Interstellar

Interstellar ne peut que nous faire penser à 2001 l'odyssée de l'espace, pourtant ces deux films portent un message fort différent ? Si d'un côté  le film de Stanley Kubrick nous renvoie à notre rapport avec la machine, à une époque où les supercalculateurs voient le jour, le tout nouveau film de Christopher Nolan aborde un autre sujet qui est au coeur de nos angoisses actuelles. La Gestation pour autrui, réduit au petit acronyme de GPA. L'utilisation de la science fiction n'est qu'un moyen et non une fin de nous plonger dans la grande question qui émerge évidemment de ce film : "Quel avenir pour la famille dans un monde où l'on autorise la GPA ? "
Sous ses aspects scientifiques (un peu assommant) et son look ultra réaliste dont on n'a que faire, le film Interstellar est un film en fait sur la stérilité et la procréation. Trouver une nouvelle planète fertile est la grande préoccupation de ce très long métrage. La question actuelle, de qui a le droit de procréer et comment, est résumée par le film par deux grandes options : le plan A qui consiste à se sauver de la terre avec toute sa famille et le plan B qui consiste à sauver l'espèce au détriment du lien familial. Le vrai héros du film est donc cette petite boite ronde qui conserve suffisamment d'ovules fécondés pour assurer via une, puis d'autres mères porteuses, la diversité génétique d'un colonie qui pourrait se développer en concurrence ou même à la place de la ligné familiale dont nous sommes pour l'instant tous issus.

Nous avons donc dans le film deux camps :
1/Le camp de la fille qui veut un père qui reste à la maison et fonder elle aussi une famille. L'image  à la fin du film de Murphy entourée de sa nombreuse famille enfonce bien le clou du bonheur, somme toute relatif, de mourir au milieu des siens.
2/ De l'autre coté un aventurier, ce père qui ne veut plus en être un, non de manière unilatérale, mais par le consentement de sa fille qui le lui refuse. Lui est  finalement prêt à risquer son âme pour envisager une procréation moins "familiale". Tout ça se joue bien sûr à son insu au début, mais c'est quand même bien lui qui part de son plein gré alors que son fantôme qui en bave dans une autre dimension lui dit de rester au travers de sa harpe gravitationnelle.

Là où le film offre une perspective intéressante c'est en explorant au maximum les effets de la relativité du temps prouvé par Einstein ( à l'instar de La planète des singes) pour nous montrer en quoi un voyage dans l'espace peut vous éloigner de manière tragique de vos proches. Et cela en les voyant vieillir beaucoup plus vite que vous. L'usage du trou noir dont la masse gigantesque permet de maximiser les effets de la relativité du temps d'Einstein permet ainsi au réalisateur de nous faire vieillir Murphy, la fille de notre héros de l'espace, bien plus vite que lui. Lorsqu'il reverra sa fille, elle sera déjà arrière grand-mère à répétition.
Mais en quoi toute cette histoire de relativité du temps a quelque chose à voir avec la GPA ? Et bien c'est parce que la congélation des œufs nous permet de fiche un joli bordel dans filialisation et désarticule la logique des générations qui reste l'un de nos plus fidèles rapport avec le temps.

Ainsi notre astronaute héros malgré lui de la GPA va endurer toute la souffrance qu'implique la désynchronisation de la procréation avec sa ligné familiale. Ce sujet semble à tel point diviser l'espèce humaine que l'on retrouve à l'arrivée une station en orbite sur laquelle le bon vieux modèle du "home sweet home" et de la famille est vénéré. Sa maison est même devenue un musée. La science est mise au service de la tradition pour la maintenir à bout de bras ? De l'autre nous avons une mère porteuse seule entrain de fonder une nouvelle colonie grâce aux oeufs qu'elle possède. Son monde est un monde neuf, qui nous effraye, mais où finalement notre héros a sa place. Il sera donc ce père social au coté d'une mère porteuse entourés d'enfants qui seront les leurs sans être d'eux.

N'y a t-il pas dans ce petit vaisseau qui tente de traverser le trou noir devant lui une métaphore amusante du sperme et de l'ovule et de ce qui nous attend en modifiant notre façon de faire des enfants ? Un grand point d'interrogation vers l'inconnu.

Le film semble nous dire que les pro et les anti GPA existeront parallèlement mais ne pourront pas durablement cohabiter car les références au temps qui passe ne seront plus les mêmes. Comme si ils ne vivaient plus ensemble dans la même dimension non pas galactique mais génétique.

Le futur de notre héros Cooper est donc avec cette nouvelle mère Brand qu'il va aimer pour son courage et sa détermination à tracer un nouveau chemin. Riche de centaines d'œufs elle est capable de faire avec ou sans lui un nouveau monde où la famille aura un autre sens. Un monde où les dimensions traditionnelles plient sous le poids d'une science qui s'impose à nous. La réalité ne connait qu'une éthique celle du possible. A nous de nous adapter.

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