Dieu, Adam et moi
Mais c’est quoi le problème à propos du mariage gay ? Voilà bien longtemps en France
que la société civile et l’église ne partagent pas les mêmes points de vue sur
un nombre grandissant de choses. En particulier, l’avortement, le divorce, la
contraception. Pourquoi faudrait-il tout d’un coup en revenir aux valeurs
fondamentales de la sacrosainte famille et en appeler à l’église pour refuser le droit au mariage aux
gens qui s’aiment.
Notre culture est une culture de croissance et à ce titre
nos racines judéo chrétiennes viennent renforcer la légitimité de cette fuite en
avant par cette célèbre phrase de la genèse « Croissez,
multipliez vous et remplissez la terre » (Gn I, 28) .
Cet ordre intimé par Dieu
nous donne ainsi libre accès à la reproduction et à ses plaisirs, dans le but
bien entendu de plaire à Dieu et de remplir la terre de ces petites créatures
qu’il a faites à son image.
La bonne affaire. Ainsi les
rêves d’ascétisme de la religion chrétienne se retrouvent fort heureusement contrebalancés
par un devoir de croissance de l’humanité. Résultat des courses, la religion catholique ne cesse de nous
envoyer des signaux contradictoires en nous encourageant d'une part à l’abstinence, tout en
nous demandant de procréer. Tous les amoureux de la bagnole savent bien qu’en
tirant sur le frein à main en même temps que l’on accélère, on finit vite par
faire un tête à queue.
Soyons clair, la religion
catholique est mal dans sa (notre) peau. La chair ce n’est pas son truc, elle est
depuis longtemps pour le tout spirituel, tout le reste, ce ne sont que de petits arrangements. Et de l’arrangement depuis des millénaires,
il y en a eu. Le premier étant de savoir si Adam et Eve on fait crac crac au
paradis avant de redescendre en classe éco sur terre. Et ben oui si la religion
commence à s’intéresser aux questions bassement sexuelles de "qui couche avec qui", on aimerait bien
en savoir un peu plus sur ce qui passait là haut ? Dieu nous a donné la
liberté de croquer dans la pomme pour pouvoir lui désobéir. Génial! C’était une occasion
à ne pas laisser passer et on devrait remercier tous les jours papa Adam et
maman Eve de nous avoir permis de pouvoir faire le mal à notre tour juste pour
le plaisir non négligeable d’être libre.
Mais cette liberté de faire
le mal, nous place finalement au-dessus de Dieu, puisse que rien ne nous empêche de
faire le bien (comme Dieu), nous pouvons faire quelque chose dont
il est incapable, le mal.
Pour se venger de cette
liberté qu’il n’a pas, Dieu a donné à nos lointains parents la honte d’être nu.
Voilà ce que nos aïeuls nous lèguent en guise de morale : la liberté et la honte.
Avec cette honte de la chair, l’homme et la femme se travestissent.
Dès lors Dieu ne nous
interdira plus rien. C’est nous qui allons devoir choisir dans quelle pomme
nous ne voulons plus croquer à l'avenir .
Les tabous s’érigent et forment notre civilisation. Les interdits foisonnent en développant un nouveau concept séduisant et complexe : l’érotisme. Penser que l’on puisse
interdire à l’Homme de croquer dans une pomme sans attirer son désir, c’est
tout simplement sous estimer la femme qui sommeille en lui. Nous avons tous une âme, mais cette âme sera toujours une âme d’enfant ou elle ne sera plus. Obéir c’est être adulte,
jouer c’est être enfant. Si je croque dans la pomme c’est bien sûr pour savoir ce qui m’en coûte
et c’est pour créer une relation de jeu entre moi et Dieu. Plutôt jouer sur
terre que de s’ennuyer au paradis nous dit notre âme d’enfant. Voilà pourquoi
nous sommes des petits anges déchus.
Il faut donc se faire une
raison Adam et Eve, c’était au paradis. Maintenant, il faut redescendre sur terre. Avec le
péché originel nous avons créé l’érotisme, cette forme étendue de la relation
sexuelle dans laquelle l'homosexualité en particulier à tous ses droits. L’érotisme c’est l’excitation
de faire des choses que l'on ne devrait pas faire. Et se fixer soit même
les limites entre l’excitation et la jouissance est bien sûr le comble de l’exercice
érotique. Mais pour cela il faut être libre.
Les tabous sont les piliers
qui tiennent notre société, les interdits eux ne sont que des voiles qu’il faut
savoir soulever avec plaisir. En prenant les voiles pour des murs porteurs le danger est d’oublier
où sont les vrais piliers de notre société. La transgression des interdits
reste encore la manière la plus sûre de faire le point sur ce qui nous tient fondamentalement ensemble et ce qui doit s'estomper.
La famille, pilier des
civilisations ancestrales, n’est elle pas devenue un voile dans une société dont
la solidarité est assurée par d’autres moyens que la filiation?
On ne peut pas parler de la famille
moderne sans rentrer dans l’évolution radicale du rôle de père. Car qu’on se le dise,
le problème avec la famille d’aujourd'hui, vient principalement de l’évolution du
rôle de père.
Le père de famille est une
idée à bout de souffle. Tout le monde en parle encore, mais plus personne n’y
croit. Un père est un guide, il est source d'inspiration et de sagesse. Comment un père, aussi cultivé soit-il, peut-il
concurrencer la société moderne de l’information et ses multiples ressources? Impossible,
il lui faut donc agir pour dépasser le simple stade de la connaissance qu’il ne
représente plus pour atteindre par l’action la sagesse qui transcende la
connaissance par son emprise sur le cours des choses. Mais le monde d’aujourd'hui regorge de héros, d’entrepreneurs, d’artistes,
de philanthropes, de médecins sans frontières,…. qui sont autant de modèles. Comment votre papa qui rentre
tous les soirs fatigué du boulot peut-il encore prétendre concurrencer les super
héros de Marvel qui sautent
d’immeubles en immeubles et cela en plus dans une ville beaucoup plus cool que la
votre (c’est à dire New York) ? Le père de famille, n’est plus un héros. Et à ce
titre on ne plus prétendre être un père sans usurper ce titre.
Le monde du travail a exclu
l’enfant. Ce que fait papa pendant la journée est un grand mystère. Le monde des bureaux n’est plus un
monde d’émerveillement pour les enfants. Papa est un salary-man comme disent
les japonais plutôt précurseurs dans le domaine bureaucratique. Et l’admiration des enfants
pour leur père s’en ressent. Faut-il crier aux loups, faire machine arrière et redonner au père de famille
tout son lustre d’antan ? Impossible. L’hyper-bureaucratisation de notre
monde est en marche et rien ne l’arrêtera. Le fait est donc acquis, les pères au travail ne font plus le poids pour impressionner
leurs enfants. On ne leur en veut pas, ce n’est pas évident d’être un super héros quand on a les traites de la
maison à payer à la fin du mois. Les enfants heureusement n’ont pas que leur
géniteur mâle comme modèle paternel. Et c’est tant mieux. Comment un seul homme pourrait-il être
le seul inspirateur de ce que l’humanité peut faire de mieux. Un enfant va devoir
chercher et choisir qui sont ses
pères. Les pères biologiques ne
sont pas exclus de la course, mais contrairement à ce que l’on croit, ce n’est
pas le père qui choisit son enfant , mais l’enfant qui choisit ses pères. Ce que
l’on qualifie aujourd'hui de crise du respect, n’est que la conséquence de
cette inversion d’initiative, ou
finalement en s'imposant comme père à nos enfants (au lieu de les laisser nous
choisir) ont fait grandir à nos
dépends des rebelles.
Le mariage gay marche clairement sur
les plates bandes des patriarches et de leurs rêves de dynastie puisant leur légitimité dans le mot
d’ordre de la genèse de peupler la terre. Noé reste l’archétype du chef de famille qui en embarquant sa famille sur son
arche va créer à partir de sa nouvelle descendance son humanité après le déluge. A tel point que bien qu'adepte de
l’adoration d’un seul Dieu, il a fallu plusieurs siècles pour que la notion de
fidélité à une seule femme s’impose auprès de patriarches à la braguette facile et la poligamie
avérée par les textes anciens.
Bien sûr, faire cohabiter
le mot mariage et le mot gay n’est pas anodin. Le mariage étant selon Saint-Augustin le mariage entre Dieu et l’église. Le mariage est un sacrement. Ce
mot a déjà eu de la peine à unir dans le passé un homme et une femme pour la
vie, comment oser tout d’un coup
marier 2 hommes ? ou 2 femmes ?
Marier 2 personnes du même
sexe ne devrait pas en soit être un grand problème pour la religion chrétienne. L’union
de 2 personnes de sexe identique ou non reste une solution de fortune, un mal nécessaire, pour pallier les besoins
inhérents à l’appétit sexuel des fidèles qui n’envisagent malheureusement pas l’abstinence comme
une voie tenable. Ce qui fait problème, c’est bien la procréation de l’espèce,
qui reste un objectif avoué de l’Ancien testament. L'homosexualité cumule ainsi les
inconvénients du désir de chair et de contrevenir au désir de nos anciens,
résumé par cette phrase sans appel « Croissez, multipliez vous et remplissez la
terre » .
Nous les gays nous arrivons donc à la
conclusion simple : La terre a t-elle encore besoin que 100% de ses mâles et femelles soient capables de se
reproduire? Ou peut-on tolérer que la race humaine ne se développe plus aussi
vite qu’avant pour régner sur notre planète? Cette question est le
préambule à n’importe quelle
analyse manichéenne de l’homosexualité. Tant que la croissance de
l’espèce ou plus prosaïquement de sa lignée reste un enjeu majeur, il est peu probable
que l’approche d’une relation amoureusement intrasèquement stérile puisse être
analysée avec recul et impartialité dans notre société.
En imaginant que cette question soit
réglée et que notre société gloutonne puisse admettre que la croissance ne
règle pas tous les problèmes et surtout bien sûr aujourd'hui les problèmes
économiques, d’autres questions émergent.
2 hommes ou 2 femmes peuvent-ils constituer un modèle familial
viable pour l’éducation et l’épanouissement d’un enfant?
Pour la faire courte, la
question se résume à "Une femme peut-elle faire un bon père et un homme
peut-il faire une bonne mère ?". Cela nous renvoie immédiatement à
la définition de ce qu’est un père et une mère. Si l’homme et la femme sont
totalement dégagés de leur rôle sexuel et de leur nécessité ancestrale de se
reproduire et de montrer l’exemple à leur progéniture pour assurer la
continuité de l’espèce, il n’y a pas grand monde pour nous dire simplement ce
qu’est un père et une mère.
Mon approche est la suivante.
Une mère adopte son enfant et le protège,
un père est adopté par l’enfant et le guide. Tant que le code civil n’évoluera
pas dans ce sens il y a peu de chance que la société civile encore patriarcale puisse facilement s'accorder avec le mariage gay.
Notre illustration : Est-ce Dieu qui choisit Adam ou l'inverse ? Voilà toute l'ambiguïté de ce chef d'oeuvre archi connu de Michel-Ange, qui semble montrer la filiation paternelle dans toute sa splendeur et sa fragilité, car elle ne devrait être que spirituelle et choisie par l'enfant.
Commentaires