Titanique

 

Ne jamais dire jamais. Quand j'ai vu il y a quelques semaines la publicité de ce spectacle enroulé autour d'une colonne Morris rue de la roquette, j'ai tout de suite dit à Bobby voilà un truc que l'on n'ira pas voir. Il existe des reniements heureux puisque nous nous sommes bien amusés hier au lido avec ce spectacle produit à New York ( Off Broadway)  et joué par une remarquable troupe anglaise. Cette parodie réussie du film de James Cameron est bien rodée puisqu'elle est déjà passée par Toronto et Sidney avant d'avoir pignon sur rue aux Champs-Elysées. 

Ce spectacle nous a permis tout d'abord de découvrir la nouvelle salle du Lido totalement refaite et très réussie. On ne finit pas en nage après 1h40 de spectacle, l'opéra Bastille ne peut pas en dire autant. De plus le coté dinatoire a été évacué dans cette version 2.0 du lido qui aligne cette salle avec le goût du jour c'est à dire moins de foie gras, plus de spectacle. Le cabaret est légèrement en pente donnant un point de vue agréable quelque soit votre place. La décoration est soignée comme un salon de bateau de croisière ce qui collait par chance parfaitement à notre spectacle. 

Vu les moyens de la salle on pourrait presque regretter une mise en scène un peu trop "camp" comme disent les anglos-saxons, c'est à dire une ambiance spectacle  boy scout / potache. Le glamour du décor proposé par le Lido parait surdimensionné par rapport à une mise en scène plutôt à la Alexis Michalik dont le charme découle du peu de moyen mis en œuvre pour produire un maximum d'effets. À quoi bon nous faire sortir les jets d'eau en fin spectacle alors qu'il ne se passe strictement rien lors du naufrage. 

On ne sait pas très bien où on est tout au long du spectacle. La preuve celui-ci prétend être au début dans un musée à la gloire et aux déboires du Titanic, au lieu de nous faire directement monter à bord. La mer avec un bout de tissu qu'on agite et un naufrage où on casse une maquette en deux, on a déjà fait mieux. Il ne faudrait pas que la dérision bienvenue de "Titanique" s'échoue elle aussi sur l'écueil du dérisoire. Les logiques du marketing du Lido qui alpague de ses pixels le chaland font que les écrans du couloir qui mènent à la salle, déploient plus de moyens visuels que tout le spectacle réuni.

A part ce problème de mise en scène qui est surement dû en grande partie à un manque d'adéquation entre l'esthétique Off Broadway et ce que veut offrir Le Lido, le reste est bluffant tant par le professionnalisme des  chanteurs que de la dérision implacable qui habitent les acteurs ce qui donne à ce spectacle qui aurait pu être imbuvable pour un "non fan" de Céline Dion, toute sa saveur. 

Céline est divine dans tous les sens du terme puisque en plus d'être la diva qu'elle est, elle bénéficie de pouvoir surnaturelle qui lui permettent à la fois d'être à bord en 1913 et de pouvoir conjurer le mauvais sort de la fée maléfique incarnée par une improbable et hilarante Iceberg Bitch. Iceberg Bitch et la mère de Rose (hilarante aussi) sont les seuls personnages féminins incarnés par des hommes. On peut donc dire que si ce spectacle fait la part belle la la culture gay il ne ne donne pas dans le queer show c'est à dire un apanage de Drag Queen qui se battent pour faire semblant de chanter du Dion (on a déjà donné et non merci).

Les personnages féminins sont des femmes talentueuses et les hommes sont des hommes dans la plupart des cas. C'est plutôt cisgenré pour ceux qui suivent. Le personnage de Jack se démarque assez habilement de celui de DiCaprio et reste néanmoins très séduisant, Rose en revanche est un peu décevante et mal accoutrée ne parvenant pas à s'installer dans la parodie. On trouve finalement la mère plus drôle et donc plus séduisante que la fille ce qui est un comble même dans ce cadre burlesque.

On peut parfois regretter que les pouvoir divin de la diva n'interfère pas plus dans l'histoire d'amour romancée par James Cameron. Le spectacle imbrique assez peu l'histoire de Céline à bord et celle d'amour impossible qui lie Jack et Rose. Il se construit davantage comme "pas mal de Céline au début ", "pas mal de Céline à la fin" et l'histoire de Titanic au milieu. 

Pour les fans de Céline Dion il faut  préciser que le show est d'abord un show américain et que là-bas Celine Dion est vu d'abord et seulement au travers de son show en robe à paillettes au Caesar Palace de Las Vegas (ça nous va bien). Il y a aussi des tonnes de références à la culture pop et gay américaine qui nous passent totalement au dessus de la tête, c'est pas très grave et on rigole quand même beaucoup. Tous les dialogues sont traduits (heureusement). Mais les chansons n'ont pas cette chance. Les producteurs doivent assumer que nous les connaissons par cœur, on fait donc semblant pour ne pas les décevoir.

Le Lido 2 avec cette nouvelle production a parfaitement amorcé sa reconversion de cabaret gastronomique un peu ringard à celui d 'une salle de spectacle moderne et conviviale Il propose avec Titanique une programmation légère et décalée. Cette production multiculturelle, ne serait-ce que par son titre est plus en phase que le précédent Hello Dolly trop Broadway-Broadway et cadre parfaitement avec l'esprit que doit porter à mon avis la plus belle avenue du monde. Un trait d'union idyllique et tendrement ironique entre la culture française et les autres. On attend avec impatience Les demoiselles de Rochefort, leur spectacle à venir en octobre 2025.




Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

La liberté guidant le peuple ?

Maison 5 étoiles

Mariage de Julien & Ludo