La Sérénissime


Pour la visite du palais des Doges, nous avons opté pour une visite qui comprend la visite des espaces qui ne servaient pas aux réceptions et et que l'on ne peut visiter que sur rendez-vous.
Cette visite nous montre l'envers du décor des fastes de la république vénitienne. En particulier son administration, ses tribunaux et ses prisons. La République de Venise a joui d'une longévité de presque 1000 ans qui reste aujourd'hui inégalée. Cette performance est d'autant plus louable que cette république tournait le dos à un monde engoncé dans une monarchie plus ou moins moyenâgeuse aux idées et au méthodes archaïques.
Bien sûr les salles de réception du palais des doges sont somptueuses, mais on ne mesure jamais aussi bien un régime qu'en évitant de se faire envouter par le luxe de son train de vie et en observant ce qui se passe dans l'ombre.

Notre guide nous emmène dans les cachots du palais. Grâce à l'administration sans faille de la république, le fonctionnent de l'état est archivé depuis sa création avec des documents recopiés en 3 exemplaires. Soit plus de 27 kilomètres de dossiers détaillant la vie et le fonction de l'état vénitien sur à peu prêt 1000 ans. C'est en ouvrant ces dossiers que l'on découvre que la dignité et la modernité de la république vénitienne tient plus aujourd'hui dans la manière dont elle traitait les criminels que dans la débauche de luxe de ses palais.

On découvre avec stupeur que les détenus avaient le droit à des soins , des libertés surveillées, qu'il percevait un revenu qui leur permettait de rester, même si il était privé de liberté, des acteurs à part entière de la vie de la république. Casanova l'un des pensionnaires de la prison, parvenait selon ses mémoires à mettre de l'argent de coté. Venise est plus une république économique qu'une république territoriale. A Venise on ne craint pas la révolte des "sans terre" mais des sans salaires.

L'église fait partie de l'état et ne peut rendre aucun jugement indépendamment. La torture même si elle existe est loin d'atteindre le niveau de sophistication de l'inquisition qui sévit sur le continent. Venise est en avance sur son temps. On me rétorquera que nos républiques contemporaines sont démocratiques ce qui n'était pas le cas de la république aristocratique de Venise. Avec le mot "démocratie" on a l'impression de pouvoir rabrouer 1000 ans de république vénitienne. On a bien tord. La longévité de la constitution de la sérénissime tient à son réalisme face au pouvoir. En effet l'administration garante du bon fonctionnement de l'état se renouvelle continuellement non pas par des mandats de plusieurs années mais par des remplacements continuels et mensuels de tous les acteurs de l'état. Tous sauf un le grand chancelier qui est issu du peuple, élu à vie et grassement payé pour s'assurer sa fidélité.

L'état vénitien voit la corruption comme le premier fléau contre la république et ses institutions. Il a raison. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs en développant un modèle démocratique dans des états encore fortement corrompus. Des démocraties gigantesques comme l'Inde sont aujourd'hui coincées dans des voies où la démocratie qui patine dans le bourbier de la corruption affaibli ses principes républicains plutôt que ne les renforce. Le droit des détenus reste le talon d'Achille des démocraties modernes. Les prisons américaines "hors sol" de Guantanano, ou plus proche de nous encore les rapports accablants des conditions de détention dans les maisons d'arrêts françaises dues à la surpopulation carcérale.

La démocratie n'est donc pas la panacée de la république, le respect des criminels, l'intégrité de l'état sont des composantes au moins aussi importante pour assurer la prospérité et la dignité que le suffrage universel. Il faut que les démocraties modernes sortent d'une relation client/fournisseur issu du boom capitaliste entre l'état et ses administrés, pour un modèle d'interaction bien plus riche et collaboratif pour permettre au citoyen de faire vivre l'état.


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