Kingsman 2
Quand on aime James Bond et Chapeau melon et bottes de cuir on ne peut que se laisser séduire par Kingsman. L'esthétique exacerbée et la dérision qu'apporte le film au film d'espionnage en fait un phénomène en soi. Le deuxième volet est en dessous de ce qui nous a été proposé lors du premier numéro mais on s'amuse quand même par le coté déjanté et la légèreté surréaliste avec laquelle le réalisateur tricote pendant 2 heures un scénario tout de même ultra light.
Ce qui est fascinant avec Kingsman c'est le pouvoir que prend le visuel sur le concret. On est dans une sorte d'hyper réel symbolique. Le Royaume Uni est résumé à une échoppe de tailleur et à quelques mecs en costards rayés qui s'agitent avec un parapluie pendant que l'Amérique est réduite à son tour à une bande de cowboys buvant du whiskey (avec un e) et maniant du lasso.
Cette simplicité caricaturale qui a quelque chose d'iconographique. Comme si le réalisateur nous parlait sans filtre en essayant de mettre en scène les poncifs qui envahissent notre cerveaux ceux là mêmes que nous essayons de domestiquer tous les jours pour paraitre plus subtile dans notre perception du monde que le film.
Les films de Matthew Vaughn sont à l'image de son hachoir. Il nous broie la tête pour en faire sortir du steak haché. Il nous parle de nos propres phantasmes en n'hésitant pas à recourir à des mises en scènes qui tiennent bien plus du rêve que de notre réalité.
Il resort de ce film trop long et trop instable pour être bon, néanmoins des images fortes qui nous renvoient à notre propre devenir.
L'arsenal d'un Kingsman ou d'un Stateman ne procède plus uniquement d'arme de destruction, mais aussi d'une montre décodeuse de tout et d'une paire de lunette vous donnant une sensation d'ubiquité en superposant les univers de lunettes connectées entre elles. Les agents Kingsman sont déjà dans la réalité augmentée qui nous attend tous demain.
Le film joue de ces nouvelles possibilités et nous met devant l'absurdité de se retrouver à deux endroits à la fois lors, par exemple, d'un diner très officiel avec ses futurs beaux-parents.
Au delà de la réalité augmentée, le film nous propose aussi les avantages du corps augmenté soit par la greffe de bras cybernétiques soit par l'utilisation d'un gel qui permet de sauvegarder le cerveau grâce à un plasma miracle. Les gadgets de nos espions ne sont en fait que la matérialisation des espoirs nouveaux de l'humanité pour parvenir à une vie meilleure et durable.
Kingsman nous parle du début à la fin du film de notre corps. Pourquoi l'homme de demain ne serait-il pas un cerveau qui regarde au travers d'une paire de lunettes sa réalité augmentée? Le film est composé comme les films d'espionnages classiques de scènes sans réels liens qui se passent à Londres puis au Kentucky puis dans les Alpes italiennes. Changement de décors, de tenues, mais aucun lien entre les tableaux. Si la vitesse que vénère notre société raccourcit les voyages jusqu'à les détruire, la réalité augmentée va nous permettre de voyager instantanément d'un tableau à un autre comme le ferait un personnage de jeux vidéo qui change de niveau.
Le voyage n'existe plus en tant que tel. Le monde de Kingsman pourrait se réduire à un point si il n'y avait pas une nouvelle dimension qui surgissait de la négation de l'espace lui-même. Cette dimension qu'il faut escalader comme une montagne sont des niveaux de compréhension. L'enjeu des nouveaux espions n'est pas tant de courir le long de couloirs souterrains interminables en esquivant les balles, mais plutôt de trouver au plus vite les portes secrètes et les codes d'accès pour se mouvoir dans un monde hiérarchisé par une complexité hors du temps et de l'espace.
Notre méchante dans ce film n'est finalement cruelle que par sa logique. Elle incarne le mal d'un algorithme qui ferait peu cas de notre culture.
Elle symbolise en fait la logique des machines qui sont d'ailleurs sans surprise ses meilleurs amies dans le film.
Pourquoi si la vente de l'alcool est légale ne pas légaliser la vente de la drogue qui rapporterait de substantielle rentrées fiscales au états si ce n'est pour des raisons culturelles.
Pourquoi la vente de sucre dont l'addiction et la consommation entrainent bien plus de morts que la cocaïne n'est telle pas réglementée ? Si le monde était optimisé avec une stricte logique de machine nous pourrions être surpris des travers que notre culture impose à un monde incroyablement sous optimisé à cause d'elle.
Du point de vue d'une machine il n'y pas de grande différence entre le corps d'une vache et celui d'un homme, alors pourquoi cette aversion à manger un hamburger au cowboy. La culture est sans doute ce que la machine aura le plus de mal à comprendre chez nous.
Kingsman fait donc assez peux cas de notre corps et de ses tabous. Le réalisateur est en revanche plus préoccupé par notre cerveau. Celui-ci est perçu comme une machine relativement neutre fait de souvenirs et d'envies qui ne peuvent recréer sa propre personnalité que par un électrochoc émotionnel. Notre" Je" serait la conséquence de traumatismes qui permettraient d'articuler notre caractère. Hors du corps notre cerveau aurait besoin d'un électrochoc émotionnel pour recréer en son seing notre moi. Et pourquoi pas. Le monde de Kingsman n'est donc pas aussi naïf qu'il en à l'air puisse qu'il met en perspective toutes les grandes interrogations actuelles du devenir humain directement liées à l'augmentation de sa propre réalité en tentant peu à peu de s'émanciper des contraintes de son propre corps.
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