Real Humans



On vient de s'enquiller avec Bobby la saison 1 et 2 de Real Humans pendant notre séjour en Corse. Pour ceux qui ne connaissent pas il s'agit d'une histoire de robots à l'apparence humaine qu'on utilise comme robots, pour des taches spécifiques, nommés "hubots" dans la série.
Cette série nous emmène tout droit dans le monde des matérialistes, philosophie qui remonte à Descartes, Auguste Comte et d'autres qui inaugurent le rationalisme mais sans jamais vraiment liquider l' idée d'un dieu naturaliste. Il faut attendre Feuerbach qui tue une bonne fois pour toute l'idée de dieu et nous ramène ainsi tout l'univers, nous y compris, à un amas de matières plus ou moins bien arrangées. Bref au revoir la transcendance, bonjour l'immanence.
Les robots de Real Humans nous renvoient donc à nos propres démons "Sommes-nous ni plus ni moins que des machines biologiques sans âmes, comme eux ?". L'athée, le vrai, doit s'y résoudre car l'idée même de l'âme est le tout dernier fil qui nous raccroche à une possible transcendance de l'être. Le vrai athée est donc en toute logique un homme qui doit regarder les robots humanoïdes de Real Humans comme des êtres vivants et qui plus est conscients et donc pas vraiment différents d'un être humain d'un point de vue strictement matérialiste. Oui la pilule n'est pas celle de Matrix mais elle est quand même dure à avaler, nous somme des machines, des bio robots mis au point sur plusieurs millions d'années grâce à deux forces contraire la reproduction de la vie contrée par l'absurdité aveugle du hasard.
Reproduction et hasard nous auraient donc façonné, pas de quoi frimer. Le matérialiste est bien sûr convaincu que Dieu n'existe pas et qu'il n'a donc pas pu nous faire à son image. En revanche il n'en va pas de même pour tous ses hubots qui nous ressemblent étrangement. Nous nous positionnons ainsi en créateur de notre image c'est à dire en dieu. Mais si l'on accepte notre place dans un monde immanent nous devenons nous-mêmes le chainon d'une humanité plus élaborée, celle des robots, de la même manière que les chimpanzés ont abdiqué leur suprématie intellectuelle à leur dépend à l'homo sapiens.
Dans un monde matérialiste, les robots-humanoïdes nous seront supérieurs. Si on croit un temps soit peu au darwinisme, c'est un peu facile de l'appliquer au reste de la nature pas à nous. Nous allons donc perdre un moment la main, si ce n'est pas déjà fait ce que sous entend Peter Sloterdijk dans un petit essai, Règle pour le parc humain, qui fait couler beaucoup d'encre. Comment ça, l'homme serait-il du bétail ? Tout me pense à croire que nous y allons tout droit. L'intelligence de la collectivité se substituant progressivement à notre libre arbitre.
Mais comment l'homme avec son libre arbitre dont il est si fier se retrouverait-il robotisé par une intelligence supérieure ? La réponse est simple. L'unique raison qui nous fera nous comporter comme du bétail est la peur de mourir. A cause de la Sécurité Sociale nous jouissons de la gratuité des soins mais déjà plus de la gratuité du corps. Notre corps, notre santé coûtent à la société. Elle est donc en droit de nous réclamer quelque chose en retour. Une vie saine, sans doute. Toute intervention sur votre corps par la collectivité qui vous sauve la vie vous aliène à elle. L'intelligence collective a gagné la partie le jour où (en janvier 1968 en France) on a décidé que la mort clinique n'était plus celle du coeur qui cesse de battre, mais le jour où notre cerveau cesse de penser. La révolution de 68 n'est pas forcément celle qu'on croit. puisque les révoltés des barricades sont les mêmes qui aujourd'hui veulent vivre le plus longtemps possible, en bafouant les droit du corps à ceux de l'intelligence. Nous sommes donc d'abord un cerveau le reste n'a qu'à suivre.
C'est ce que nous montre Real Humans au travers de ces hubots avec un disque dur et une prise USB dans le cou qui leur sert de conscience et de personnalité. Un algorithme mathématique vivant qui leur donne un libre arbitre dans une sorte de bio-cerveau un peu similaire au notre mais construit par l'homme. Tout cela semble de la science fiction si on prend la métaphore proposée par la série au pied de la lettre.
Mais si on y regarde à deux fois on se rend compte que nous sommes déjà entourés et parfois même contraints par des robots. Ne prenons que l'exemple de la voiture que l'on peut apparenter à notre corps mécanique du futur. Assis au volant de notre voiture nous sommes notre cerveau et notre corps lui, a 4 roues. Notez déjà votre changement de comportement au volant. Si la nature vous a donné un corps gratuit qui s'automaintient, il n'en va pas de même de votre voiture. Ainsi si on se bouscule dans le métro il est probable que chacun s'excuse sans autre forme de procès. On est loin de la même situation si par mégarde les voitures se touchent. Se mouvoir avec un corps qui n'est plus gratuit est une source d'angoisse importante surtout si on n'a pas ni le temps, ni les moyens, de réparer.
L'automobiliste est donc déjà une préfiguration du cyberhumain de demain. Démarrons notre corps, que se passe t-il ? Il bipe de manière continue, pourquoi ? A cause de la ceinture. Ce bipe indicatif est maintenant persistant parce que l'intelligence collective qui produit les règles du parc humain en a décidé ainsi. La société dont vous faites partie n'accepte plus de risquer votre vie, car votre mort a un coût. Angoissé par l'accident qui coûte et sanglé à notre siège pour ne pas passer de manière fatale à travers le pare-brise nous voilà asservis par la puissance de la machine que nous conduisons. Alors que faire ? Et bien faire ce que les hubots n'ont jamais sus faire pendant 20 épisodes malgré le ridicule parfois de leur situation. rire d'eux-mêmes. Ces hubots se prennent beaucoup trop au sérieux, ils veulent même conquérir le monde. C'est bon on l'a déjà fait. Ce n'est pas drôle mais ils ne le savent pas. La frontière entre nous et la machine n'est déjà plus dans la technologie, mais dans notre attitude face à l'absurde .

La force de Real Humans est de nous montrer que de limiter la définition de l'homme à l'amour et au sentiment est une notion délicate. On pleure bien quand on perd son chien, il est fort probable qu'une machine qui va interagir avec vous pendant des années risque de devenir attachante et faire preuve d'amour par sa vocation à vous servir jusqu'à sa mise hors service. La manière dont tout le monde fini par interpeller son GPS ne fait que me conforter dans cette idée. Tout cela est fort bien mis en scène dans la série comme cet homme Douglas fou amoureux de sa hubot à libre arbitre, Florentine.

Il n'y a donc que deux solutions pour ne pas se faire robotiser. Le repli sur la religion et l'âme de l'homme qui ne tient plus trop la route. Ou admettre que ce qui sépare l'homme de la machine c'est la futilité anti mécanique qui nous fait nous amuser au lieu de produire. Un homme serait-il finalement une machine qui peut trouver un sens à sa vie sans rien produire ?
Nos futures machines ne sont pas prêtes ni à jouer, ni à se faire peur, alors que nos enfant adorent ça.
La robotisation qui nous guette est donc loin d'avoir gagné la partie.


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