Jouer avec le feu
On pense aller voir un film sur la montée de l'extrême droite dans nos campagnes. La Lorraine dans le cas présent. Je crois plutôt que ce film traite de la radicalité dans toutes ses formes comme échappatoire. Le sujet des groupuscules d'extrême droite est très peu filmé parce que l'enjeu est ailleurs. Dans la haine que développe Fus (le fils ainé) vis à vis de lui et des autres. Je vois une forte corrélation entre la série La fièvre qui développe l'idée du football comme seul rempart qui nous protège de la guerre civile et Jouer avec le feu.
Pour preuve la mini cage de foot tronçonnée et transformée en arme. L'impuissance du foot à juguler les espoirs d'une nation nous est montré sous tous ses angles. La réussite par les études à l'instar du jeune frère de Fus, laisse trop de monde sur le carreau sans horizon.
Qui sommes nous ? Qui sont les nous ? Nous c'est la famille. Papa, maman et leurs 2 enfants. Et puis la mère disparait, le nous se rétrécit à 3 personnes. 3 hommes accablés par l'absence pesante de la mère, l'absence de nouvelle compagne, par l'absence de petite copine. Alors quand son frère part étudier à la Sorbonne et que Fus dit toujours nous de qui parle t'il ? Nous avons tous besoin d'un "Nous".
Jouer avec le feu est un film sans femmes filmé par des femmes. Haine et fierté, rage et force, vengeance et souffrance, asphyxie, l'air de ce film au détriment de la compassion et de l'indignation de la tendresse et de l'abnégation. On pourrait voir dans ce film le procès du père plus que celui du fils par son incapacité à enrayer les engrenages du destin et à agir radicalement pour protéger son fils de la radicalité. C'est idiot, parce qu'à 20 ans les jeux sont faits. Le père n'a plus les armes pédagogiques pour influer sur le destin de ses enfants. Vincent Lindon qui joue le père n'a aucun moyen de s'opposer à la haine qui brule dans l'âme de Fus. Il ne peux que panser les plaies d'un fils écorché vif. Endosser le rôle de la mère absente qui est d'apaiser sans succès le feu par des caresses.
Le plus étrange dans ce film c'est l'indéniable tendresse qui existe entre ces 3 hommes qui vont néanmoins se faire broyer par le destin brutal d'une vie moderne qui n'offre plus d'horizon assez large pour que tout le monde y trouve son compte. Le père cheminot voit bien que le manque de réussite scolaire de Fus va lui fermer les portes d'une vie simple mais décente comme la sienne. La machine capitaliste produit autant de perdants que de gagnants. Il faut comme au foot choisir son camp. Le goût amer de la justice du vainqueur ou le gout sucré du nihilisme vengeur. Ce film langoureux nous aspire lentement sans le siphon de l'arène.
Il n'y a plus de joueurs sur le terrain de foot mais une foule hagard et compacte, armée de fumigènes, prête à en découdre pour expier sa haine d'elle-même dans une guerre civile. L'extrême droite aussi diabolique soit elle n'en est que l'étincelle, c'est là toute la profondeur du message de ce film qu'il faut prendre le temps de voir pour comprendre ce lien étrange qui lie l'ennui et l'abime.
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