Jean-Paul Gaultier Freak Show
On ne laisse pas notre enfance derrière nous, on la pousse devant soi. Pour s'en convaincre on peut aller voir le show de Jean-Paul Gaultier qui s'ouvre sur la présentation de sa peluche et des rêves qu'ils ont partagé jusqu'à aujourd'hui. Le parcours que nous propose le couturier au delà d'une simple revue est bien une autobiographie amusée et amusante de ses derniers 60 ans.
Mettre sa propre vie en scène peut vite déraper dans une forme de suffisance et d'autosatisfaction que l'on ne ressent absolument pas pendant ce spectacle hors norme. Show qui mêle art de la revue, du défilé et de l'usage à bon escient de montage vidéo. Il y a dans le show de Gaultier de la poésie. La plus belle, celle qui consiste à faire entrevoir avec pudeur et douceur son propre monde, ses propres rêves aux autres. Le rêves du petit Jean-Paul en plus de devenir couturier a toujours été de monter un spectacle au Folies Bergère. C'est chose faite, avec une belle réussite.
Son combat, lui, ne fait que commencer. Puisqu'il cherche à rebrousse poil de la cause féministe à faire de l'homme l'égal de la femme dans ce qu'elle a d'objet. Là où certains se battent pour faire sortir la femme de sa chosification par l'homme. Jean-Paul, lui, milite pour un homme objet à l'égal de la femme. Là où les uns crient pour l'émancipation de la femme, Gaultier veut faire de l'homme une femme objet comme une autre. Là où le monde entier se bat pour crever le plafond de verre qui empêche les femmes d'être aussi bien payées que les hommes, JPG milite pour l'égalité des rémunérations entre hommes et femmes dans le seul métier où elles sont mieux rémunérées que le sexe du salaire fort : le mannequinat.
Dans le contexte de la libération de la parole des femmes avec les vagues "Me Too" et "Balance ton porc", revendiquer que les hommes soient eux aussi traités en objet relève de la gageure. C'est tout le charme du personnage qui depuis ses débuts ne voit pas la mode comme les autres et dont les audaces souvent décriées avant d'être respectées ont fait de lui un être à part.
Si le couturier nous voit comme un objet c'est qu'il voit notre corps comme le vêtement de l'âme. D'où la thématique de son show sur le thème : "tout le monde il est beau" et sur cette parenthèse où il nous présente le corps au 21ème siècle comme ultime enveloppe et donc lui même chosifié par la mode. L'homme pour Gaultier se doit d'être objet pour qu'on lui reconnaisse aussi une âme. Un homme chosifié n'est plus un homme de pouvoir il devient au même titre que la femme un séducteur. C'est le mâle qui descend sous le plafond de verre pour retrouver la femme sous un globe que l'on retourne pour le faire briller de milles paillettes. Si l'homme et la femme deviennent égaux en se transformant tous deux en objet c'est tout le rapport sexuel qui lui aussi est relégué à un échange entre deux objets laissant ainsi nos âmes en paix.
Pour Jean-Paul Gaultier nous n'avons pas une une âme mais la moitié d'une. Gaultier est un platonicien en faisant du sexe un objet et de l'amour la réconciliation de deux âmes. Ces âmes peuvent se réunir 2 par 2, indépendamment de leur sexe sans que l'on ait besoin de parler d'homosexualité ou d'hétérosexualité, puisque les âmes n'ont pas de sexe, comme les anges.
Jean-Paul est un ange qui au lieu de nous faire de longs discours sur ce que doit être la vie, nous livre sa propre vision du court bonheur qu'il a eu avec Francis et de la joie qu'il a de vivre. Quand on fait une marinière pour deux, on ne fait plus de la mode, on philosophe avec du coton et des rayures. L'amour de Francis et de Jean-Paul nous livre la clef de ce show d'une tendresse infinie et d'une légèreté communicative. Jean-Paul sait depuis que Francis est mort du sida qu'il n'est plus que la moitié de lui-même mais que l'empreinte que leur amour lui a laissé, il la porte encore. Ce show il ne l'a pas dédié à sa moitié disparue comme tant d'autres impudiques l'auraient fait. Ce spectacle très personnel est un cadeau qu'il nous offre en leurs noms avec émotion et sans tristesse.
Le final en dit long sur la démarche de Jean-Paul qui nous habille pour finalement nous mettre à nu.
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