Africa Museum


La pensée se réveille quand elle se cogne contre l'absurde. J'ai un amour limité pour l'idée même de musée. Mais il a sans doute fallu inaugurer hier l'Africa Museum de Bruxelles pour se rendre pleinement compte de l'incongruité de ce type de projet.

On voit avec un siècle de recul toute la vanité que pouvait dégager l'idée même de construire un musée sur la colonisation. On réalise qu'il est tout à fait impossible aujourd'hui de maintenir les préjugés de l'époque sur l'Afrique en l'état. La Belgique régnait sur le Congo, cela valait bien un palais dans les environs de Bruxelles. "Le passé est passé", comme dirait La reine des neiges, mais ce n'est pas une raison pour exhumer ce vieux palais de la colonisation boursouflé de marbre et aux voutes orgueilleuses dans un tout nouveau musée de l'Afrique, qui s'appelle d'ailleurs curieusement Africa Museum puisque l'anglais est la seule langue sur laquelle les deux Belgique arrivent se mettre d'accord.

Des musées très moyens, j'en ai visité, on finit toujours par y trouver quelque chose et de se dire que l'on est pas tout fait venu pour rien. Mais là j'avoue qu'on atteint des summum. Ce machin lancé à grand renfort de mousseux belge et de chardonnay apatride est juste embarrassant. Embarrassant, oui c'est le mot, non seulement par la gêne qu'il crée, mais aussi parce que à l'évidence personne ne sait quoi faire de ce bâtiment pharaonique planté dans la banlieue bruxelloise.

La meilleure solution aurait été sans doute de ne rien faire et de faire de ce musée, un musée des musées. Garder le musée en l'état et montrer à quel point l'idée même de musée est totalement idéologique. Un musée vous montrera toujours ce que vous êtes prêt à venir voir. Malheureusement il n'en a pas été ainsi de ce musée mal né et qui attaque depuis hier une nouvelle vie aussi dégradante que la précédente. J'aurai pu une fois de plus faire comme les trois petits singe et ne pas voir entendre et dire ce qui est évident, mais ce musée cumule tellement de défaut qu'il entraine avec lui toute sa famille.

On arrive au musée à 17h00 sous une pluie battante, pour l'instant rien d'étonnant on est en Belgique. Nous nous garons à quelques pas de l'entrée du musée. Pratique. A part que cette entrée n'est plus l'entrée du nouveau musée. Pour ceux qui connaissent Roissy terminal 1, l'Africa Museum se serait comme si on rentrait par un satellite pour ensuite descendre dans un long couloir pour rejoindre l'ancien musée qui fait office de terminal. Si on comprend qu'un aéroport ait besoin d'envergure pour accueillir des avions qui ne savent pas encore replier leurs ailes, on ne comprend pas pourquoi il faut s'éloigner de 500 m de l'entrée de l'ancien bâtiment juste pour aller vers un nouveau bâtiment, pour ensuite refaire le trajet en sens inverse dans un tunnel aseptisé et dépourvu de tapis roulant et comble de l'horreur, dans lequel on ne capte pas. Ajouter à cela que se tunnel doit se trouver 15 m sous terre et que vous devez vous taper à l'aller comme au retour la montée et la descente de marches pour rien et sans que personne n'ait même penser à les mécaniser. Faire descendre les gens pour les faire remonter, les faire partir d'un coté pour ensuite les faire revenir, est d'une telle bêtise qu'elle en arrive à tuer l'idée même d'architecture, au profit de la lecture d'un bon bouquin sur l'Afrique. Un grand couloir qui ne sert à rien depuis un bâtiment qui n'a qu'une vocation commerciale (vente de ticket , boutique du musée et restaurant) pour arriver ensuite dans un bâtiment qui n'a pas changé, ci ce n'est sa scénographie.

La scénographie c'est comme le maquillage, ce n'est pas sur les personnes laides que ça marche le mieux. Le bâtiment est immense et pompeux il est impossible de fixer son attention sur quoi que ce soit, les vitrines sombres nous présentant des objets africains comme si ce continent avait disparu. On a l'impression d'un naufrage où les voûtes du musée aux dimensions d'une cathédrale n'est que la coque d'un bateau qui aurait chaviré avec sa cargaison entrain de flotter en guise de scénographie. Rien ne va, rien n'est à sa place. On ne sait plus si on doit prendre ce lieu au premier ou au deuxième degré. Rire du coté pathétique de ce musée inutilement relancé et qui n'est pas mieux que le précédent ou pleurer de voir tellement d'effort consacré depuis deux siècles pour enfermer dans des boites ce qui appartient à l'air libre. Parce que le pire c'est que ce musée ne vous propose pas de vous montrer des objets, mais l'Afrique elle-même et la richesse de ses biomes.
Comment peut-on une seule seconde imaginer enfermer la ferveur et la beauté de l'Afrique dans un sinistre palais au milieu d'un bois en Belgique un après-midi pluvieux de décembre. Ce musée n'a pas d'âme, ou pire il garde qu'on le veuille ou non toute sont âme colonialiste. Tenter d'en faire quelque chose c'est déjà faire un pacte avec le diable. Dans ce palais suranné et vaniteux il n'y a qu'un seul endroit digne d'intérêt. C'est une toute petite pièce peinte en blanc sous une voûte basse en brique dans laquelle ont été reléguées toutes les statues qui d'après le cartouche n'ont plus leur place dans ce musée à cause de leur connotation coloniale. Cette pièce aussi petite et désordonnée soit-elle, est heureusement notre conscience. Un début de rejet qui nous dit que mettre l'Afrique dans un musée est aussi stupide que de faire un musée de la Belgique à Kinshasa avec une salle dédiée à la frite et l'autre à la bière. La stupidité de l'idée de musée jointe à celle de nation, car il s'agit en fait toujours d'un musée du Congo pour les belges qui s'effondre sous nos yeux par son propre poids. La seule chose que nous apprenons en sortant de ce musée c'est de savoir finalement ce que nous n'aimons pas. Nous faire empailler comme des animaux de musée.
Photo mystère:

1: Nous nous prosternons devant des statuettes africaines au pouvoir divin
2 : Nous avons un mal fou à lire des cartouches mal éclairées sur des objets dont nous n'avons pas grand chose à faire

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