Roellinger pas si top chef que ça !
L'art est difficile et la critique facile. Oui je sais, donc
pas la peine de tirer sur les ambulances gastronomiques ex 3 étoiles en
perdition qui essayent toujours de survivre dans l'impitoyable univers de la
gastronomie de luxe. Mais il faut quand même que je rajoute mon petit grain de
sel aux déboires des 3 étoiles et en particulier à celle de Roellinger. Après
le suicide de Loiseau surendetté par le train de vie que les mythiques étoiles Michelin imposaient à son restaurant,
les grands chefs ont commencé sérieusement à se poser la question de perdre une
ou plusieurs étoiles, plutôt que d'attendre le cou tendu le verdict des grands
guides qui veulent toujours plus et qui se fichent pas mal de savoir si nos restaurants
arrivent à joindre les deux bouts.
Le niveau de la gastronomie mondiale est maintenant
tellement haut, qu’il devient pratiquement inconcevable qu'une petite auberge
de province puisse aujourd'hui se maintenir au sommet de son art plus de
quelques années sans consentir des investissements pantagruéliques. Et les années passent vite. Depuis sa
première étoile en 1982 il s'est déjà passé 30 ans pour le chef de Cancale et
son équipe. Après une ascension remarquée et remarquable jusqu’aux 3 étoiles Michelin
en 2006, on a un peu l’impression que la maison tourne aujourd‘hui en roue
libre.
En plus d’un
leader quelque peu absent, l’équipe en place brille par sa juniorité avec une
moyenne d’âge du personnel qui doit avoir du mal à passer la barre des 20
ans. La salle de restaurant se
divise en 2 pièces relativement exiguës d’un petit château de Bretagne qui au delà
des apparences n’a vraiment pas beaucoup d’atouts pour installer
confortablement la quarantaine de convives que l’on souhaite régaler chaque
soir. Notre couple se retrouve donc coincé dans une position en équerre avec
une table elle-même coincée contre la fenêtre d’un « bow window »,
qui la nuit tombée, est aussi stimulante que l’écran d’une télé en panne. Nos voisins coincés comme
nous, ont eu tout le loisir de profiter de nos discussions et réciproquement.
Le menu gastronomique que nous choisissons pour donner
toutes ses chances au chef manque
finalement d’inspiration et d’équilibre. Au lieu d’une cuisine du marché, on
retrouve une collection de « best seller empilés les uns sur les
autres » à l’image de ses chanteurs sur le retour qui ne font plus recette
qu’avec leur vieilles rengaines.
Ok pour le homard
au cacao et épices, mais pourquoi mettre dans le même menu le filet de bar à
cuisson lente, en plus du filet de Saint-Pierre retour des Indes. Il y avait
sans doute mieux à faire vu les trésors que nous livre l’océan Atlantique. Mais
on le comprend vite, l’heure n’est plus aux risques dans cette noble
institution. On assure avec les classiques, même si le menu bégaye.
Si on comprend aisément que la viande ne sera pas la star de
la carte d’un restaurant breton, on est vraiment surpris de voir les légumes relégués
au rang de décoration. Pas un seul plat ne semble mettre en valeur ces trésors
de la terre que la Bretagne maraichère a toujours su faire grandir avec
bonheur. On ne peut pas faire de la cuisine moderne sans s’inspirer des légumes
et du marché. A force de nous
faire le coup des épices à chaque fois, on finit par s’ennuyer. Le marketing à
outrance de cet aspect de sa cuisine semble finalement bien fade quand il finit
dans nos assiettes. Notre voisine japonaise semblait d’ailleurs aussi déçue que
nous quand il s’agissait d’avaler le rêve Roellinger , avec des plats trop salés
et des marrons trop cuits. Allier le fois gras avec une praire, voilà de
l’audace, mais ceux qui finissent pas manger le sable parce que la seule praire
de notre assiette n’avait pas été correctement nettoyée, c’est nous.
Sans parler du Puligny-Montrachet 2004 de Leflaive qu’il a
fallu renvoyer pour mauvaise conservation. Qu’un vin puisse mal vieillir, cela
peut arriver. Mais qu’un sommelier ne le reconnaisse qu’après l’ouverture d’une
nouvelle bouteille cela est tout bonnement inacceptable à ce niveau de
restauration et traduit la fébrilité du personnel qui est chargé de faire
tourner la boutique.
Arrivé au fromage on se retrouve avec un plateau de fromage
de Bretagne. Et bien oui c’est possible mais c’est pas bon. Il ne reste alors
plus que les desserts pour rattraper le naufrage de notre menu gastronomique.
Et là, un chariot d’un traditionnel, qui ne met aucunement à l’honneur le
beurre et le sel qui restent pourtant les ingrédients de prédilection, il me
semble, des douceurs de la péninsule. On cherche en vain une spécialité au
caramel beurre salé ou une pâtisserie pur beurre qui sublimerait des recettes
traditionnelles comme le kouign-amann. Non ça sera mille-feuilles et gâteau au
chocolat.
Le château Richeux reste une bonne table de province où le bourgeois
trouvera toujours ce qu’il aime le plus, respectabilité et tradition. Quant aux
esthètes des papilles, passez vite votre chemin, il n’y a plus rien à attendre
de ce dinosaure de la gastronomie française.
Commentaires