Les larmes d'argent de Lavillenie


Si l'hémicycle a pour objet d'ouvrir le débat, le stade en se refermant sur lui-même nous conduit toujours vers des désirs de mise à mort.
Renaud Lavillenie n'est qu'une victime de plus de l'arène. Dans un stade le public se regarde et n'est plus tant le spectateur que l'acteur de ce qui va se jouer. A savoir vivre l'espoir de l'ivresse d'une victoire à la hauteur de l'humiliation de la défaite. Dramatiser ce qui ne sont que des jeux.

Tout part d'un malentendu, cet esprit flou que l'on nomme olympique dont on nous rebat les oreilles sans vraiment savoir à quoi s'en tenir. Comme toute idéologie, l'olympisme se fonde sur une tautologie qui évacue toute forme de raisonnement sous la devise : "Que le meilleur gagne". Nous voilà bien avancé. D'une efficacité redoutable "Que le meilleur gagne" ne nous dit rien sur le comment. L'or pour le meilleur, le podium pour les 3 premiers et l'oubli pour les autres. Et l'on finit par plus célébrer les médailles et leur nombre que les hommes dans leurs individualités.

L'olympisme est une philosophie qui intègre le sport dans l'éducation et la culture pour le bien de l'humanité. Que le sport développe une forme de respect pour ses adversaires c'est évident puisque grâce à ses règles et son arbitrage le sport permet de se battre à armes égales. Mais qu'il puisse diffuser ses vertus dans les gradins jusqu'au spectateur sédentaire et partisan c'est beaucoup moins sûr. Le spectacle planétaire de l'olympisme moderne n'a pas pas plus de valeur qu'un pionnier du far west à la conquête de l'or. Il en veut et si possible un maximum. Ainsi parmi les quelques puristes qui reconnaitront la valeur du meilleur dans une discipline, il y aura la nuée de nationalistes qui veulent à tout prix augmenter leur tableau de chasse de médailles et que cela les conduise à dénigrer les concurrents internationaux leur importe peu. Et ce pour le gain éphémère d'une fierté induite par le simple fait d'être de même nationalité que celui qui saute le plus haut le jour attendu.

Le nationalisme est en soit un concept qui s'accouple assez mal avec celui du sport quoi qu'on en dise L'un tend à consolider ses frontières alors que l'autre cherche à les repousser.

En quoi avons nous vraiment quelque chose à voir avec la réussite de Renaud Lavillenie, avons nous déjà sauté à la perche, sommes nous investis dans ce sport affectivement ou financièrement ?

L'olympisme se voulait universaliste, mais il ne fait au bout du compte que célébrer le nationalisme à répétition, donnant en plus à celui-ci un retentissement démultiplié.

Comment expliquer que des sports déjà ultra médiatisés comme le tennis par exemple aient besoin de s'exprimer lors des JO si ce n'est par l'exaltation nationale inégalable qu'ils fournissent. Djokovic et Lavillenie pourtant tous les deux premiers mondiaux, pleurent sur la gloire nationale que représente un titre olympique qui leur échappe à Rio, alors que d'un point de vue sportif ils sont déjà et encore les meilleurs du monde. Ces larmes qui sortent de leurs yeux ne sont que la révélation que l'idée même de nation préférera toujours forger des héros nationaux terrasser leurs rivaux plutôt que de laisser simplement les meilleurs gagner l'estime de tous sans vouloir de mal à personne.

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