit dans une région magnifique sculptée par les gorges et les lacs, mais autour, ce que l'homme a construit est minable. Tous les plans du film nous offrent des perspectives sur des petits pavillons disgracieux et bons marchés. Vincent survit quand il est sur terre entrain de faire des petits boulots et de boire des petites bières dans des petits bars et vit dès qu'il se plonge dans la grandeur des lacs.
L'image est efficace, à tel point que notre réalisateur a presque oublié d'écrire des dialogues à ses personnages. Tans pis, on ne sait pas trop ce que pense Vincent, sa petite amie ne parle presque pas non plus. Mais l'un et l'autre est autant animal qu'humain et la parole ne peut que les humaniser davantage ce qu'ils ne veulent pas. Ce film avec ses faux airs de parodie est avant tout la traduction d'un appel que les jeunes générations ressentent de plus en plus. Tourner le dos à la société actuelle pour retrouver l'essentiel et se reconnecter davantage à la nature.
Le seul acte héroïque que va produire Vincent pour sauver son ami d'une sale bagarre c'est de planter une bétonnière dans la voiture de l'agresseur. Cette bétonnière encastrée dans le pare brise d'une 205 semble parfaitement symboliser la génération d'avant toute dévouée à la bagnole et au béton. Vincent ne veut pas faire la révolution, il n'a pas comme tous ces super héros une irrésistible vocation pour sauver la planète. Il veut juste vivre tranquille à sa manière dans un monde plus beau.
Si on y regarde à deux fois on se rend compte que les pouvoirs de Vincent ne sont pas tant surhumain qu'animal. Le film est très efficace pour nous montrer que l'homme est un animal déchu de ses pouvoirs.
L'homme n'a plus aucun pouvoir, plus aucune force il les a délégué à la société pour son plus grand confort. Pas étonnant donc que les seules personnes avec qui Vincent doit se confronter ne sont finalement que des gendarmes. Mais même à plusieurs ceux ci ne parviennent pas à contrer la force toute animale de Vincent. Vincent nage comme un poisson, voilà tout, rien d'extraordinaire dans tout cela. Il nage comme un dauphin pas comme un super héros. On redécouvre donc par ce film les super pouvoirs du règne animal. Ces saumons qui remontent les rivières, les dauphins qui traversent les océans, les hirondelles qui voyagent d'Europe en Afrique. La nature est pleine de super héros dans leur genre et l'homme sédentaire n'en est plus un.
Vincent ne se rendra donc jamais à la police, pour la bonne et simple raison qu'il n'accepte pas de renier la nature pour être un citoyen. Vincent ne veut de mal à personne, mais il ne compte pas rendre des comptes. Doit-on comprendre par ce film que tout était mieux avant et que la société fonce droit dans le mur en piétinant la nature ? Non le film nous offre une porte de sortie, la possibilité d'un nouveau monde plus respectueux de l'animal que nous sommes et de la nature qui l'accueille. Vincent trouve la force de traverser l'Atlantique pour s'inventer une nouvelle vie. Il arrive ainsi en Nouvelle Angleterre ; terre où un certain David Thoreau avait déjà pressenti que l'homme ne devrait pas faire l'économie de sa nature.
Commentaires