Les nouveaux western


Canal+, nous a proposé une sélection de nouveaux western, que nous avons consommé sans modération samedi dernier avec Bobby, en s'enquillant 4 nouveaux western pour notre plus grand plaisir.  Nouveau western ça sonne bien mais avant de vouloir revisiter le genre on peut se demander : "C'est quoi un western ?".
Le western traite d'un sujet universel celui de la frontière. Un sujet qui s'invitera toujours dans notre actualité. La France, l'Europe, Schengen, l'hémisphère nord ? Où est la frontière entre notre monde et celui des autres ? Un western est un genre qui parle avant tout de la conquête de l'espace. Voilà pourquoi ce genre transcende la seule histoire de la ruée vers l'ouest américain. Le western est une forme qui questionne le civilisé face au barbare. La cavalerie face aux indiens. Le western met en image la formation de l'état dans le désert du réel. Pas de western sans désert, sans terre vierge, sans espace à conquérir au delà de la limite de notre civilisation. Notre civilisation déroule son rouleau compresseur en plusieurs temps. D'abord un sentiment de supériorité qui nous permet de nous approprier ce qui n'appartenait à personne. Un "c'est à moi" conquérant qui divise la générosité en une collection de cupidités. La propriété cependant n'existe que par la force, d'un territoire que l'animal signale par son odeur et que le pionnier va circonscrire d'une clôture arbitraire. Plus on repousse la frontière plus le nombre de clôtures augmentent. Telle est la règle du western qui nous emporte dans le monde de la propriété privée, ce qui nous conduit tout droit vers le droit régalien, l'état de fait. Un western c'est le combat du bon contre le méchant non dans un but moral mais dans l'unique but de planter dans la terre des piquets autour de ce qui est à moi et cela pour de bon. Le pionnier n'est pas un nomade, mais bien un SDF en recherche d'un endroit où se poser. La morale de du far west est une morale au service du territoire.

Le western de la première vague est donc un genre qui donne la part belle à la création du droit régalien et/ou divin et qui justifie pleinement le massacre d'indiens sauvages et attardés au profit du pionnier civilisé et méritant. Le western est une forme en mouvement, la conquête est son graal, la sédentarisation sa plaie. Une fois installé le pionnier s'embourgeoise, une fois les indiens massacrés la cavalerie se corrompt. Le western que l'on surnomme spaghetti parce qu'il ne se trouve plus nécessairement en Arizona, mais dans n'importe quelle zone désertique qui est la base d'un décor de western, nous montre des personnages plus complexes et qui une fois l'excitation de la conquête terminée ne savent plus trop pourquoi ils sont là. Ennio Morricone en particulier nous décrit des hommes pervertis en manque d'un nouvel idéal prêts à user de la force quand il est maintenant question de vivre en paix.

Le western a donc déjà connu plusieurs mutations. Le seul véritable ennemi de l'esprit western c'est le chemin de fer. C'est à dire une communication sûre et rapide d'est en ouest qui tue de ce fait tout esprit de conquête. Le chemin de fer est au western ce que le téléphérique est à l'alpinisme. L'effort dans la conquête c'est sans doute du sport, mais plus du western. Voilà pourquoi le chemin de fer est une figure omniprésente du genre parce qu'elle représente déjà la mondialisation, le pire ennemi de ce que les américains appellent  " the frontier". Mot quasi intraduisible puisqu'il ne se réduit pas à l'idée de frontière mais plutôt à l'idée de limite entre ce qui est connu et inconnu, acceptable ou non. "The frontier" pourrait en terme philosophique s'apparenter aux limites du réel, c'est à dire le bord d'un monde connu.

La saga Star Wars a parfaitement tiré parti des poncifs du western avec cette fois une conquête de l'espace qui s'effectue dans un sens littéral et donc à l'aide de vaisseaux spatiaux, sur des planètes aux allures évidemment similaires aux reliefs de l'ouest américain.

Prétendre renouveler à nouveau le genre du western est donc une gageure puisque le cinéma hollywoodien a déjà tiré parti à la fois de la décrépitude de ses héros de l'ouest américain et de l'idée de conquérir d'autres horizons en envoyant ses "nouveaux cow-boys" conquérir des espaces inconnus ou incultes, aux 4 coins de l'univers.
Le nouveau western ne surenchérit pas sur la découverte de nouveaux territoires, partant plus ou moins du principe que tout a été exploré, mais plutôt de la viabilité des fonctions régaliennes de l'état, dans un état émietté en propriétés privées par la conquête des westerns précédent. A force d'aller à l'ouest, le western a fait le tour du monde. La question se pose maintenant de savoir si l'on peut vivre en paix sur ces bouts de propriétés garanti par l'état que l'on a gagné aux dépends des autres et que l'on appelle "chez soi".

Le western dans sa forme la plus universelle nous met face à l'envie de se faire justice soit même. Car le thème du western foisonne de situation où l'état législatif et exécutif manque à son devoir dans la protection des droits de chacun. Soit par manque de moyens, soit simplement par le dévoiement de ses représentants. Ainsi le nouveau western nous dépeint l'un de nos pires démons, celui d'un état désargenté dont le pouvoir exécutif serait sous traité à des entreprises guidées par le besoin de vengeance subjective de son commanditaire. La fibre du nouveau western n'est issu ni du bon cowboy ni du mauvais indien, ni même dans la conquête de territoires étrangers à l'ouest américain, mais dans ce recours illégitime à la force par l'argent, si bien incarné dans le genre par l'indémodable chasseur de prime. Ou plus directement par l'invocation d'une fierté personnelle qui se drape pour se justifier de ses crimes dans les oripeaux d'une vengeance qui se prétend légitime.

Notre illustration :
Film de Sang-il Lee
Avec Ken Watanabe, Akira Emoto, Kôichi Satô
Remake japonais d'"Impitoyable" de Clint Eastwood.

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