Les huit salopards


Il faut se méfier des apparences. Les huit salopards n'a pas grand chose à voir avec le thème d'un western, ci ce n'est que l'usage ad nauseum de l'un des archétypes du genre "le chasseur de prime ".

Le film démarre avec de belles images de diligence sous la neige qui pourraient à elles seules donner raison à Quentin Tarentino de ressortir à grand frais les caméras qui se nourrissent de pellicule 70mm comme on se nourrit de caviar dans un monde où le numérique fait figure d'œufs de lump.
J'avoue que tout cet émoi autour d'un format d'enregistrement qui date de Ben-Hur ressemble fort à un dandysme cinématographique qui me passe au dessus de la tête. On peut faire un film très divertissant avec une Go Pro, comme dans Babysitting 2 et des flops retentissants en CinemaScope.

Il y a dans Les huit salopards un film de posture, comme si le film en entier était un énorme ralenti prétentieux sur le style Tarentino sans apporter rien de neuf. Un peu moins de 3 heures pour nous mettre en scène une situation de western qui devrait normalement durer quelques minutes. C'est juste lourd et même très lourd à avaler. On a l'impression de voir une pub pour les shampoings L'Oréal où le réalisateur nous aurait assis dans une salle de cinéma juste pour nous montrer un mouvement de cheveux. On passe les 9/10ème du temps à l'intérieur d'une diligence ou d'une épicerie chalet alors que les grands espace enneigés du Wyoming nous tendent les bras. Tarentino tue d'emblée toute idée de conquête qui est l'idée même du western.

Vraiment pas besoin de 70mm argentique pour filmer un huis clos de mecs mal rasés entrain de se préparer des cafés à répétition dans une salle aux allures de décor de théâtre. Dans un western on tire d'abord et on parle après. Dans Les huit salopards c'est l'inverse. Non seulement ça papote mais en plus le personnage principal nous embarque dans une logique de déduction à la Hercule Poirot qu'on a alors vraiment du mal à imaginer vu les circonstances du film où la supériorité numérique de ceux qui tendent le traquenard devrait régler le compte des victimes en 2 temps 3 mouvements.

Bon on oublie donc pour de bon l'idée séduisante d'un western revisité, encore plus celui d'un film horreur, il n'y aucun suspense dans ce film. Le genre s'apparente davantage à une partie de Cluedo, où l'on met secrètement du poison dans une cafetière pour tuer ses ennemis, comme on le ferait dans un manoir anglais infesté de protagonistes venimeux.

Tout cela pourrait être drôle, mais malheureusement Quentin a oublié d'être amusant et léger dans ce 8ème film. Non seulement on ne rit jamais, pourtant je suis bon public mais en plus tout est dit et redit, rien n'est suggéré. Et pour ceux qui ne seraient pas encore dégoutés, on nous sert une voix off qui nous explique ce que l'on vient de voir. Il faut dire que le la contorsion que Tarentino souhaite donner au genre du western en le transformant en une enquête policière à la Agatha Christie ne prend pas. On n'en croit pas ses oreilles quand le chasseur de prime qui trimbale sa prise menottée à son bras nous dit sans véritable raison : " J'ai l'impression qu'il doit y avoir des gens qui dans cette auberge sont de mèche avec elle ". On réalise avec consternation que l'intrigue du film va être un jeu où il faut trouver qui dit la vérité et qui ment. Un jeu de masque qui tourne forcément au massacre pour permettre à Tarentino qui a serré les fesses pendant plus de 2 heures de nous envoyer sa dose d'hémoglobine comme d'autres vont en urgence au toilettes. En tirant dans un peu tout le monde Tarantino enlève le peu de dignité que l'on pouvait trouver dans le film qui tentait vaguement de trouver la vérité à l'aide d'indices.

Néanmoins on ne peut pas critiquer le film pour son coté Grand-Guignol. Quand on n'aime pas le sang on ne va pas chez Tarentino pour se divertir. Mais en revanche, tous les fans du réalisateur sont en droit d'espérer une certaines esthétisation du sang, de la souffrance et de la mise à mort. Celle-ci existe mais totalement à contre temps, un peu comme si Colombo ou Sherlock Holmes nous sortait de sa poche un hachoir pour couper la tête de sa présumée victime plutôt que de la confondre par des preuves accablantes qui la mettraient à genoux devant la puissance inconditionnelle de la déduction.

Il y a un mélange des genres dans ce film qui tourne au mauvais goût. Et comme c'est souvent le cas quand on a l'impression d'avoir produit quelque chose qui se vend mal on vous en donne plus pour le même prix. C'est ce qui vous attend en allant voir Les huit salopards. Dégueulasse mais copieux.

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