Moonlight


Le 26 février la remise des Oscars s'ouvrira avec deux camps. D'un coté les fans du bulldozer La La Land qui arrive avec 14 nominations, de l'autre l'humble Moonlight qui par sa finesse et sa simplicité arrive de nulle part en tant que challenger de La La Land avec quand même 8 nominations.
Imaginer que Moonlight puisse prendre la vedette à La La Land  le grand soir des Oscars ne pourrait que me ravir et montrer que Hollywood peut tenir son rang dans ce qu'on appelle aujourd'hui aux USA "soft power ": le pouvoir doux.

Moonlight est un film d'un tout nouveau réalisateur noir de 27 ans hétérosexuel qui a lui aussi vécu à Liberty City banlieue de Miami ravagée par la drogue.
Mais cette histoire reste celle de Chiron, fils unique d'une mère célibataire qui sombre dans la drogue, présentée en 3 volets : Petit (Little) , ado (Chiron), adulte (Black).

Dans le fond rien de très nouveau, mais dans la forme on consent doucement à se laisser enfermer dans le film comme Chiron dans sa vie.

Le film est profondément Sartrien dans sa manière implacable de dépeindre les autres comme un enfer. Le petit Chiron semble être né en enfer, il n'est ni chez lui à l'école ni chez lui à la maison.
Chiron est sensible et gentil dans un monde où il n'a pas sa place. Muré dans le silence et la crainte, il découvre en plus qu'il est gay.

Il faut cependant se rendre compte que ce film n'est pas un film sur l'homosexualité et rendre hommage à ces nouveaux réalisateurs de moins de 30 ans qui savent aujourd'hui filmer cette attirance sans connotation militante. Chiron est homo, comme sa mère est droguée, c'est comme ça. On ne va pas chercher à savoir pourquoi. On part de là. A Liberty City, le monde des gentils et des méchants se brouille. Sa mère est plutôt méchante, elle incarne le salaud, "si elle se drogue ce n'est pas de sa faute mais celle du dealer" et le dealer est plutôt gentil. Ce dernier écoute Chiron et lui explique qu'il n'y rien de mal à être homo et qu'il ne faut pas qu'il laisse les autres lui dire qui il est.

Le film nous emporte au cœur de la construction de soi. Le film est inspiré d'un roman dont le titre est  : Au clair de lune les noirs sont bleus.
Chiron voudrait pendant ces 3 étapes critiques de la construction de son être choisir qui il veut devenir, mais rien de lui permet d'exercer sont choix pour devenir quelqu'un d'autre que ce qui sort du moule "Liberty City" et dont il ne peut s'extraire.

Fragile et amoureux d'un copain de classe le petit Chiron va finalement devenir "Black" un dealer musclé au dentier en or qui ne lui ressemble pas. Sauf que Chiron comme nous d'ailleurs pense toujours être lui-même depuis le début. Persuadé d'être lui, on réalise à ce stade que l'enfer ce n'est plus les autres, mais que Black alias Chiron, alias Little, se retrouve séquestré dans son propre enfer, emprisonné au dehors de la prison dont il sort démuni. Il s'est enfermé dans l'image du dealer black qu'on veut lui coller et qu'il endosse par choix pour devenir cette chose que ne lui ressemble plus.

Insensible à son propre devenir, chosifié dans son corps que personne n'a plus touché depuis cette nuit. Cette seule nuit avec son ami adolescent au clair de lune. Une nuit où ils n'étaient plus vus comme des "blacks" puisque ce soir là ils étaient bleus grâce au reflets de la lune. Libres en dehors de la cité.


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