Au revoir là-haut


Le film est une adaptation du roman de Pierre Lemaître. Les plus grincheux vont trouver que les 600 pages d'intrigue du roman sont trop simplifiés dans la mécanique cinématographique mise en place par Albert Dupontel. Je ne suis pas de cet avis. Car il faut reconnaître à chaque genre ses forces et ses faiblesses. Le roman peut jouer avec des références et des nuances que le bon cinéma ignore. En revanche celui-ci doit être sans concession pour nous enchanter par ses images et la fluidité de son action. Un petit siècle nous sépare de l'action. 100 ans d'avancées technologiques qui sont déjà réunies par la scène d'ouverture d'un chien qui se faufile à travers les obus pour transmettre de l'information aux tranchées. Un chien au début du vingtième siècle, mais un drone qui le trace et le film pour nous rendre ces images que le roman ne peut pas nous donner. La modernité avec laquelle la scène est tournée fait de nous, dés le début du film, un spectateur du 21ème siècle de cette guerre qui dévoile petit à petit son vrai visage.



Toute les guerres portent un masque celui du patriotisme. Cette métaphore est merveilleusement rendue dans le film.

Si le premier masque en cuir et incrustation frise le mauvais goût tout les autres visages d'appoints de notre fils de bonne famille ont cette beauté surréaliste qui a surgi dans l'entre deux guerres. La guerre de 14-18 ouvre la voie de la machine, non pas de la machine à vapeur du siècle précédent mais de cette machine domestique que nous appelons curieusement une automobile, alors que contrairement au cheval elle a besoin de nous pour se mouvoir. Le début du déclin du charbon s'annonce alors que l'air de l'hydrocarbure prend son envol enterrant derrière lui non seulement des millions de soldats mais aussi la plus noble conquête de l'homme : le cheval. Les riches roulent à coup d'explosion pendant que les pauvres respirent leur particules. Ironie d'une révolution bourgeoise qui reste aristocratique dans l'âme.

C'est l'oxygène d'un cheval qui va donner à notre héros la force de s'en prendre à l'état et à son argent pour se venger de ce qu'un traité de paix ne peut pas réparer. Le capitalisme dévoile son visage sordide derrière le masque du patriotisme. La guerre est un business comme un autre. La seule chose qui menace le capitalisme c'est la mort de la croissance. Il faut avancer coute que coute voilà pourquoi on tire dans le dos des soldat récalcitrants. A l'instar de Dunkerque ce film n'est donc pas un film de guerre au sens où il diabolise les allemands et encense les français. Il lève le voile après un siècle de prescription sur la lâcheté de la grande bourgeoisie dans cette affaire et sa cupidité qui va nous conduire tout droit vers un autre conflit. La modernité veut du mouvement la prochaine guerre sera une guerre de machine sans chien ni cheval. L'homme comme seul chair à canon.

On ne sait pas finalement qui est le héros de ce film. Dupontel ne tient pas forcément le premier rôle. Homme trop ordinaire il se fait emporter par l'arrivisme et la rancœur des autres acteurs du films.
Mais là ou Lemaitre avait écrit sans le savoir pour Dupontel un rôle de brave type à qui il arrive toutes sortes de péripéties dans la lignée d'une écriture littéraire picaresque, Dupontel en tant que réalisateur renverse le rapport de force entre les acteurs et les spectateurs de l'histoire en construisant tout le scénario en flash back, ce qui n'est pas le cas du roman. Là encore le film nous révèle ce que le roman ne nous dit pas : le 21ème siècle appartient aux spectateurs et non plus aux acteurs. L'important n'est plus tant de croire, que d'aimer l'histoire que l'on nous raconte. N'aimer que soi ne serait-elle pas l'ultime forme de patriotisme dont le capitalisme profite déjà. Les autres comme un enfer. La fin du paradis ou dit autrement : Au revoir là-haut.

A voir, ne serait ce que pour se régaler de la prestation de l'odieux personnage incarné par Laurent Lafitte. 

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