Pupille
Les plus belles histoires sont celles qu'on ne se raconte pas. La preuve avec Pupille. Pas de suspense, pas de rebondissement, pas de surprise et pourtant à chaque instant on est pris par ce qui se passe. Les mots ne servent à rien puisque le personnage central de ce film, le petit Théo, ne les comprend pas. Le film est une réussite parce qu'il se bâtit uniquement sur les émotions de ses personnages qu'il plonge dans le monde d'un bébé entre 0 et 2 mois. Théo est un pupille confié à la nation par sa mère et il cherche le regard de sa future mère. Il lui faut sentir l'amour autour de lui. Tout cela est finalement très banal. Mais non pas dans ce film, c'est toute sa force. Il en va de même pour la longue et fastidieuse procédure d'adoption. On s'attend à une satire ou à un coup de théâtre. Et bien non, parce que le plus intéressant dans cette procédure c'est quand ça marche. On est fasciné par le travail d'orfèvre que demande l'arrimage d'un bébé non biologique à une mère. On troque le sensationnel pour l'émotionnel et ça fait du bien.
En se mettant progressivement au niveau de Théo on se rend compte que tous les personnages du film sont encore des enfants et ont besoin eux aussi de plonger dans le regard de quelqu'un d'autre pour s'accomplir. Gilles Lellouche déborde de tendresse et ne se retrouve pas complètement dans le reflet que lui renvoie sa femme. Sandrine Kiberlain est encore une enfant qui mange des bonbons et qui dit tout ce qui lui vient à l'esprit; elle est sans filtre. La géniale Olivia Côte déjà dans la distribution du premier film de la réalisatrice "Elle l'adore", a la délicatesse de masquer sa grossesse pour ne pas gêner ses interlocuteurs en mal de bébé.
Et puis Elodie Bouchez (Alice) qui se fond dans ce rôle de mère stérile et qui ne se désarme pas face à la montagne de contraintes que constitue l'adoption. Son bébé à Elodie (en tant qu'actrice) c'est aussi ce très beau rôle tout en nuance que lui offre Jeanne Herry et qu'elle a adopté avec le même bonheur que le petit Théo dans le film. Le métier d'Alice est de décrire depuis une cabine ce qui se passe au théâtre pour les aveugles. Son métier est exactement ce que Jeanne Herry a réussi à faire dans ce film : lire entre les lignes et sentir entre les mots ce qui se passe vraiment.
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