Les gardiens de la galaxie

Avec Les gardiens de la galaxie, enfin un peu de chair fraîche pour nourrir mon appétit de super analyste du monde de Marvel. La mise à l'écran de ces personnages improbables est une réussite.
Mais au delà des aventures trépidantes de nos héros, qu'elle est la métaphore et le message qui se dégagent de cet épisode.

Les gardiens de la galaxie nous parle de la spéculation et de son spectre la déflation. Nul doute que dans l'inconscient du cinéma américain, le traumatisme récent de la crise des subprimes doit s'exprimer en image. Si de nombreux films ont déjà épinglé les brokers sans vergogne mettant en scène des petits porteurs ou des employés dont la vie est laminée par l’appât du gain sans limite des loups des salles de marché. Aucun film n'avait aussi bien mis en scène encore une représentation beaucoup moins manichéenne et beaucoup plus universelle de la spéculation. D'abord nous ne sommes plus à New York mais au dessus d'une ville ultra moderne de Nova. Le mal est représenté de manière très abstraite par des êtres quasi mythologiques dont la puissance illimitée les pousse vers l'absurdité de l'excitation du nihilisme. Il semblerait que Thanos assis sur son fauteuil n'a rien d'autre à faire que de bousiller des galaxies à longueur d'année.

De l'autre coté notre héros opérant sous le pseudo de "Star Lord " est un voleur. Certes il a quelques circonstances atténuantes, une mère qui venait de mourir du cancer juste avant de se faire kidnapper par des mercenaires extraterrestres à l'âge de 12 ans. Mais bon il n'en reste pas moins un voleur. Il porte un masque relativement hideux, genre masque à gaz du futur, mais pour une fois, on ne découvre pas derrière un être défiguré et traumatisé, mais plutôt une jolie petite gueule de jeune premier. Star Lord doit voler une sphère qui contient la pierre de la multiplicité à l'infini.
L'infini est un concept inventé par l'homme. Sans lui, point de spéculation aussi. On ne peut pas s'endetter sans croissance sous-jacente, on ne peut pas spéculer sans le levier de la multiplicité. Notre vie n'a pas de prix par ce qu'on en a qu'une, alors que l'on scrute le prix d'un litre d'essence au centime près parce que l'on sait que l'on n'a pas fini d'en mettre dans notre réservoir. La multiplicité à l'infini est un levier qui peut renverser un monde, comme nous le dirait Archimède, elle peut même comme le réalise notre héros pulvériser toute une galaxie, la nôtre.
Voilà donc notre héros de petite vertu pris à ses dépends dans les filets de la moral. Faire du profit en revendant une pierre d'infini, volée dans un coffre d'une civilisation qui en est sans doute morte, ne lui pose aucun problème éthique. En revanche organisé par ce biais la disparition d'une galaxie qui est autre que la sienne lui pose un problème de survie qui le conduit à une solidarité avec ses con-galaxiens dont il se serait bien passé.
Le choix est simple vivre encore quelques temps en lâche ou mourir tout de suite en héros. Comme l'idée de héros ne semble pas être la tasse de thé de Star Lord et de ses acolytes, c'est plutôt l'idée de mourir entre amis plutôt que de vivre entre ennemis qui remporte leurs suffrages. Car cette fine équipe de super héros partage en commun son manque d'attache qui les pousse fondamentalement les uns vers les autres. Il vont donc ensemble tenter l'impossible. Empêcher le vaisseau envoyé par Renan d'atterrir sur la riche et flamboyante ville de Nova (qui a des aire Londres les pieds dans l'eau (sans doute dû au réchauffement climatique). C'est à dire de manière métaphorique empêcher que par le dévissage de la spéculation la déflation entraine notre civilisation actuelle dans le chaos. Bien sûr le problème de Star Lord étant global, ils peuvent rallier avec eux à la fois les opportunistes et les anti-nihilistes de la garde de Nova qui s'accrochent à l'idée que la spéculation devrait rester à tout jamais au dessus de leur tête sans jamais toucher terre. Pour cela une cohorte de vaisseaux dorés forme un filet géant "alias la réglementation internationale du système bancaire " pour que ce gros tas de vaisseaux à la forme hélicoïdale évocatrice ne s'écrase sur la ville et toutes les richesses accumulées qu'elle représente. Toute la force et la bonne volonté des vaisseaux de Nova ne parviendront finalement pas à empêcher l'inévitable de se produire. La spéculation finira bien un jour ou l'autre par nous retomber dessus. 
C'est là où le film prend toute sa valeur didactique puisque nous sommes tous à l'instar des habitants de cette merveilleuse ville de Nova, apeurés par l'idée de la fin de la croissance et de ses bienfaits, tétanisés par le spectre de la déflation qui pèse sur nous. La crise de 29 nous a conduit à repenser le rôle de l'état, non plus comme simple bénéficiaire, mais comme initiateur de la croissance. Mais aujourd'hui quel notre nouveau New Deal pour se sortir de la récession qui pointe son nez et qui risque de déclencher une déflation mondiale sans précédent ?

Notre film nous ouvre une voie. Cette voie apparait lors de la scène où l'une des filles de Thanos qui obéit connement aux ordres de son père va tuer sa sœur sans réfléchir. La méchante pulvérise donc le vaisseau de sa demi-sœur qui reste là devant les yeux de notre héros inconsciente entrain de flotter dans l'espace. C'est plus fort que lui il doit la secourir pour cela il se jette lui aussi dans l'espace à l'aide de son masque qui lui permet de respirer. Pour sauver la belle il lui cède son masque. Cette scène est un moment clef du film car il nous place par le dénouement de cette scène dans un monde post-chrétien.
Le monde chrétien dont nous sortons tant bien que mal nous a appris le martyr et le sacrifice. La scène qui se produit sous nos yeux doit donc sublimer l'amour par le sacrifice du héros. Hors le film nous montre tout autre chose. Il nous montre l'abandon de la fierté du héros en donnant sa position à ses pires ennemis avant de donner son masque de survie à celle qu'il veut sauver. De ce fait il sont tous les deux capturés avant qu'il n'ait eu le temps de suffoquer. Ce que nous avons vu donc initialement comme un don de soit " à la manière du Christ"  doit s'interpréter plutôt comme un partage, il y avait finalement de la place pour deux. On peut vivre sans se sacrifier avec la moitié d'un masque. Exit la soumission au nom d'un monde meilleur, bonjour à l'abandon de petites fiertés pour mieux vivre dans notre monde de tous les jours. Bref un bon tien vaut mieux que deux tu l'auras. Le monde chrétien est un monde ultra spéculatif qui nous vend un hypothétique paradis. le monde post-chrétien que nous ouvre Les gardiens de la galaxie nous propose au contraire de faire le mieux possible avec le monde que l'on a.

Notre monde est loin d'être simple ni parfait, c'est sans doute ce qui en fait son charme, à l'image de nos personnages, produits plus ou moins réussis de la science et de la biologie. L'homme va dans l'avenir bien sûr faire tout ce qui est en sans pouvoir car le pouvoir est jubilatoire. Toute les éthiques qui nous empêchent de pouvoir tout faire nous frustrent et nous condamnent. Les gardiens de la galaxie est un univers jouissif où les arbres parlent, les ratons laveurs comme Rocket parlent et sont super malins et où les filles sont toutes vertes et moins fragiles et où notre héros se demande si il va demain faire le bien, le mal ou un peu des deux.

Ce film nous emmène dans une autre éthique, celle non plus de savoir si ce que je fais c'est bien ou mal, mais de savoir si c'est bien pour moi et pour les miens. Pour cela il existe une solution, transformer l'économie anonyme de la multiplicité et de la spéculation en une économie du partage débarrassée de la multiplication obsessionnelle dans laquelle le consumérisme nous a conduit. Sans la loi des grands nombres, sans l'infini, le capitalisme chrétien s'effondre sans forcément nous entrainer dans sa chute.
Il nous faudra donc renoncer à plus pour soi, pour avoir plus ensemble. La famille de sang, la patrie, la religion sont autant de concept qui vont s'estomper pour redessiner une solidarité, au travers d'un partage de ressources qui rapproche. Faire mieux avec moins est l'ennemi de la spéculation. Cette pierre qui nous promet l'infini et tous les dieux qui vont avec il faut l'enlever à notre économie avant qu'elle ne donne son dernier coup de marteau fatal. Star Lord ne parvient à contenir cette pierre de l'infini au pouvoir maléfique que grâce à la solidarité des siens prêts à souffrir ensemble pour ceux qu'ils aiment et pas pour n'importe qui. Le film dans sa veine magnifiquement anti-chrétienne nous donne donc les clefs d'une nouvelle solidarité voulue et consentie, où l'on n'arrête d'aimer tout le monde comme soi-même. Le monde des Gardiens de la galaxie est un monde de voleur au grand cœur, pas de quoi se faire crucifier. Elle implique néanmoins de faire imploser le panoptique carcéral, magnifiquement mis en scène dans le film, imposé par une société du dressage qui souhaite toujours plus remplacer la confiance par la surveillance.

L'économie de partage n'est pas qu'une vague idée morte née avec les fiasco des pays communistes du 20ème siècle. Elle existe, elle est en marche. Elle est d'ailleurs joliment représentée dans le film au travers du symbole de la cassette audio "Awsome mix". Une sélection de morceaux de musiques copiés par sa mère et offert en cadeau. Copier de la musique ne coûte rien et la partager avec ceux qu'on aime non plus. Pourtant aujourd'hui tout est fait pour monétariser par les droits d'auteurs quelque chose que tout le monde serait en droit de posséder. Notre économie nous interdit de partager ce qu'elle ne sait pas multiplier. Voilà le mal d'aujourd'hui. Un chanteur doit être payé chaque fois qu'il chante et non pas chaque fois qu'il est écouté. Le droit de l'artiste n'existe que lorsqu'il partage avec son public, non une fois sa chanson stockée dans nos disques durs. Les héros de demain sont donc les voleurs d'aujourd'hui. Voilà pourquoi en ne voulant faire que le bien on n'arrivera jamais à faire un monde meilleur. Voila aussi pourquoi cette cassette contrairement à celle de l'Avare représente ce que l'humanité fait de mieux : le partage par amour et sans division de la valeur . Une idée que Peter "alias Star Lord" n'est pas prêt à lâcher. La galaxie que nos gardiens protègent est bien celle de l'économie du partage.

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