Batman piétine la police

En sortant de la natation synchronisée l'autre soir nous sommes allés voir le dernier Batman dans le "picture house" de Stratford. D'abord on se demande bien pourquoi ce film doit durer 2h30. Il semblerait que ces dernier temps, les réalisateurs pensent que plus un film sera long, plus on fera un grand film. Et bien c'est raté. Désolé mais la valeur et le format d'une oeuvre n'ont pas grand chose à voir. Si en tant qu'étudiant, économe et constamment affamé, le slogan "dégueulasse mais copieux" peut avoir un certain écho, ce genre de promesse n'intéresse plus grand monde quand on mûrit un peu. On peut définitivement classer le dernier Batman dans cette catégorie de cantine. On en sort effectivement écoeuré.
Ce qui est magnifique avec le cinéma c'est qu'il nous dit tout sur nous. En particulier ce Batman nous révèle une fois de plus les démons du peuple américain. Car ce film n'a rien d'universel. Il n'est que l'inverse du rêve américain, c'est à dire son pire cauchemar. Anna Arendt disait : "la métaphore c'est la poésie". Hors le réalisateur de la dernière trilogie, semble épisode après épisode, renier toute métaphore. La plus frappante étant de confondre Gotham City avec New York ou d'arrêter de nous faire voler Batman pour nous le coincer dans une hideuse machine de guerre volante. Que l'histoire de Batman puisse être noire soit. Les fleurs du mal de Beaulaire ne sont pas toutes roses non plus. Mais que l'on transforme Batman en super soldat américain avec son arsenal de machine à tuer bien trop crédible pour nous faire rêver, c'est insupportable.
Tuer la poésie, au non du réalisme, n'a rien de génial, au contraire. Batman doit rester une métaphore de l'envie de justice qui nous habite mais que nous avons, avec raison, de transférer au pouvoir législatif et exécutif dans les démocraties modernes. Hors depuis 3 épisodes on nous propose un Batman bien trop réel. Depuis quand les super héros ont besoin de char d'assaut pour rouler et d'hélicoptère pour voler ? Les super pouvoirs sont reniés au nom du simple pouvoir de l'arme à feu. Si la justice qu'incarne les super héros (Batman en particulier ) n'a plus de super pouvoir que lui confère la démocratie, nous tombons à nouveau dans le chaos de la justice par soi-même. Glups.

Si il y a une chose dans le gloubiboulga nucléo/terroriste/ultrachiant du dernier Batman, que l'on peut retenir, c'est bien la scène du tribunal. Pas besoin d'effets sépciaux, ni de machine de guerre pour nous émouvoir pendant ce petit moment qui surnage au dessus de la médiocrité générale du film. Ce petit juge perché sur un amas de biens de consommation manipulé et manipulant la terreur nous parle. Ce Robespierre hollywodien, ce justicier expéditif des temps modernes, qui éxécute avant de juger, nous ne le connaissons que trop bien. Cette mise en scène nous montre précisément qu'on ne peut accepter que les super héros (métaphore de la justice des démocraties modernes) à l'instar du Batman de Christopher Nolan ne soient déchus au rang d'individu lambda pour rendre la justice. Posséder une arme chez soi lorsque l'on n'est ni un chasseur, ni un policier, c'est en pratique mettre l'executif avant le législatif. Instaurer l'arbitraire derrière chaque gachette et finalement la tuerie sauvage dans une salle de cinéma paisible de Denver. Le rêve américain armé jusqu'aux dents ne récolte que ce qu'il mérite.
Pourtant ce sujet est ultra tabou et donc tout le monde s'extasie devant la cruelle réalité du dernier Batman. Si les américains aiment leur Batman et toutes ses contradictions à 3 balles (de fusil), c'est qu'ils s'y retrouvent.  L'étage secret de Bayne bourré d'engins de mort en plein centre ville n'est autre que le dernier tiroir de leur commode où ils rangent leurs armes à feu. Il faudra bien un jour que cela  cesse. Mais ni les Démocrates, ni les Républicains n'osent effleurer ce sujet pendant leur campagne. Cet insoutenable droit individuel de légitime défense mériterait bien un débat présidentiel et pourtant il reste bien enterré au fond d'un placard. Ou plutôt au fond d'une cave comme une chauve souris. Ce qui est frappant dans le dernier épisode, c'est, bien que très noires, beaucoup de scènes se passent en plein jour. Notre chauve-souris gothamesque n'a plus peur de la lumière et nous impose sa vérité. Comme si les contradictions refoulées des américains faisaient maintenant surface au grand jour. Voilà de quoi fasciner l'Amérique qui joue depuis longtemps avec son reflet sur l'écran des salles obscures. Mais pour nous cette vision de la terreur ne nous ressemble pas. Pas la peine d'en prendre pour 2h30 pour en sortir dégouté.

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