The Revenant


Quand on regarde l'affiche du film The Revenant, on se doute déjà que le film porte en lui la grande idée de la religion catholique, qui utilise Jesus pour nous inculquer cette idée pernicieuse que la souffrance et la rédemption vont de pair.
Notre héros va donc beaucoup souffrir dans le film pour payer pour le mal et la culpabilité d'une Amérique qui se rend peu à peu compte que la disparition des indiens sur leur continent prend de plus en plus des airs de génocide.
Il n'est pas question dans le film de s'excuser ou de rendre hommage aux victimes, mais plutôt d'opter pour la défense assez classique du " tous pourris" qui se résume par cette inscription qui apparait de manière assez incongrue sur un petit panneau de bois " Nous sommes tous des sauvages". Le réalisateur arrive par ce petit tour de passe passe à retourner l'éternelle argumentation qui consiste a reprocher au peuple civilisé de mal traiter ceux qu'il considère comme des sauvages en mettant tout le monde dans le même sac.

Non seulement les hommes sont tous des sauvages dans The Revenant, mais en plus le monde qui nous entoure est lui aussi particulièrement dur et sauvage. Bref au 18ème siècle en Amérique on ne vit pas on survit, ce qui semble donner tous les droits aux protagonistes.

Cependant le film ne nous emmène jamais dans la cruauté qui nous oblige à tuer pour manger, mais bien à celui de tuer par la crainte de l'autre.
La scène centrale du film est sans doute celle de cette ourse qui protège ses petits et qui de ce fait va nous martyriser notre héros. La culture américaine est enracinée dans le culte de la famille. Cette ourse ne fait pourtant rien d'autre que de protéger ses petits. Elle ne fait ni plus ni moins ce qu'un bon père de famille ferait après s'être enquillé la trilogie de Taken : tuer, pour protéger ses enfants. La sauvagerie qui pousse par instinct un ours à tuer qui sent sa progéniture menacée, ressemble fort au fondement d'une morale américaine qui repose toujours sur un sempiternel "touche pas à mes gosses".

Le film nous captive, parce qu'il propose la vengeance, non plus comme objective, mais comme une raison de vivre. C'est le désir de vengeance qui va permettre à notre éclaireur de survivre et finalement revenir se venger. On est en 1860 et la mort de l'assassin de son fils ne le fera pas revivre. Au 21ème siècle, bon nombre d'américains continuent d'avoir une arme chez eux et considèrent toujours la peine de mort comme une solution pour protéger la vie.

Le scénario de ce film nous tire inexorablement vers le bas, là où la souffrance devrait être la seule manière d'apaiser la violence. On se retrouve avec un être qui trouve, grâce à la vengeance, la force d'endurer la souffrance. Le revanche brise le cercle vertueux de l'empathie qui jailli du mouvement de balancier entre la violence et la souffrance. Sans pardon, nous sommes comme cette ourse qui craint pour ses petits et dont la violence est totalement disproportionnée par rapport à la menace.

La religion catholique devrait toujours prôner le pardon pour désamorcer la spirale de la violence. Seulement voilà avec cette histoire abracadabrante de Jesus ressuscité, elle semble donner un pouvoir divin à celui qui a vraiment, mais alors vraiment, beaucoup souffert. Cette fable ouvre malheureusement une brèche dans la généreuse théorie du pardon du Nouveau testament. C'est dans cette  porte ouverte par le Christ qui gagne son droit à la résurrection par la souffrance, que toute l'Amérique s'est engouffrée. L'Amérique est devenue la championne toute catégorie de l'auto-bénédiction, car elle veut se dédouaner du simple pardon du mortel et user à son gré de la sentencieuse colère de Dieu.

L'Amérique s affranchit donc du devoir de pardon en se proclamant en permanence  "God best friend".

L'autre brèche offerte par la religion catholique à l'Amérique est la dégradation du vivant et en particulier des animaux par rapport à cet être exceptionnel qu'est l'homme. D'après l'église seuls les hommes ont une âme, le reste de la nature est juste là pour nous servir de décor. Vision aberrante et totalement antinomique des croyances des indiens d'Amérique.
Le film nous traduit aussi très bien cette croyance, d'un peuple américain qui malgré sa suprématie piétine sans état d'âme beaucoup de principes écologiques, là où il pourrait être exemplaire. Grace à l'église catholique on peut croire en l'homme au détriment de l'animal.

Dans The Revenant tout est centré sur la véracité du jeu des acteurs, en revanche les animaux sont avantageusement remplacés par des images de synthèse, à l'instar de cet maman ourse en 3D qui surjoue comme une débutante. Peu de chance que cette ourse numérique gagne le moindre Oscar au côté de Leonardo Di Caprio dans ce film. Ce film qui se veut hyper naturel nous offre en fait une représentation fantasmée par les américains de leur nature pour mettre en scène leur propre quête. L'animal est instrumentalisé, digitalisé, pour que l'on puisse voir l'industrie hollywoodienne sanctuariser l'homme en souffrance dans une nature qui lui est hostile, lui donnant in fine le droit divin de tuer son égal.

Un homme qui ne respecte pas ses semblables est un sauvage certes, mais un sauvage qui ne respecte pas la nature, n'en est plus un. Voilà toute la contradiction de la culture américaine qui ne peut plus se replier sur les valeurs animales de la famille, alors qu'elle dénie à la nature ses droits.
L'ours en peluche de nos parents devient aujourd'hui un ours numérique avec lequel le héros s'invente un destin. Il y a bien longtemps que notre nature est devenue artificielle. Les bois sont devenus des campagnes, les campagnes des villes, les animaux des peluches ou des images de synthèse. Il n'y a rien de mal à cela à condition que nous considérions toujours que nous sommes totalement indissociables de celle-ci, qu'elle nous définit autant que nous la définissons.

Si depuis l'époque de The Revenant, l'américain a fait des progrès spectaculaires pour accroitre son confort et ne semble pas avoir beaucoup bougé dans sa perception de sa place dans le monde. L'avenir de l'homme se trouve au delà des religions, sinon à force de trop croire en Dieu, nous risquons de finir comme lui monothéiste c'est à dire...tout seul.

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