Timbuktu


Timbuktu est l'histoire d'une vie tragique celle d'un père exécuté pour avoir donner accidentellement la mort à un pécheur. Le film se construit autour de cette injustice. Injustice d'autant plus ironique que Tombouctou fut la première ville à établir dés le début du XVI ème un manuscrit sur les principes d'un procès équitable préfigurant ainsi les grands textes du XX ème siècle sur la question.

Le film brille pour sa sobriété, repérage au milieu des dunes. Un casting qui fait la part belle aux habitants. Un budget et un temps de tournage minimal. Dans la banlieue de Timbuktu la vie et simple et belle, jusqu'à ce que l'injustice d'une poignée d'individus qui se réclament du djihad n'imposent leur loi.
Tout le monde a salué la beauté et la force de ce témoignage nuancé sur l'horreur sous médiatisé du djihad sur les populations locales. On ressort non seulement ému de ce film mais en plus étrangement imprégné par la réalité qu'il décrit. La sobriété de l'histoire, la lenteur des scènes fonctionne efficacement pour nous plonger dans la vraie vie, celle qui dure, à l'opposé d'un cinema plus distant qui se contenterait de plans qui se juxtaposent. Timbuktu est l'histoire d'un fil que l'on coupe. Une histoire qui distille la plus belle des philosophies, celle qui part de l'exemple d'une vie pour arriver à l'universel. Au delà de la tolérance de l'islam qui s'oppose aux outrances de la charia, appliquée pointilleusement par une bande de types comme vous et moi et qui se sont auto-décrétés de droit divin grâce à une Mitsubishi 4X4 et une Kalachnikov.


Mais au delà de ce témoignage délicat de la réalité du Mali, il y a aussi un message d'espoir d'une grande beauté dans ce film. Timbuktu veut dire la gardienne du puits. Hors il semble bien que ce que veulent faire les extrémistes c'est assécher les puits de la connaissance ou les détruire pour imposer un ordre stérile.
N'y a t-il pas quelque chose d'odieux à bruler les livres, à pourchasser les musiciens, à couvrir la beauté des femmes de la tête au pied. Le film s'attaque plus à la destruction de la culture par le djihad qu'à ses exactions. Par exemple la scène de lapidation qui a inspiré initialement le film se retrouve volontairement marginalisé par le réalisateur pour laisser la part belle à la bêtise qu'implique toute recherche d'absolu. Ce film intelligent évite de se complaire dans l'image de l'horreur qui risque de faire le lit du djihad par la distillation de la peur.

Ce message d'espoir est porté par une scène mémorable ou l'on assiste à un match de football sans ballon. Il y a dans ce match un pied de nez jouissif à toute tentative religieuse ou politique d'asservir l'homme par des interdits. Il est interdit de jouer au foot et bien l'on jouera sans ballon. Cette scène est d'une grande beauté à plus d'un titre.
Le foot c'est 22 joueurs et un ballon. Plutôt que de garder le ballon et mettre en péril les 22 joueurs, on supprime le ballon pour sauver les sportifs. On supprime ainsi le seul objet du match sans supprimer le match lui même qui perdure. Sous nos yeux le sport devient danse.
Mais si on y regarde de plus près on voit bien qu'il existe un ballon invisible que chacun se passe et que les règles du foot qui persistent ont permis à ce qui aurait pu n'être que gesticulations individuelles de devenir mouvements coordonnés. Sans ballon ce qui surgit du foot c'est la beauté du collectif sans enjeu. Sur ce terrain de sable on se passe du virtuel, de l'intangible bref de la culture.

Mais pour que ce ballon circule il faut bien que tous les joueurs se respectent. Ce que ce ballon invisible disqualifie pour permettre au match d'avoir lieu c'est la mauvaise foi des joueurs et par ricochet la foi mauvaise du djihad. Q'importe que le tir ai été bien ou mal cadré, les joueurs finiront bien par s'accorder avec légereté sur le score car finalement ce que nous révèle le film dans cette merveilleuse métaphore c'est que l'important dans la vie ce n'est pas de gagner mais de jouer.

Photo 1 : Tirée du film
Photo 2 : Reconstruction en cour de la grande mosquée de Tombouctou

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