Very Bad tripes 1

Certains se font crucifier le vendredi pour renaître le lundi, d'autres arrivent à survivre d'une balle qui les transperce dans toucher aucune fonction vitale. Pour ma part mon acte héroïque aura été de me faire transpercer par une godmichet un vendredi Saint. Il aura fallu quand même une bonne douzaine d'heures entre le moment de sa rentrée définitive d'un côté et sa sortie par une fente créée pour l'occasion.
Première tentative d'extration de mon sex toy aux urgences de l'hôpital Saint-Louis par 2 internes à l'aide de gaz hilarant. Il faut dire que après plus de 3 heures d'attente, je devais être la seule dans le service à ne plus rire de ce qui m'arrivait. Au lieu de ressortir, mon ex objet de plaisir, ne cesse de se dérober pour atteindre des profondeurs que seule l'anesthésie générale sera capable de sonder. Bon pourquoi pas ? Manque de pot, il n'y a plus de lit à Saint-Louis, il faut donc m' HOSPITALISER ailleurs. Et ailleurs se sera Colombes. Je remonte ma culotte et je repars avec Bobby qui nous révèle des dons cachés d'ambulancier en me conduisant en douceur à Colombes en un coup de Juke dûment GPéisé.

Il est déjà vendredi matin très tôt. On va sans doute réveiller le chir (urgien) pour me faire passer au bloc avant 7 heures. C'est une intervention banale, une fois sous anesthésie l'extraction c'est de la rigolade. Bon je me déshabille pour enfiler une petite blouse bleue de condamné au bloc et on m'allonge sur un lit à roulette.

A partir de là ma vie bascule avec moi, je suis entouré de gens que je ne connais pas, dans un hôpital que je ne connais pas. Bobby s'éloigne et doit me retrouver demain matin un fois que l'on m'aura extirpé l'engin. Je comprends très vite, sans soute trop vite que depuis que je suis allongée je suis devenue leur chose. Je développe se sentiment étrange d'être devenu un colis Fedex que l'on convoie au centre de tri. J'aperçois dans le trajet la tête d'une brancardière, qui se prend manifestement pour la "Alain Prost des lits à roulettes", en négociant virages et chicanes à la perfection dans les couloirs forcément encombrés des hôpitaux de Paris. Elle ne me regarde pas, pourquoi le ferait-elle d'ailleurs ? Je ne suis qu'un paquet. En revanche elle semble fixer son coéquipier qui me restera à jamais inconnu pour qu'il se concentre lui aussi sur sa conduite. J'ai définitivement quitté le monde en 3 dimensions. Je suis à plat. Ils sont debout. Le plafond (mon seul espace) défile sous mes yeux. C'est moche, c'est même de plus en plus moche en s'approchant du bloc. Une première porte coulissante, une deuxième, seul élément un peut high-tech une clim plus grosse que d'habitude. Ca doit être pour stériliser l'air, c'est une bonne chose , je ne suis donc pas contrairement aux apparences dans un centre de tri postal. Dans l'autre monde, le vertical que j'aperçois quand on daigne se pencher vers moi, il y a des gens qui vont m'opérer. Mais c'est pas comme à la télé.
D'abord il y a l'anesthésiste qui me pose cette sempiternelle question de ce que j'ai mangé, par peur que je lui vomisse à la gueule. Je lui répond qu'à part une indigestion de latex par l'arrière train je n'ai pas mangé grand chose. Je le vois rassuré. On attend le chir, de ce que je peux deviner des discussions en aparté hors champs et puis on parle de tout sauf de moi. Je n'existe plus, ça promet pour la suite. La suite il n'y en a pas. Il n'y pas de suite après une anesthésie générale, il n'y a qu'une rupture.
Au réveil plus rien n'est comme avant. Il est brutal comme le coup de scalpel indolore qui m'a ouvert les entrailles. Imaginez qu'un soir vous vous endormiez dans un lit et que le matin vous vous réveillez dans un autre. Mon cerveau a du mal à ajuster les images d'un environnement qu'il ne connait pas. Je suis dans un autre plafond que celui de tout à l'heure. Ca y est je suis sans doute au cœur de la ruche dans la salle de réveils. C'est Matrix, j'ai dû dire oui à la pilule de vérité et maintenant je découvre ma vrai enveloppe biologique. Ma vie jusqu'à présent n'était qu'un rêve. La réalité c'est maintenant et c'est l'hôpital. L'hôpital qui m'a croqué par la porte des urgences il y a quelques heures en goûtant ma saveur humaine dans le bloc opératoire va maintenant me digérer. Je n'ai plus conscience de mon corps, de ses contours, je suis un organisme informe relié par de multiples tuyaux à l'hôpital. C'est donc ça être hospitalisé. C'est le matin, j'ai dû rester 3 ,4, 5 heures dans le bloc, j'en sais rien, personne pour me le dire
Tout ne semble pas s'être passé comme prévu, mais que puis-je faire ? J'ai quitté hier soir la réalité du monde dans lequel on pouvait demander des comptes pour celui de l'hôpital qui est entrain de digérer sa fournée d'hospitalisés du matin. Pas question de renvoyer la bouteille parce qu'elle est bouchée en faisant un esclandre dans le restaurant. La bouteille débouchée c'est moi. Puis il y a cette femme sévère à lunette qui semble s’intéresser à moi. Erreur elle s'intéresse à mon dossier. Mes 2 yeux ne sont pas encore ouvert, elle m'interpelle "Vous avez quelque chose à l'œil ?" j'ouvre donc l'autre l'œil pour la rassurer. Elle coche sans doute des cases, j'ai tous mes yeux, tous mes bras, c'est bon doit-elle penser ? Elle ne me parlera plus. Et puis il y a le chir. Celui qui devait me désenculer et qui a fini par m'étriper. Cet anti-docteur Frankenstein qui s'acharne sur le vivant pour le transformer en créature. Je ne suis plus un être naturel. Je suis dorénavant une créature de la science. Avant je pouvais respirer l'air de notre planète maintenant il me faut des tuyaux d'oxygène, pour mon oxygénation. Tout ce qui me semblait avant naturel est maintenant artificiel. Suis-je sur une autre planète ? Non. Ma contrôleuse à lunette est définitivement une terrienne de notre siècle, les néons aussi. C'est donc moi qui aie changé, je ne suis plus cette enfant née de l'eau et de soleil dont regorge notre planète je suis une créature de l'organisation mondiale de la santé. J'étais autonome, je suis maintenant ouverte et connectée.

Le tube d'oxygène me donne une perception de mon visage similaire à celle d'un fauve. Je m'en fiche, je suis content déjà de me redéfinir comme autre chose qu'un truc à medecin. Je ne suis plus ce que j'étais, je découvre petit à petit plus de tuyaux avec dans le rôle star Madame ma perfusion. Un hôpital sans perfusion, se serait un peu comme un pub sans tireuse à bière ça ne le fait pas. Alors on y va à coup de raccords dans tous les sens qui finissent dans votre meilleure veine. Et comme tout ce qui rentre d'un côté doit bien finir par sortir par un autre on en a profité pour me carrer un tuyau d'évac dans l'urètre pendant mon sommeil artificiel. Je n'ai donc plus besoin de mon estomac. L'estomac c'est l'hôpital pas question de lui faire concurrence. Ici on vous demande seulement d'avoir les reins solides.

La couverture doit être chauffante, les montants de mon lit sont remontés, c'est ce que je pensais je viens de naître en tant que créature hospitalière on me couve encore. Le chir passe rapidement m'expliquer qu'il n'a pas le temps de tout m'expliquer, mais qu'il a fallu opérer car les voies du gode était devenues impénétrables. Parti trop loin. Lui aussi, il part loin mais en week-end de Pâques. Je lui souhaite donc de bonnes vacances, pour tenter d'injecter un milligramme d'humanité dans le plafond des réveils que les gens du monde vertical appellent "salle". "Vous rigolez 3 jours c'est pas des vacances" . Merde, je pensais lui faire plaisir à mon nouveau créateur. On se reverra donc mardi .

Bon récapitulons j'ai des yeux des oreilles et des tuyaux. Et sans doute un truc pas net sur le ventre sous les couvertures qui servent pour l'instant d'horizon à mon petit monde. Rien ne semble pouvoir exister à plus de 1 mètre devant mon museau sur-oxygénisé. Cela n'a pas d'importance, pour eux, je suis une chose vivante sur roulette on peut me déplacer à volonté. Il vont me mettre dans une chambre, un petit endroit calme au fond d'un énième couloir intestinal où l'hôpital pourra finir tranquillement de me digérer.

Bobby doit essayer de me joindre, mais moi de mon côté je suis à peine née. Pourquoi ne m'ont-ils pas fait une greffe de mon portable dans l'oreille ils n'en sont plus à un tuyau près. Ca sonne dans le monde vertical, j'entends des "on essaye de vous joindre", mais moi, je suis toujours dans le monde des plafonds. On m'annonce que je suis sous morphine et qu'avec un petit bouton on peut en injecter à volonté. J'ai donc un objectif : ne pas perdre le petit poussoir à morphine. Je réalise vite que je vais devoir faire un gros travail sur moi pour remonter ma propre estime personnelle, puisque les urgences ont la facheuse tendance digestive de transformer des hommes à l'article de la mort en merde vivante.

C'est le week-end de Pâques le temps des résurrections, ça tombe bien, je vais en avoir besoin car je commence bien à prendre conscience que à part quelques internes post pubères, et une petite poignée d'infirmières qui ont dit "plome" pour l'avoir, il va falloir que je m'en sorte plus ou moins tout seul.
Bien sûr j'ai mal, mais ça ne suffit pas. Il faut avoir mal de 1 à 10. Et ça tout le monde à l'hôpital le sait. Même le mec qui prépare mon lit me demande si j'ai mal de 1 à 10. C'est débile, alors je dis 6 histoire d'avoir la moyenne. Je me dis quand même que si les grands brûlés n'ont pas le droit à plus de 10 je ne suis pas sûr de mériter un 12/20 mais bon. Ces considérations sur la relativité de la douleur semblent sans intérêt pour mes infirmières dont le boulot est de remplir des cases avec des chiffres. Mon 6 leur semble très bien. Il semble arriver comme un numéro complémentaire au tirage du Loto après avoir rempli auparavant les cases tension et température.

Les visites c'est l'après-midi. Bobby va donc pouvoir venir me voir et découvrir ma fermeture éclair  aux 26 agrafes que le bloc m'a confectionnée...... à suivre.

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