San Andreas


Rien de tel qu'un bon petit film de catastrophe dans la climatisation d'une salle de cinema un soir de canicule.
Si Paris nous embarrasse pour son choix de films et de salles, il n'en va pas de même pour Propriano qui propose San Andreas ou rien pour la semaine. Ca nous va bien.

Ce film trahit un certain malaise de l'Amérique qui vit aujourd'hui une rupture entre la Silicon Valley qui capte une richesse de plus en plus importante grâce à ses leaders du net tel que Facebook, Twitter, Google ou des constructeurs électroniques comme Apple qui caracole en tête des capitalisations boursières et de l'autre un monsieur tout le monde hors de ce monde mais pourtant juste là. San Fransisco est l'archétype de la ville californienne qui croit en la cité comme bien commun où se côtoie sans se voir les SDF qui profitent de conditions favorables (si l'on peut dire) par rapport à d'autres villes américaines et des PDG milliardaires et leur aéropage de directeurs et de chefs de projets nantis de stocks options et de nombreux avantage.
La croissance repart, mais elle ne fait que révéler la faille latente entre des multinationales totalement mondialisé et qui ne veule plus rendre de compte au états, à l'instar de Facebook qui finance son propre poste de police pour assurer la sécurité de ses employés. Twitter en tant que plus gros contributeur de la ville de San Francisco demande des réductions supplémentaires d'impôts en échange de sa loyauté à la ville. La citoyenneté des sociétés les plus riches a fait place au chantage du départ.

San Andreas a été produit dans ce contexte. On est obligé de voir dans le séisme mis en scène dans le film le gouffre grandissant qui sépare les bénéficiaires de la net économie du reste de l'économie américaine. La fracture sociale française devient la faille des plaques terrestres à l'échelle de l'Amérique. Le chaos qui est le fond de commerce de tout bon film catastrophe est là pour nous rappeler que l'on ne touche pas au fondement de la sociale démocratie sans éviter la casse.

La nouvelle économie se développe "hors-sol" elle échappe ainsi partiellement ou complètement aux contributions qu'elles devraient payer aux états. Le film met donc en jeu un pompier loyal et courageux prêt à risquer sa vie pour autrui et de l'autre un milliardaire peureux se déplaçant dans le mince conduit luxueux que constitue son bureau en haut d'une tour, sa limousine, son jet privé et sa grande villa.
Ce qui change radicalement dans la scénarisation du film c'est que le rôle du gentil et du méchant ne sont plus les mêmes qu'avant l'explosion de la nouvelle économie.

Pour les fans de James Bond, que je sais nombreux parmi mes lecteurs, la faille de San Andreas avait déjà été mise à contribution dans Dangereusement vôtre. La société américaine se battait encore à cette époque contre de vrais méchants prêts à détruire tout ou partie du monde pour s'assurer d'un monopole abusif et régner en maître. De l'autre nous avions toujours un héros prêt à désamorcer une bombe au dernier moment pour maintenir les équilibres qui assurait la prospérité de l'Amérique. Ce cinéma mettait en scène une Amérique qui comptait sur des héros intègres pour assurer la libre concurrence base d'un capitalisme équitable.
San Andreas, nous montre tout autre chose et nous révèle, un méchant sans grande envergure que finalement personne ne combat vraiment, comme si il était un avatar du système plus la cause du mal, et de l'autre une catastrophe fatale, quasi biblique qui s'abat sur nous sans raisons. L'Amérique ne doit plus combattre ses propres démons mais faire face à son destin.

De quel destin s'agit-il ? Ce destin est celui d'une nation incapable aussi puissant soit-elle d'endiguer ou de contrôler la puissance économique du capitalisme multinational. Le monopole tant honni au 20ème siècle comme perversion du modèle capitaliste devient la règle sur internet. Tous sur Facebook, tous sur Google...  Le séisme auquel nous assistons est celui de l'émergence de continents électroniques on l'on installe en village (nos amis) à l'instar des colons d'autrefois. La Californie se décroche donc doucement mais sûrement des Etats-Unis non pas tant pour devenir une nation à part entière, ce qui ne ferait que répliquer un modèle territorial désuet, mais pour finalement s'évaporer dans un monde électronique où elle finira par développer une nouvelle forme de citoyenneté.

San Andreas nous annonce une société hors sol. Voilà pourquoi nos héros ne touchent quasiment pas terre de tout le film. Le virtuel d'Internet deviendrait plus stable que réel du sol incapable de se reconfigurer et dont la rigidité sera la cause réelle des dégâts face aux tremblements inévitables qui s'annoncent.

Où se replier lorsque tout bouge sans se trouver écrasé par le poids des certitudes passées qui s'effondrent ? Le film est on ne peut plus clair : dans la famille. Ce film est au fond une sorte de Taken, sur fond de catastrophe sismique. Notre héros est un pompier à bord de son hélicoptère, il peut donc grâce au moyen que lui fournit l'état sauver de nombreuses vies en coordination avec le reste des secours. Et bien non monsieur, il utilise tranquillement son temps professionnel et l'hélicoptère de la ville à essayer de sauver sa future ex femme et sa fille. Ainsi ni notre méchant n'est plus vraiment un méchant méchant, mais juste un lâche dans un tremblement de terre qu'il n'a pas souhaité. De l'autre nous avons un héros qui n'a plus trop le sens du devoir et qui privilégie sa famille avec les moyens de la nation. Pas joli, joli, mais on avait bien compris depuis les premiers Taken qu'un type qui torture et flingue avec les ressources de l'état pour sauver sa fille est un héros. Hollywood nous demande d'applaudir quand Valls arrive avec ses gamins à l'aéroport de Berlin.

Si nous croyions encore en l'Etat et les devoirs qui nous incombent face à lui, Hollywood nous montre qu'inconsciemment l'Amérique a déjà tourné la page. Aucun Etat ne sera sauvé de la faillite. La société moderne se composera à partir de son noyau social de base, la famille et formera des nouvelles communautés par des liens hors sol. La terre tremble dans le film pour que nous quittions une terre qui ne nous appartient pas. A nous de trouver d'autres liens pour nous unir que des frontières arbitrairement dessinées sur une carte. Vivre en famille en transformant le sol par le lien et le sang par le cœur. Pas mal de secousses en perspectives.

Ci-dessous un ancien article de mon Cindy blog sur SAF ( San Andreas Fault)
http://cindyseven.blogspot.fr/2012/10/dangereusement-notre.html?view=timeslide

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