Midnight Special



Un film, ce n'est pas forcément une histoire mise en image. Cela peut être comme dans le cas de Midnight Special, une envie née d'une seule situation. Le film est construit autour d'une scène clef très réussie qui réunit 2 hommes qui foncent à tombeau ouvert au beau milieu de la nuit tout feu éteint sur une route quelque part entre le Texas et le Mississippi. Tous ceux qui ont déjà eu l'occasion de conduire ne serait-ce que quelques secondes sans phares dans la nuit s'en souviennent. L'adrénaline et l'angoisse se mêlent, emportés par une machine aveugle qui obéit à la pression fébrile de votre pied droit.
Même si cette scène n'est pas le début du film, la construction de la narration part de là. Il est sans doute minuit et cette situation est pour le moins spécial. Cependant aussi forte qu'elle soit cette situation ne suffit pas à en faire un film. A partir de cette goutte de sueur froide qui tombe dans la platitude d'une Amérique dont personne ne rêve plus, l'intrigue se propage en avant en arrière pour créer à l'arriver une fable surréaliste.

Midnight Special est un film qui révèle les impasses dans lesquelles se trouve aujourd'hui les USA et tente de remettre en question un certain nombre de principes obsolètes qui soutiennent encore les valeurs des Etats-Unis.
La démarche iconoclaste du réalisateur face à sa propre culture est de remettre en question la sacrosainte famille du sang. Le petit héros que le réalisateur a assis à l'arrière de la voiture, celle là même qui fonce dans le noir n'a de cesse de vouloir quitter ses parents pour rejoindre une communauté plus belle à laquelle tout le monde semble adhérer quand on le regarde dans les yeux. Pour éviter tout amalgame avec un film de type messianique, le réalisateur prend bien soit de prendre ses distances par rapport à une église qu'il dénigre longuement au travers du passage de notre petit héros "au ranch communautariste".

L'apocalypse n'est pas à venir, nous dit Midnight Special, elle s'invite dés que nous tentons de foncer dans le noir. Le film est donc hautement symbolique en nous représentant au travers d'un road movie nocturne une société américaine qui conduit une économie fondée sur les hydrocarbures le plus vite possible dans le noir. Et cela avec un enfant, à bord. Bambin qui représente lui-même l'avenir des Etats-Unis, tranquillement assis à l'arrière entrain de lire des BD avec une lampe de poche. Il ne faut donc pas s'étonner par le manque de charisme et d'espièglerie de ce gamin, car pour le réalisateur de manière plus ou moins consciente il ne représente en fait qu'un concept : notre avenir.

Midnight Special est donc un film centré autour d'un seul sujet : "l'avenir des Etat-Unis". En plus de dénoncer l'ornière morale creusée par la famille comme seule valeur, le film questionne la dépendance des Etat-Unis aux hydrocarbures. Addiction qui finit par lui dicter sans grand discernement moral toute sa politique et sa diplomatie extérieure. Cette idée d'une stratégie américaine, uniquement influencée par des intérêts énergétiques plutôt qu'éthiques, mine les nouvelles générations engagées suite au 11 septembre dans une guerre en Irak, sans gloire.

Midnight Special, ose l'impensable, mettre en scène un militaire qui tire sur un flic pour éviter le délit de fuite suite à un accident qui implique notre enfant. Au nom de quoi un représentant de la force extérieure des Etat-Unis peut-il bien tuer un représentant de sa discipline intérieure ? Au nom de ce gamin qui représente leur avenir et qu'il place au dessus des lois en renvoyant dos à dos les deux principaux pouvoirs exécutifs de nos démocraties, à savoir l'armée et la police. Le père du petit va intimer à son ami militaire de tuer le policier car ce garçon en vaut la peine. Dans ce film il n'y a pas de méchant ravisseur, ni de gentil flic, tout le monde semble vouloir s'approprier, à juste titre, l'avenir radieux que cet enfant symbolise sans se poser trop de questions.

Ce qui nous est dévoilé à la fin du film n'est pas tant le résultat d'effets spéciaux de science-fiction qu'une simple projection de notre avenir dans le présent. La disparition de l'enfant fait apparaitre pendant quelques instants dans le périmètre où se déroule l'histoire l'avenir qu'il contient en révélant soudainement des habitations qui sont invisible. Ces bâtiments sont invisibles non pas tant à cause d'une technologie qui les rendrait furtifs que par le simple fait qu'ils pourraient exister exactement là où ils apparaissent dans un avenir où l'Amérique serait plus moderne, sans doute plus fraternelle. En tous les cas, comme le montre explicitement l'architecture de chaque bâtiment, dans une Amérique mue par des énergies renouvelables et libérée ainsi du pétrole qui empoissonne aujourd'hui son devenir. 

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