Under the skin : La physique des attirances

Under the skin est un film extra terrestre sur un extra terrestre qui va s'incarner dans le corps de Scarlett Johansson.

Le film est à l'instar de son actrice principale, hypnotisant. Les scènes se répètent doucement sans se copier. Le film nous emmène dans les abîmes de l'incarnation et de la désincarnation. Nous sommes bien sûr des êtres de chair et de sang, mais notre apparence traduit-elle ce que nous sommes à l'intérieur ? Qui est cet être qui se cache dernière nos yeux et qui regarde ce qui nous arrive? L'apprentissage de notre corps est une expérience bien lointaine qui remonte à ce moment juvénile de notre reconnaissance dans le miroir. Ce corps que je vois dans la glace c'est moi. Voilà l'un des tous premiers efforts que notre cerveau doit faire pour prendre conscience de qui nous sommes. Tous les animaux ne se reconnaissent pas dans un miroir, certains sont même effrayés par leur propre image. Nous il nous faut apprivoiser notre image dans le miroir car notre intelligence est trop vive pour voir autre chose que nous dans le reflet de notre apparence. Ce film n'a rien de narcissique, au contraire, il nous emporte plutôt dans la noirceur de l'attirance physique qui donne à notre peau le beau rôle et à notre être le lot de consolation de se réfugier dans les neurones de notre cerveau. Notre extraterrestre s'incarne dans le corps d'une femme belle et sans âme qui va avaler tous les hommes qui ne l'aiment que pour sa plastique et non pour son être.

Le film réussit ce tour de force par la subjectivité de ses plans à nous faire voir notre monde comme extraordinaire. A nous faire sentir à quel point le corps humain déforme notre perception et nous embarque dans l'irrationel de la libido charnelle. On découvre dans les yeux de Scarlett une forme de vie étrange, les terriens. Si l'on vaut mieux que l'image de l'on regarde dans le miroir , il serait juste de donner la même chance à ceux qui nous entourent et tourner une fois pour toute le dos à l'injustice de l'attirance physique. La voilà la marée noire qui engloutit un à un ses amoureux d'un soir qui ne représente rien d'autre que l'inadmissible sex appeal que certains ont et que d'autres n'ont pas sans l'avoir mérité.

Il  n'y a de justice que désincarnée. Notre corps nous tire vers le bas. Nous ne serons tous égaux que le jour où nous pourrons tous choisir librement notre apparence et de ce fait tuer une fois pour toute la superficialité dont l'être de chair que nous sommes ne peut s'extraire. Notre peau n'est que l'avatar de ce que nous sommes, notre apparence sera bientôt ce que voudrons bien laisser voir de nous. Notre enveloppe comme celle de Scarlett à la fin du film nous finirons bien par laisser notre enveloppe biologique dernière nous. Sans notre peau nous nous verrons finalement nu, une image que les conservateurs ne voudront pas voir comme d'ailleurs la propre nudité de notre corps aujourd'hui. On voudra brûler la beauté de l'être car elle sera vu comme l'ultime obscénité de l'humanité.

Ce film n'a pourtant rien de mystique car c'est bien à travers son incarnation que notre extraterrestre apprend à sentir puis surtout ressentir les choses. Seul son passage sur terre va donner une âme à un être qui n'en n'avait aucune. Pas de deus ex machina, pas d'intelligence supérieure qui vient nous voir, juste une existence externe qui découvre comme nous que la profondeur d'un être se bâtit par son expérience et ses souffrances. Cet éveil imperceptible que le réalisateur film si bien quand par exemple notre extraterrestre commence à battre la mesure avec son doigt sur un air diffusé à la radio, ou qu'elle découvre avec stupéfaction qu'on peut la pénétrer. 

Ce film est sans concession. Mais ce n'est pas la femme mais l'image qu'elle renvoie qui est systématiquement violée par les hommes dans ce film. Les hommes eux sont aussi systématiquement broyés par l'image que leur renvoi la femme dans cette gigantesque marée noire née de l'apparence qui se nomme attirance physique.