Mia Madre



Mia Madre un film tout en finesse qui nous questionne sur l'emprise du cinéma sur le réel. Cette question est personnifiée par l'héroïne du film Margherita une réalisatrice égocentrique qui prétend faire un cinéma réaliste et engagé. Cette idée d'un cinéma en prise avec le réel est à l'opposé du personnage de Barry, un acteur américain cabotin et affabulateur qui représente un cinéma qui se veut bien loin de la réalité. Il dit lui même dans le film sa fatigue face à un métier qui l'a finalement isolé de la réalité. Il joue bien sûr avec une fausse moustache, boit du faux champagne et parle l'italien comme une vache espagnole.

Le film au lieu de se contenter de nous opposer de manière caricaturale, au travers de ces deux personnages, un cinéma hollywoodien face à un cinema réaliste italien tel que le veut Margherita, nous fait débouler en prime la vraie réalité dans le petit univers clos des plateaux de tournage. Cette réalité n'est autre que la mort, la vraie et en particulier dans le film la fin de vie de la mère de la réalisatrice. Margherita découvre ainsi tout au long du film que la réalité n'est autre que sa vie et non pas la vie des ouvriers licenciés qu'elle prétend mettre en scène dans son film.

Le film est amusant parce que l'on décèle, un certain recul du vrai réalisateur Nanni Moretti sur sa propre carrière et ses ambitions. Il nous livre un film où il critique finalement l'impuissance du cinéma à nous plonger dans le réel et pourtant la forme de son propre film reste finalement dans la veine d'un cinéma qui traite encore trop d'un sujet pas drôle pour faire réel. Si le cinéma est impuissant à devenir réel, il devrait se concentrer davantage sur son côté divertissant, même dans le cas de sujet grave.

On sent bien que ce qui est le plus réussit dans le film c'est la drôlerie des scènes de tournages rocambolesques avec un acteur américain déconcertant, incapable de fondre dans le moule du cinéma réaliste de Margherita. On jubile de voir la réalisatrice pleine de convictions sombrer dans ses propres contradictions, alors que finalement Barry fidèle à lui même gagne la sympathie de l'équipe de tournage et du spectateur. Margherita bien que vindicative et même violente n'est pourtant pas un personnage repoussoir. On aime bien cette femme parce qu'elle nous ressemble quand nous  nous demandons parfois si nous ne passons pas à côté de l'essentiel.

Nanni Moretti aurait pu se dégager davantage de la lourdeur des scènes d'hôpital à répétition.
Il y a presque une ressemblance entre lui et Margherita qui n'arrive pas à réaliser ses films avec plus de légèreté. Comme si à l'instar de Margherita il voulait injecter dans son film la dose de réel qu'il n'a pas vécu en passant à coté de sa réalité.
On rit mais pas assez finalement. Le film dégage néanmoins une réelle beauté par la poésie avec laquelle le film nous déplace avec simplicité dans des scènes réelles ou rêvées. L'une des plus belles scène du film est sans doute ce moment où Margherita descend de son lit et découvre que l'ensemble de son appartement est 10 cm sous l'eau. Scène au rendu parfaitement onirique qui plonge pourtant les deux pieds nus de la réalisatrice dans le réel d'un méga dégât des eaux pendant la nuit. Sans doute une façon de la part du réalisateur de nous montrer que la frontière entre réel et
imaginaire n'est pas le problème du cinéma mais l'essence même de la poésie.

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