Opération Eames


Pour ceux qui s'y connaissent un peu en mobilier design, dans le genre mobilier culte-collector-iconique-vintage, on ne fait pas mieux que la chaise longue Eames avec son ottoman assorti. Alors imaginez un peu ma situation lorsque lundi dernier suite à une invitation chez Pierre qui nous avait fait sa grande spécialité : saumon, épinards, pommes dauphines, je me retrouve la tête en bas et les pieds en l'air après m'être assis dans un des deux fauteuil Eames du salon pour feuilleter le dernier Connaissance des arts. Bilan : double fracture ouverte : le dossier d'un coté, l'assise de l'autre. C'est l'horreur. Mais pourquoi ça m'arrive à moi, là, maintenant ? Pourquoi ce fauteuil historique qui a dû en voir d'autres, doit-il justement céder aujourd'hui sous mes fesses ?

Le problème avec les designers de renom comme Charles Eames, c'est qu'ils ont une réputation légendaire. Et que l'un des papes du design ait pu concevoir une assise fragile est tout bonnement inconcevable. Si il faut trouver un responsable pour cet accident malencontreux entre Charles et moi, le choix est vite fait. Si le fauteuil a cédé c'est à cause de moi, je n'aurais pas jamais dû m'asseoir. Comme on imagine mal que monsieur Eames n'ait pas prévu que l'on puisse un jour s'asseoir sur ses fauteuils, il fallait aller un peu plus loin dans l'accusation. A savoir que je m'étais bien évidemment "mal assis" dans le fauteuil. Si le fauteuil a cédé, c'est que je m'étais vautré dedans ou au moins jeté dessus, voire que je m'étais assis sur le dossier plutôt que sur le coussin prévu à cet effet. Exercice au demeurant impossible vue la profondeur du fauteuil. Mais quand on a besoin d'un fautif la raison n'intéresse plus grand monde.

La chaise longue vintage Eames évaluée à 4000 euros sur ebay se trouve là, devant nous, brisée net en 2 morceaux. J'apprends néanmoins incidemment lors de mes échanges culpabilisants avec Pierre que le même type de faiblesse était apparu il y a quelques années sur le même modèle de fauteuil chez ma belle-mère. "Oui mais, il ne s'était cassé que d'un seul coté et on a pu le réparer, alors que là il est vraiment cassé en deux", m'assène Pierre. Il coupe court ainsi immédiatement à ma stratégie de disculpation qui essayait de justifier mon accident par une faiblesse structurel du fameux fauteuil. J'essaye néanmoins d'en savoir un peu plus sur les circonstances dans lesquelles la simple fracture du fauteuil de Pix avait pu se produire. En toute logique et étant donné les inculpations auxquelles j'avais à faire face, j'ose imaginer que le fauteuil qui avait cédé sur un seul accoudoir, il y a quelques années, avait dû souffrir lui aussi de mauvais traitements comme ceux qui m'étaient aujourd'hui reprochés. Et bien non, ce fauteuil là, avait cédé, au dire de ma belle-mère, de lui même, tout seul, comme ça, sans explications et sans bouc émissaire.

Il ne me restait donc qu'une seule chose à faire réparer au plus vite le fauteuil, travail d'intérêt collectif qui vaudrait comme peine et par conséquent comme une possible rédemption à la manière criminelle dont mon postérieur était entré en contact avec la perfection et la beauté maintenant classique de ce fauteuil.
Le contact " ex-ouvrier de Paul" de ma belle-mère pour réparer le fauteuil étant presque aussi âgé que Charles Eames lui-même, demeurait silencieux. Il ne me restait plus qu'à annoncer bravache, qu'avec Bobby, nous allions pouvoir réparer tout cela facilement. N'ayant ni l'un ni l'autre, ni les compétences ni le matériel pour réaliser ce sauvetage, nous nourrissions le secret espoir que Claude allait pouvoir nous sortir de ce mauvais pas. Un petit coup de portable et le rendez-vous est pris pour se rendre ce matin dans l'atelier de Claude pour réaliser notre opération à dossier ouvert. Pierre qui n'avait pas pris toute la portée de notre incompétence sur ce dossier (c'est le cas de le dire), nous propose la veille au soir de finalement ne pas se rendre chez Claude pour éviter de transporter le fauteuil de chez lui à chez Claude et retour, argumentant que le fauteuil une fois restauré ne rentrerait plus dans la Juke. Autant vous dire que nous avons immédiatement rétorqué en cœur qu'il était absolument indispensable de faire le travail chez Claude et qu'on arriverait bien à faire rentrer ce p.... de fauteuil Eames d'une manière ou d'une autre dans notre Juke qui en a vu d'autres.

Tous ce passe finalement comme prévu c'est a dire que Claude réalise 90% du travail pendant que nous l'assistons au mieux. Bien sûr comme tous les bricoleurs, Claude a des milliers de vis, mais jamais vraiment les bonnes, ce qui nous a donné l'occasion de faire un tour tous les quatre à Castorama de Vandœuvre. Le tout s'est terminé sur les coups de midi et le fauteuil Eames riche de 4 nouvelles vis a pu reprendre sa place entre midi dans la maison de Pierre.


Tout c'est donc fini pour le mieux dans un esprit de franche décontraction, qui a permis à ma belle-mère au déjeuner de me décocher sur le ton de la plaisanterie, bien sûr, un "la prochaine fois que tu t'assoiras tu fera un peu plus attention". Comme quoi, même une fois sa peine purgée, on reste toujours et encore un peu coupable.
















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