La chasse aux oxymores est ouverte


 Wisteria Lane

LA REALITE VIRTUELLE

On ne se méfie jamais assez des oxymores car ils savent se faire accepter dans notre langage courant pour enfermer notre pensée. Découvrir des oxymores c'est  toujours ouvrir de nouvelles voies pour penser notre monde autrement. Ainsi parmi mes oxymores favoris, on peut noter : 
Chez Darty, le contrat de confiance. Plutôt bien vu alors que l'on sait très bien que si l'on signe un contrat c'est justement parce que l'on ne se fait pas confiance. J'aime aussi beaucoup ce très joli oxymore au pouvoir défiscalisant qu’est l'assurance vie. Pourtant la seule assurance que nous avons est celle que nous allons mourir. Dans le même registre la "vie éternelle" reste un oxymore de taille puisque une vie aussi longue soit elle en est une que si elle se termine.
Mais l'oxymore qui m'intéresse aujourd'hui est une expression forgée depuis quelques décennies sous l'appellation de "réalité virtuelle".

Il faut dire qu'après s’être avalé toute la saison 7 des Desperates Housewives en 3 jours et travaillé sur l’aménagement de la petite maison dans la forêt ou le faux bois est du vrai PVC et du vrai carrelage est du faux parquet, on finit par se demander ou est le vrai du faux, le réel du virtuel. En quoi la petite maison à l’américaine de ma soeurette est t-elle si différente des maisons des 4 femmes au foyer qui vivent à Wisteria Lane. Allons-nous vivre dans des maisons de plus en plus virtuelles ou allons-nous interagir avec nos personnages favoris de série dans le futur ?

Avec le concept de réalité virtuelle, voilà donc que la réalité peut être autre chose que réelle. En voilà un bel oxymore. Ainsi le pilote dans un simulateur, un gamin sur sa game boy ou vous en plein rêve seriez dans une réalité virtuelle pendant que la vraie réalité se tourne les pouces.

Virtuel pourrait être compris comme potentiel. Parler de réalité virtuelle, pourrait se comprendre comme une réalité potentielle. C’est à dire une réalité en puissance. Ainsi la paix dans le monde se fonde sur la réalité virtuelle d’une guerre nucléaire. Vraiment pas de quoi être fière. Les politiques sont passés maître dans l’art de cette réalité là sous la forme de promesses électorales. Si les anciens voyaient dans l’homme un animal politique c’est parce que cette capacité unique à se projeter dans le futur fait que le singe est devenu homme. Mais on sent bien que ce n'est pas ce que l’expression réalité virtuelle veut dire.

Quand on parle aujourd'hui de réalité virtuelle on ne parle pas de notre réalité dans le futur mais de notre présent dans un espace virtuel. On pourrait penser que si virtuel ne veut pas dire en puissance, alors il doit vouloir dire artificiel. Vivre dans l’artificiel serait donc une réalité virtuelle. Or l'idée d'espace artificielle dans notre monde moderne est une idée qui ne tient pas 2 secondes. Pour la bonne et simple raison qu’il y a bien longtemps que l’artificiel et le naturel se mêlent étroitement dans notre environnement, le retour à la nature est tout bonnement impossible c’est un aller sans retour, car le naturel est anti-humain et réciproquement. Une réalité virtuelle au sens réalité artificielle n’est plus cette fois-ci un oxymore, mais un banal pléonasme. Comment notre réalité pourrait être autre chose qu’artificielle puisque depuis Descartes on sait bien que nous nous construisons nous même notre réalité. Nous sommes donc tous l’artisan de notre réel dans le désert du doute cartésien.

Les pros de la réalité virtuelle ont leur défintion, qui s’attache principalement sur les concepts d’immersion et d’interaction. La réalité virtuelle graal des concepteurs de jeux vidéo est donc de vous focaliser sur un monde (le leur) qui serait capable d’interagir avec vous. Le monde virtuel des jeux vidéo au lieu de nous faire sortir de la caverne de Platon , nous pousserait un peu plus loin dans le gouffre de l’illusion où la faible lueur des écrans plasma viendrait succéder au feu de la caverne, laissant une bonne fois pour toute le ciel radieux des idées derrière lui. Capter l’attention c’est créer de la réalité. L’attention et la réalité ne sont que les 2 faces d’une même pièce. Si l’attention crée le réel, le réel peut lui aussi aussi créer l’attention. Ce réel que nous ne contrôlons pas et qui s’invite dans notre existence a un autre nom la nécessité. Notre réalité moderne glisse en permanence un peu plus dans l’artificiel. Pas évident de connaître son contour. Ce qui est sûr c’est que la nécessité est le point d’ancrage le plus évident pour savoir où nous en sommes de notre propre virtualisation.

Et bien oui parce que quand nous parlons de réalité virtuelle, il se pourrait bien qu’en temps qu’être bien réel nous soyons virtualisés à notre tour. Houps, il est évident que nous allons pouvoir grâce à des combinaisons intelligentes renter dans un univers que nous pourrons toucher et avec lequel nous allons pouvoir interagir. Cet univers serat-il devenu réel pour autant ? Ce n’est pas par hasard que le jeux est le terrain de prédilection du virtuel, car le jeux est virtuel par essence, et quand on ne joue plus, c’est que c’est pour de vrai. Le jeux n’en est plus un quand il invite la misère avec lui. La misère n’est autre que la peur de perdre et cette misère peut s’inviter doucement mais surement dans l’espace électronique. Et pour créer de la misère on n'a rien trouver de mieux que l’argent. Car l’argent est aujourd’hui la matérialisation de la nécessité et c’est elle qui emmène avec elle le centre de gravité de la réalité humaine. Introduire l’argent dans l’espace électronique va nous virtualiser dans un espace bien réel celui du réseau. 
Nous allons donc descendre dans la camera obscura du cloud computing. Et le cloud computing ce n’est pas la vérité , c’est juste la réalité que nous propose l’informatique et ses prouesses. La science et la philosophie ont depuis longtemps divorcé, mais pour l’instant on ne sait pas encore qui aura la garde de leurs enfants (nous). Allons-nous continuer à nous virtualiser dans un monde bien réel comme nous le propose la science qui ne fait que pousser les limites de la nécessité sans jamais les abolir ou allons-nous un jour réaliser que le réel c’est nous et que tout le reste doit rester virtuel à la manière des idées de Platon ? 
Dit autrement le plus important n’est pas que les serveurs ne tombent pas en panne mais que nous puissions vivre et mourir pour des idées.

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