Elle



Si on aime Cannes et ses bonnes surprises, il faut aller voir Elle. Même si le film n'a pas eu les faveurs subjectives du jury. On se régale à l'idée de voir un réalisateur comme Paul Verhoeven plus habitué aux super productions américaines et aux intrigues futuristes, se saisir d'un scénario comme Elle, qui nous enferme dans une ambiance bien de chez nous.

Ce film a tout d'un bon téléfilm de France 2, dans ses repérages, son casting exemplaire. Mais il ne faut pas se fier aux apparences. Quand on a fait par le passé des films comme Robocop, Total recall, ou Starship Troopers, on voit forcément la nature humaine telle qu'elle est, c'est à dire capable de plonger dans la violence pour se faire justice.

Elle nous révèle un nouvel être au travers d'une Isabelle Huppert magistrale et omniprésente. L'homme du 21ème siècle est une femme à l'instar de Michèle, indépendante et machiavélique. Le monde est devenu une collection d'individus. Pourtant nous vivons dans les même banlieues bourgeoises, avec un job en centre ville, nous laissant croire que rien n'a vraiment changé. Mais en fait si. Ce qui a changé en ce début de siècle c'est nous. Ce NOUS collectif, qui est devenu ELLE séductrice.

Michèle est d'abord la fille d'un meurtrier en série des années 70. Tout part de là. Car nous sommes à notre manière des fils et petits-fils de meurtriers. 300 000 mort à Verdun, une moyenne de 150 000 mort pour Hiroshima ou Nagasaki. On nous a appris à force de commémoration que la liberté à un prix, celui de la guerre et de l'organisation de la mort en masse pour la protéger.
Si la violence est forcément un mal dans une société communautaire, elle est par contre un bien dans une société qui défend les droits individuels comme supérieur au droit collectif. Michèle est cet être d'aujourd'hui qui a parfaitement intégré que sa liberté est limité par celle des autres et qu'elle peut en jouer.

Michèle est au commande d'un société de jeux vidéo, mais elle n'est pas vraiment intéressée par la jouabilité des jeux qu'elle produit mais bien plus par le plaisir et l'excitation que va produire la scénarisation à l'extrême de son jeu. L'univers masculin du jeu pour le jeu est contraint voire détruit par sa vision féminine du plaisir de la séduction qui aime faire bander les hommes sans rien en attendre. Si ce n'est l'envie de jouer une autre partie.

L'homme ne sait pas séduire, ce qu'il ne peut pas obtenir par son esprit il l'a toujours, par le passé, obtenu par la force.
Michèle le met en échec en retournant la violence du violeur contre lui-même.
C'est inconnu masqué qui rentre dans son salon pour la posséder à son insu se retrouve pris dans les mailles serrées de son imagination féminine. Individuelle, solitaire, Michèle n'est plus traumatisée. Michèle est la première femme violée non traumatisée. Non parce que qu'elle n'est pas sensible, mais parque qu'elle ne l'est plus. L'absurdité des crimes de son père, l'a rendu insensible à l'idée de lien social. Et curieusement ce que nous révèle Elle, c'est que le viol sans lien social, n'est plus qu'un mauvais moment à passer et auquel on peut finalement remédier en se jouant du violeur qui lui cherche toujours par la brutalité de ses actes une forme de relation par le jeu.

Michèle gère sa vie, comme elle gère sa société de jeux video. Elle est devenue le personnage de sa vie et intéragit avec les autres comme s'il en était de même pour eux, c'est à dire sans compassion.
Elle n'aime personne et séduit tout le monde. Elle quitte son mari parce qu'il l'a frappé, alors qu'elle ne rechigne pas à se refaire violer dans le sous-sol de son voisin. Elle n'aime pas non plus vraiment son fils qu'elle apprivoise comme on le ferait avec un animal de compagnie, elle entrevoit les relations sexuelles comme un jeu stérile auquel elle se prête volontiers pour manipuler son entourage.

Michèle est dans tout les plans du film parce que nous sommes Michèle, cette femme totalement individuelle qui ne perçoit finalement le monde qu'à travers un personnage désincarné de jeu vidéo qui ne peut renier l'idée de jeu au risque de se virtualiser.

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