Trop fière

Depuis plusieurs jours je m'arrache mes blonds cheveux pour trouver une variante à la fois esthétique et d'un coût raisonnable pour transformer les murs de la maison au look pavillon de banlieue du sud de la France des années 90. L'architecte avait bâclé la fin de ce sujet en optant pour une maison tout en pierre. Option certes de bon goût mais à la fois trop chère et trop longue à réaliser. A cela il faut ajouter que notre entrepreneur a des idées très arrêtées sur le type de parement qu'il veut utiliser. A savoir le plus beau, le plus cher et le plus long à mettre en œuvre. Pour vous donner une idée, avec un camion de pierre (15m3) ça donnera une trentaine de m2 d'habillage.

Je suis donc tiraillée depuis un moment entre un architecte qui a maximisé la quantité et un entrepreneur qui lui maximise la qualité. En additionnant en plus tous les murs de soutènement et autres murets qui ont été construits aux abords de la maison et qu'il va falloir aussi traiter. Autant vous dire que le budget explose. J'ai donc mesuré avec Bobby les murs extérieurs de la maison un par un pour avoir une idée plus claire de ce que l'on pourrait faire. J'ai travaillé d'arrache pied pour une trentaine de vue en 3D pour représenter au mieux ce que nous pourrions faire pour combiner astucieusement nos matériaux en respectant le budget.

Ce matin c'était mon grand oral. J'ai envoyé la veille en fin de journée toutes mes vues ainsi que les documents Excel qui récapitulent tous les coûts et surfaces ventilés par revêtement. Bref un dossier en béton pour rencontrer le boss ce matin.
Après 1 minute d'entretien, je réalise qu'il n'apprécie pas vraiment mon dossier. Je vous passe les détails de nos échanges qui  n'ont fait que de me décrédibiliser d'avantage. Je pensais pourtant bien faire, mais après 1 heure d'entretien avec mon mentor j'ai compris que mon dossier était médiocre et que j'étais bon pour la cession de rattrapage.
J'ai commis plusieurs fautes impardonnables aux yeux du boss.

1 - J'ai fais du "bois-bois" et ça, ça ne va pas, car si tu fais du bois-bois" tu ne fais plus une bergerie, tu fais un chalet. Or dans ma nouvelle configuration plus économique certains murs de la façade de la maison sont en bois, en contact avec une plage piscine qui est elle-même en bois. Un cas typique de "bois-bois" qui me disqualifie en tant que designeuse de bergerie.

2 - Ma deuxième grande erreur est d'avoir récidivé dans l'usage de dallage pour couvrir des murs de soutènement. Après un inadmissible "bois-bois" je tombe dans la vulgarité du pauvre qui n'a pas assez d'argent pour se faire un mur en pierre, alors il se fait un mur en dalle. La honte ! En corse quand on n'a pas assez d'argent pour faire de la pierre, Monsieur, on fait un bel enduit, mais pas de la dalle au mur.  Et de la dalle honteuse, j'en ai mis un paquet dans mon projet alors qu'il m'avait déjà alerté que je m'égarais vers un mauvais goût de petite riche qui veut daller plus haut que son cul.

Bref je me suis fait descendre en flèche. Pour changer de conversation je lui annonce que je pensais transformer une des jardinières en banc. Là encore je me fais tacler immédiatement par un sentencieux "il te faut une tache de vert, garde la jardinière". J'ose monter au filet et rétorquer que si ça pousse à cet endroit ça va finir par cacher la vue. Je me prends aussitôt un "tu n'as qu'à prendre des romarins rampants comme je fais dans tous mes projets" en passing-shot.
Je décide d'oublier mes mauvaises idées et de tenter de reconsidérer mon projet avec son point de vue. Je tente donc une petite autocritique pour remonter ma cotte, en auditant mon projet à la lueur des règles qui m'avaient échappées. Je lance sûre de moi un : "Ben là si je fais un bar en bois comme prévu sur une plage en bois, on va commettre un "bois-bois", il faut que je revois ça aussi". "Mais non", me dit le boss, "qu'est-ce que tu me racontes, il s'agit d'une zone indépendante de la maison, la règle ne s'applique pas. Là on n'est plus dans la bergerie on peut faire du "bois-bois" dans une zone pool-house".  Houps, je sens que je m'enfonce à nouveau.

Bon là je sais que je n'aurai jamais la moyenne, je n'ai donc plus rien à perdre je peux lui parler de mon projet d'escalier pour accéder à la piscine sans passer par la maison. Alors que je m'attendais à une remontrance de plus, le boss lâche un petit "pas con" qui comme tout euphémisme cache un vrai compliment. Je découvre qu'il a même imprimé mon escalier sur son imprimante couleur en A3. Réalisant que cela me faisait plaisir, il ajoute vite un "tu as quand même dessiné une marche de trop" pour calmer ma joie.
Yessss, je sais je suis recalée et il va falloir que je refasse tout mon projet sans "dalles de la honte" et sans "bois-bois" et  avec des touches de vert. Mais il a tout de même dit "pas con" pour mon escalier. Trop fière !

Commentaires

NADINE a dit…
Je comprends Cindy en te lisant ,que tu ne pouvais qu épouser un DEPLANCHE" avec ton amour et ton attirance pour le bois, qui , je dois le dire est un matériau noble et CHAUD..... n 'est pas Bobby

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