Monsieur Aznavour
Monsieur Aznavour est un biopic musical de plus. Comme le film se contente de suivre une forme très traditionnelle dans sa construction, faire sa critique revient à faire la critique de tous les biopics qui manquent d'un point vue original.
L'exercice du biopic transforme souvent l'or en plomb. A savoir la spontanéité et la beauté des acteurs d'aujourd'hui comme Tahar Rahim en pantin. Le biopic est au cinéma ce que les imitateurs sont à l'humour. Un pastiche qui plait sur le moment mais qui ne dure pas longtemps. L'imitation n'ouvre aucune intemporalité. Une imitation de Georges Marchais par Thierry Le Luron ne peut pas faire rire nos enfants. Il en va de même de ces biopics académiques qui sortent à la chaine avec la bénédiction des ayant droits.
Si on aime Aznavour on aimera ce biopic, c'est d'ailleurs tout l'intérêt commercial de cet exercice, mais si on aime le cinéma plus qu'Aznavour n'allez pas le voir. Le scénario vole au raz des pâquerettes à savoir, on va sur Wikipédia et on fait une scène pour chaque étape de la vie du bonhomme. Et comme souvent dans les biopics non romancés, on ne trouve finalement pas grand chose à dire sur un artiste à part qu'il avait envie d'être célèbre. Alors on remplit les 2 heures de film avec un max de chansons et les fans et les producteurs sont contents.
On peut se demander pourquoi la carrière d'acteur d'Aznavour ne prend que 2 minutes sur plus de 2 heures de film. Sans doute parce que l'on se retrouve dans une sorte de mise en abime. Si le chanteur devient acteur alors il ne colle plus à l'imitation d'Aznavour que Grand corps Malade et Tahar Rahim se sont ingéniés à construire. Bref le pantin Aznavour du film ne peut pas jouer autre chose que lui-même. Le vrai Aznavour peut lui incarner quelqu'un d'autre à l'écran. On voit donc la limite des films qui nous proposent une image trop lisse du chanteur en détruisant sa complexité.
La vie d'Aznavour a déjà été scénarisée par lui. Il s'est construit lui-même et a construit sa carrière qui est finalement la seule chose que l'on retient de sa vie. Faire un film sur ce qu'Aznavour a construit de toute pièce ne présente donc que peu d'intérêt. Il fallait au contraire totalement ignorer la carrière d'Aznavour et déconstruire ce qu'il a voulu tellement construire pour trouver l'homme qui se cache derrière ses chansons. L'approche hyper scolaire qui consiste à trouver la chanson qui va coller avec chaque étape de sa vie est le piège dans lequel il ne fallait pas tomber. Expliquer la vie d'un homme au travers de la strict chronologie des événements c'est avouer que l'on n'a rien compris au sens artistique de sa vie.
A l'arrivée tout le monde est lésé dans ce film. Les fans qui voulaient venir écouter Aznavour vont finalement voir un faux Aznavour chanter du faux Aznavour puisque c'est finalement la voix de Tahar qui a été retenue. Une sorte d'Aznavour synthétique puisqu'une partie des images et du son a quand même été retouchée en post-production (la tête de Tahar Rahim surtout au début du film est lisse comme un personnage de jeu vidéo, et sa voix dans les aigües a été retravaillée pour faire illusion. Quant à ceux comme moi qui sont venus voir du cinéma on n'y trouve pas non plus notre compte puisque ce film certes plaisant et complaisant ne propose aucunes pistes nouvelles ni sur la forme, ni sur le fond.
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