Aladin, les gays ne te disent pas merci
Dans mon "contes à rebourds", j'ai déjà eu l'occasion de vous donner mon point vue sur les contes et ce qu'ils peuvent évoquer dans notre univers contemporain. La sortie de Les nouvelles aventures d'Aladin me donne l'opportunité de revenir sur ce conte et d'observer la manière dont il a été réinterprété.
La lampe merveilleuse n'est autre que la formidable puissance que nous offre aujourd'hui internet. Interprétation personnelle certes mais pas que, puisque partagée par le film qui nous présente une lampe merveilleuse sur laquelle il faut glisser son doigt pour la déverrouiller. On ne peut pas être plus évocateur que ça ! Le mythe d'Aladin est donc un mythe centré sur la technologie du net.
Ce que nous relève cette nouvelle version d'Aladin n'est pas tant la divulgation de cette analogie, que les implications latentes voire inconscientes qu'elles suscitent en nous et qui transparaissent à travers le film, sans doute à l'insu de son plein gré .
Aladin est un film drôle, mais on se rend compte que les ressorts de son humour ne sont pas tant dans le comique de situation que dans le comique de la répartie. C'est un comique de décalage de ton, on ne rit pas tant de la situation que des petites phrases" qui cassent" décochées comme des flèches. La guerre du plus cool est déclarée, non plus sur le net dont c'est la spécialité via les réseaux sociaux, mais à l'époque lointaine d'Aladin et cela nous fait rire. L'humour d'Aladin est un humour de "chat", c'est a dire une forme d'humour qui vous pousse à avoir le dernier mot.
Cette princesse qui s'encanaille hors de son palais pour oser baisser la culotte d'un garde, juste pour nous faire rire, est l'exception qui confirme la règle d'un humour qui voudrait se tirer de toutes les situations sans jamais sortir de chez soi. La princesse n'en revient pas elle-même, elle a vraiment baissé la culotte d'un garde, plutôt que de faire un bon mot depuis son palais. On a envie de lui dire "bienvenue sur terre" assorti de son indécrottable comique de situation.
Mais au delà de l'humour du film on découvre un certaine inquiétude qui transparait involontairement à travers le scénario. Internet est le monde des apparences. Le personnage du vieux magicien qui emmène le jeune Aladin vers la lampe merveilleuse est tout sauf recommandable. Il est vieux et pervers, aime les garçons et les trompe à son profit. Comment distinguer l'honnête du pervers sur le net ? Avec qui parle t-on de l'autre coté de l'écran ?
Internet en nous protégeant du contact nous empêche de décerner l' honnête du pervers.
La vertu d'internet, c'est d'être gratuit, on ouvre un compte Facebook pour rien. D'où le cheminement d'Aladin dans le film à travers une caverne pleine d'or auquel il ne faut pas toucher pour rapporter la lampe intacte. La morale : "Internet exhausse tes voeux à la condition que tu ne marchandes point tes données privées qui lui appartiennent de fait". Payer de sa personne la gratuité d'internet voilà le rituel de la caverne de la lampe merveilleuse.
Je vous fais l'économie de l'analyse psychanalytique de la quête de la lampe magique par Aladin dans la grotte qui doit jouer du pipeau avec son cul pour le plaisir d'un vieil homo et tout cela pour arriver à faire raidir une corde au fin fond d'une caverne qui le mène jusqu'à la lampe.
Heureusement les enfants n'y voient que du feu, mais pour nous les adultes, on est en droit de se demander si cette nouvelle version d'Aladin ne stigmatise pas toutes les craintes des parents qui voient leurs enfants passer des heures sur les réseaux sociaux avec des interlocuteurs qu'ils ne connaissent pas.
Cette nouvelle version du conte nous dévoile donc toutes les angoisses que procurent l'utilisation merveilleuse de la lampe internet. Un monde facile, rapide, mais fait exclusivement d'apparences, où la princesse peut s'avérer selon les points de vue, belle ou hideuse et où même le génie une fois sorti de sa lampe ne ressemble à rien de ce qu'il prétendait être. On ne peut être plus explicite! Même Aladin finit par abandonner son brushing et ses vêtements de prince pour séduire sa princesse.
A son insu, Les nouvelles aventures d'Aladin sonne comme un cri d'une jeunesse dont fait parti Kev Adams né sous la perfusion d'internet à la recherche aussi d'un peu d'authentique. Qui sommes-nous vraiment au delà des écrans qui nous séparent ? Cette question Kev Adams doit forcément se la poser car si dans le film c'est symboliquement une poignée de gamins qui écoutent ses histoires au rayon jouet des Galeries Lafayette, dans la vraie vie ce sont plus de 5 millions d'amis Facebook qui le lisent et le regardent.
Pour finir, on ne peut que regretter l'évocation de l'homosexualité du magicien fourbe sous l'appellation surannée de "il est de la jaquette" complété de l'adjectif "volante", pour faire encore un peu plus carpette sans doute. Un terme que les jeunes ne comprennent pas et que les plus vieux identifient immédiatement comme la bonne vieille étiquette que l'on collait sur notre dos pour faire savoir que l'on sait ce que l'on sait et que l'on en pense ce que l'on pense. Bref tout cela nous replonge dans les années sombres où l'on ne pouvait être gay que dans l'ombre et pointé du doigt que par des allusions vaseuses.
Pour couronner le tout, en considérant la perversité avec laquelle est présenté le personnage gay, il n'y a qu'un tout petit pas à faire pour amalgamer pédophilie et homosexualité dans la plus sordide tradition homophobe le tout cyniquement glissé dans un film pour tout public. Berrrrk
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