Super pas drôle


Superman n’est pas humain et ça déjà, mis à part les Xmen qui ne sont pas très nets non plus, c’est relativement unique dans le milieu des super héros.
Superman est donc d’abord un super immigré, il ne vient pas d’un autre pays, il vient d’une planète et ça ce n’est pas rien quand même. On voit bien ici que le défi que se crée l’Amérique avec la création de Superman c’est mettre à l’épreuve sa capacité d’insertion des étrangers de tout bord dans la culture américaine, c’est à dire de faire fondre finalement le Man of Steel dans le melting pot américain. On pourrait se demander ce qu’un type qui vient de la planète Krypton peut bien avoir à faire de l’Amérique. Et bien détrompez-vous, Superman aime l’Amérique parce que l’Amérique aime Superman, c’est ça l’intégration. A ce titre le nouveau Superman qui sort sur nos écrans aujourd’hui nous donne une perspective à neuf puisque si il est clair que l’Amérique a adopté depuis longtemps Superman comme un de ses héros national, qu’en est t-il de son point vue. Se sent-il vraiment chez lui ? Ne pense t-il pas à Krypton tous les jours ? Ne trouve t-il pas finalement les humains pénibles, mal foutus, mal habillé set qui plus est sans aucun super pouvoirs. Ne se sent-il pas surdoué, incompris, seul dans un monde étriqué où tout le monde plonge dans le métro alors que lui et les siens peuvent voler ?

Pour couper court à tous ces vagues à l’âme, l’histoire de l’Amérique c’est avant tout l’histoire d’un aller sans retour. On va en Amérique poussé par la famine, la misère, l’exaspération. L’immigrant américain n’est pas un touriste du bonheur. Il part pour de bon parce que son chez lui n’existe plus. Et c’est bien ce qui arrive à notre petit Superman qui a dû quitter sa planète pour cause d’explosion imminente. Il n’a pas le choix lui non plus de rester, son chez lui c’est donc l’Amérique.

Ce qui  frappe chez Superman, c’est sa naïveté à toute épreuve qui semble ignorer la couche épaisse de cynisme qui recouvre notre planète à force de compromis et qui ne voit même pas l’intérêt de porter un masque. Superman est un vengeur masqué sans masque, à la limite du neuneu. Il est de tous les super héros le plus candide.
Avec Superman, c’est un peu le monde à l’envers. Sa vraie nature c’est d’être un justicier, il faut par contre qu’il se travestisse pour vivre sa sous-vie de tous les jours.
Superman est naturellement beau, fort et intelligent, il va donc se déguiser en type de tous les jours, c’est à dire en nous, pour passer inaperçu. Il renverse ainsi les codes en nous montrant que c’est nous qui enfilons tous les jours un costume ridicule, pour faire un ridicule travail, alors que la norme devrait être des petits costumes moulants aux couleurs vives qu’il porte fièrement et donc sans masque.

La plupart des super héros galèrent un peu avec leurs super pouvoirs mais pas superman. Superman est né comme ça avec des pouvoirs immenses et naturels. Pour lui voler ne requiert aucun effort particulier, aucune injection, pas même besoin d’un petit surf d’argent ; il lui suffit de recroqueviller ses orteils dans ses petites bottes rouges et hop il décolle. Et ça, ça le fait carrément, comme on dit nous les super normaux.
Envoyé d’ailleurs avec des super pouvoirs pour sauver le monde, notre Superman prend des allures de super biblique. Sa mission édictée par son père, avant son départ de Krypton est claire : tu seras leur guide pour que les hommes, qui ont l’air un peu de s’enferrer dans leurs petits problèmes quotidiens, trouvent la route du bien. On se croit en plein Ancien Testament. Si Jésus a opté pour une version Super looser pour nous faire pitié afin de nous sauver, Superman essaye l’autre formule, celle du Super winner qui fait envie pour nous sauver. Beaugosse, bien foutu, voyant, candide, il a tout pour plaire, il compte bien lui aussi grâce à ses super pouvoirs faire des miracles.

Superman n’est que le fruit de la contradiction évidente que la religion chrétienne et la méritocratie américaine qui sont pourtant si liées ont un mal fou à cohabiter. L’Amérique est le pays où l’on sanctifie les gagnants, malheureusement il n’y a rien de tout ça dans la Bible. Les Etats-Unis avaient donc besoin d’un messie qui gagne, au lieu de finir pitoyablement sur une croix. L’Amérique a le sens du sacrifice à condition qu’à la fin on gagne, sinon à quoi bon. Si le rêve américain existe, c’est bien parce les premiers immigrants ne voulaient plus être les martyrs de l’Europe. Ce modèle n’est pas le leur. L’Amérique s’est inventée un sauveur à son image, un sur homme qui ne pouvait s’appeler que Superman

Si Superman ne prend pas la peine de se masquer, en plus il ne fait pas beaucoup d’efforts pour se travestir dans sa double vie de journaliste. Là encore Superman semble nous dire que nous les terriens de base ne savons pas regarder. A force de juger sur les apparences on finit par ne plus voir l’essentiel. En singeant notre bêtise et notre conformisme il se fond dans la masse sans effort. Car même si il ressemble comme deux gouttes d’eau à lui même comment se nigaud de Clarke Kent pourrait-il être Superman ? L’anonymat des villes est notre meilleure cachette. Ce passage du super à l’ordinaire est symbolisé par le port de lunettes, ces mêmes lunettes qu’on nous demande aujourd’hui d’enlever sur nos pièces d’identité pour être identifié ensuite par des caméras. Les lunettes semblent empêcher les machines de nous identifier. Il semblerait que Superman pense la même chose de nous, glups.

Il y a au moins un truc sur lequel nous les humains du bas nous avions un avantage sur Superman, c’est que nous, quand on va au boulot, on n’enfile pas un slip rouge par dessus notre costume. On passe sur la cape qui fait un peu ringard. Mais bon, comme c’est emmailloté dans cette cape à papa qu’il est arrivé sur terre, on comprend mieux pourquoi il la garde encore. C’est un peu comme son doudou. M’enfin il va falloir un jour qu’il grandisse un peu. Et voilà que dans le dernier Superman ils nous le relookent sans slip lui donnant un air suffisant et asexué d’archange. Il ne nous reste vraiment plus grand-chose pour se foutre un peu de sa gueule, au premier de la classe. Peut-être que c’est parce que nous nous approchons dangereusement de notre rédemption finale, que nous ayons de moins en moins de chose à redire, au super mec qui tente de faire le bien.

En plus d’être un messie bien dans sa peau, Superman est aussi une incarnation du self made man. Superman a bien sûr des origines d’adoption modeste dans une petite ville du Kansas et il finira en super star adulée en ville. Superman se débrouille tout seul pour trouver sa voie. Point de domestique ou d’assistant, pas de repaire secret, ni de base High Tech. Ni même un compte en banque bien rempli pour lui permettre de faire ses premières super bonnes actions. Aux Etats-Unis même les super héros doivent être des super self made man.

On pourrait se dire que dans cette nouvelle version de Superman titrée « man of steel » Superman a tout gagné. Son histoire a été simplifiée, pour dénouer les inévitables imbroglios qu’il a subi pour le seul besoin de vendre des bandes dessinées à trois balles aux inconditionnels de space fantasy pour en faire un CV lisible. On lui a trouvé un acteur à la hauteur pour réincarner le légendaire Christopher Reeve et puis on lui a fait un joli costume High Tech pour ne pas avoir l’air d’une nouille à coté de Batman ou Iron Man. Superman a tout gagné ou presque, car ce qui manque tragiquement à ce personnage qui est finalement l’un des seuls super héros à voir la vie du bon coté, c’est l’humour. Il n’y a dans ce Superman aucun humour, alors que ce type a tout pour plaire. Finalement la machine hollywoodienne de ce début de siècle a eu raison de Superman en lui donnant tout sauf le droit de rire et de nous faire rire.

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