Starmania


C'est Non. On peut écrire de longues critiques sur ce spectacle comme mes confrères l'ont fait mais à la fin on finit toujours par devoir répondre par oui ou par non pour se construire ses propres repères esthétiques. Alors qu'est ce qui ne va pas dans cette nouvelle version de Starmania même si celle-ci vous hypnotise.

On a d'abord un problème de curseur. Starmania est une dystopie qui pointe l'an 2000 comme la fin du monde alors que nous sommes en 2023. La chose à ne pas faire et qui rend ce spectacle totalement bancal c'est de réécrire l'histoire à l'imparfait. On ne chante plus " la vie sera bien plus facile en l'an 2000" mais la vie était bien plus facile en l'an 2000. Il faut vraiment avoir le nez dans le guidon pour ne pas voir que les villes de l'an 2000 de Luc Plamandon sont les villes du 3ème millénaire. 2000 n'est pas une date mais une idée du futur. A partir de là on se morfond au lieu de se prémunir. J'ai ressenti la même chose lors de la sortie de Batman de Christopher Nolan. Trop noir, trop réel, trop actuel et surtout sans espoir. On est venu écouter Le blues du businessman pas le blues de Thomas Jolly.

Ensuite la réécriture bien pensante de cette version finit de nous perdre. On lit que l'avénement d'un président milliardaire en la personne de Zéro Janvier est prémonitoire de l'élection de Trump et en même temps on édulcore son discours en supprimant les références explicites à la suprématie de la race blanche pour ne pas choquer. Il en en va de même pour les attentats des Etoiles noires qui sont transformées en "coup d'éclat" par les réécrivains pour ne pas choquer les récentes victimes du Bataclan. Si même un opéra rock ne doit plus nous choquer on n'est pas prêts de sortir l'occident de sa grosse dépression collective. Dans ce contexte "politiquement correct"  le sexe de l'an 2000 abordé sans complexe à l'époque de Michel Berger est contourné voir oublié pour ratisser "tout -public". Il n'y a qu'à voir comment notre Ziggy qui devrait être beau comme David Bowie a été fagoté par Louis Vuitton. Ce n'est pas habillé comme ça qu'il va se faire des tas d'amis.

A ce propos tous les  costumes sont d'une laideur remarquable. Si on peut comprendre que LVMH habille la classe dominante gravitant autour de Zéro Janvier on pouvait s'attendre à mieux dans les bas fond de l'Underground Café. Ce Starmania a des faux air de Star Academy. On fait chanter les meilleurs de la classe en fin d'année dans un scénario auquel personne ne prête attention puisqu'il n'est que prétexte à la chanson. C'est d'ailleurs l'une des faiblesses de l'ouvre originale dont la dramaturgie faiblarde (nécessitant l'introduction d'une vois off) a été compensée par une série de chansons inoubliables. 

En se repliant sur l'actualité et donc sur lui-même  ce Starmania manque de vision. On oublie la vision historique. On chante du bout des lèvres "Ce soir on danse à Naziland", on a supprimé le discours en allemand pour ne pas heurter. La génération Z doit imaginer "un numéro et une étoile sur la peau"comme un joli tatouage. Et on nie le futur. C'est à dire, dans le cas d'une dystopie, on n'arrive pas à imaginer notre avenir pire qu'aujourd'hui et on n'a donc plus de raison de se réjouir du présent. Cette œuvre à l'instar de de celle du Batman de Nolan est fondamentalement dépressive.

Sans perspective on se retrouve dans une zone molle où on ne sait plus si Zéro Janvier est vraiment méchant. Les zonards finissent par beaucoup aimer (un peu trop dans la mise scène) nos anciennes Jaguar. Cristal qui enfile une combinaison de rebelle en se la nouant à la taille laissant le haut en strass en dit long sur l'ambivalence de ce spectacle. 

Alors on chante pour chanter en regardant trop souvent ses pieds et pas assez le public. La salle est immense, impersonnelle. Les acteurs sont loin (même en zone dite Carré d'or où nous étions) et ne nous voient pas. On est médiatisé, audimatisé, nous mutons de public à audience. Starmania est un concert qui ne dit pas son nom ou une comédie musicale compléxée qui peine à danser et à s'amuser. En ce sens c'est un parfait objet du futur qui évite à la fois la personnalisation du concert et la légèreté de la comédie musicale. De ce fait on n'ose pas chanter car ce n'est pas un concert et on ne risque pas de rire. On allumera timidement sont smartphone en mode torche en agitant le bras sur Le monde est stone. On sent que ce geste est vain voire ridicule face au dispositif lumineux gigantesque de  Thomas Jolly qui tue toute forme de réciprocité en écrasant son public.

Il va bien falloir un jour que l'on sorte Starmania de cette mise en scène ampoulée et sérieuse pour en faire quelque chose de plus gai. Thomas a le mérite d'être allé au bout de cette mise en scène noire qui découle directement des images de Métropolis ou de Gotham City (toujours le même gâteau art déco qui clignote). On ne fera pas mieux dans le genre. L'usage de la lumière est époustouflant pour rendre le climat futuriste totalitaire et anxiogène de Métropolis. Les chansons s'enchainent vite dans un décor de lumière qui demande peu de logistique. Tout ces effets nous hypnotisent plus qu'ils ne nous galvanisent comme si le spectacle vivant était entrain de brûler sous trop de lumières pour essayer de faire du cinéma, son cinéma.

Starmania pourrait donner lieu à de magnifiques chorégraphies. Mais voilà l'œuvre est trop récente les ayant droit sont en embuscade. Luc Plamandon n'est pas mort. Brigitte Macron avec sa robe Vuitton est au premier rang de la première, donc on fait gaffe à respecter la volonté du mort. A savoir Stamania n'est pas une comédie musicale. Bien sûr que si. En attendant pour l'instant cela reste encore une mauvaise tragédie sidérale aux tubes planétaires.

Est-il nécessaire de rappeler qu'une dystopie n'est pas là pour nous saper le moral mais est faite pour nous montrer ce à quoi on doit échapper. 

Quand Jaguar rime avec zonard

En haut en bas à droite à gauche. Un bel exemple de chorégraphie bridée et de costumes ratés.
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