Bohemian Rhapsody



Gide disait de Ainsi parlait Zarathoustra qu'il était dommage que Nietzsche ait recours à un ouvrage sous la  forme d'une mythologie pour combattre la morale qui elle même en use et en abuse.
Zarathoustra est le premier prophète qui a observé comment le bien et le mal se mêlent pour créer notre monde. Malheureusement, si il est évident que notre monde est étroitement composé de ces deux penchants, Zarathoustra en les analysant vient de créer la morale.

Farrokh Bulsara n'est pas un "Paki" de plus dans cette appellation fourre tout et rétrograde anglaise. Il est un immigré Parsi, religion dérivée du zoroastrisme. Il s'impose dès le début du film comme un enfant né pour pourfendre la morale. Son cadre familial est rigide mais ne semble ni le définir ni le contraindre dans ce qui lui parait évident, la vérité se cache dans la liberté de créer.
Farrokh arrive vite à la même conclusion que Nietzsche, on ne peut tuer Dieu et sa morale que par le mythe. Farrokh se métamorphose en Freddie Mercury pour se dépasser et survoler la morale. Le groupe lui-même dans son esprit doit transgresser la plus haute autorité humaine en se nommant QUEEN. On ne peut que se délecter des premières images du film ou le Prince Charles accompagné de Diana vient s'asseoir pour écouter et en quelque sorte légitimer ce groupe qui eu l'audace de se nommer comme sa mère.

Rien ne peut être mieux ou pire qu'une foule. On voit bien déjà dans cette marée humaine des méga concert de l'époque ce que ces foules ont d'insaisissable. La foule peut tout vous prendre ou tout vous donner sans raison. Elle vogue par delà le bien et le mal. Dompté la foule pour en faire des millions de colombes voilà bien un destin que partage Zarathoustra qui devient lion et Farrokh qui devient Freddie Mercury.

Queen est un groupe génial parce que toute sa musique s'appuie sur un échange permanent entre le public et les musiciens dans une musique qui les unit par des liens puissants et invisibles. Tous les chanteurs live ressentent cette interaction avec le public comme un don. Là où la musique de Queen va plus loin c'est que son écriture dès le départ suppose une interaction quasi sacrée avec celui qui l'écoute. Quand on écoute Queen on est jamais seul. Il n'y a pas de dialogue en Freddie et nous. Celui qui écoute Queen a toujours le sentiment de faire parti d'un groupe d'un tout plus grand que lui même.

Ainsi parlait Zarasthoustra est sous titré : un livre pour tout le monde et pour personne. On pourrait utiliser le même sous titre pour toute l'œuvre de Queen en changeant Livre par Musique. Connaissant l'amour de Nietzsche pour la musique et la légèreté qu'elle suppose, on pourrait presque deviner derrière les moustaches de Freddie Mercury l'âme d'enfant du philosophe renaissant de ses cendres pour mettre le feu à la scène.

Les puristes seront sans doute déçu de voir que ce biopic n'en est pas toujours un. La vérité est du coté de Freddie qui vit au delà du bien et du mal alors que le film a besoin d'une intrigue  manichéenne pour exister. Le méchant qui trompe et éloigne Freddy n'existe pas, les autres artistes de Queen ont aussi tenté leur chance en solo sans que personne ne s'en émeuve dans le film. Le mythe pour des raisons ontologiques a besoin du bien et du mal. Le mythe de Freddie Mercury n'y échappe pas même si sa vie n'en est pas le reflet.

On ne peut pas parler de Bohemian Rhapsody sans parler de Rami Malek. On comprend dès les premières images que le personnage de Freddie Mercury créé par Farrokh existe par ses costumes et sa fantaisie. Freddie est un être qui le dépasse et qui peut être réincarné à l'infini. On ne joue pas Freddie Mercury on l'incarne. Ce n'est plus le talent de l'acteur qui se glisse dans la peau du personnage, mais l'esprit même de Freddie Mercury qui se glisse dans votre peau. Queen c'est tout le monde et personne, donc nous avons tous en nous l'âme de cette musique qui n'est que la transcription réussie de nos émotions. Rami a découvert sans doute que son âme savait déjà tout de Freddie Mercury mais qu'il fallait juste apprendre à son corps de se comporter et de s'habiller comme lui pour pouvoir naviguer sur la marée humaine qu'il hérissait en soufflant ses émotions.

Seul bémol dans cette super production cette histoire de dents qui se traduit pour Rami Malek par le port d'un dentier inutile voire contre productif dans sa prestation. Barry Singer a voulu trop bien faire avec cette histoire de dents alors qu'il suffit d'une moustache et d'une paire de Ray-Ban pour se transformer en Freddie. Comment imaginer que Freddie ait besoin de prothèse pour se réincarner. Freddie aime tous les corps tels qu'ils sont. Voilà pourquoi il n'a jamais touché à ses dents. Et voilà pourquoi il était inutile de toucher aux dents de celui qui veut le réincarner.

La pitié n'a pas sa place dans la philosophie de Nietzsche, elle conduit inévitablement vers le nihilisme. Il en va de même pour Freddie Mercury, qui n'attend aucune pitié des autres sur sa maladie.
Le film tient magistralement la barre en évitant toute forme de culpabilité ou de pitié sur sa contamination par le virus du sida. Une retenue qui oblige le cinéaste à ne pas poursuivre la carrière de Queen au delà du concert Live Aid. On attendait à la fin de ce biopic en trompe l'œil un final sur Show must go on. Il n'en est rien, preuve, que personne n'est vraiment prêt à enterrer Freddie et à passer à autre chose. 

Commentaires

Kostorn a dit…
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