Quoi de neuf les Docks ?


Impossible de s'approcher des nouveaux docks conçues par  le duo Jakob+MacFarlane sur les bords de seine, sans penser au surgissement de Beaubourg dans le quartier des Halles dans les années 70. La recherche de la modernité vous saute à la figure vous invitant immédiatement à prendre parti avec une phrase lapidaire du genre " plus moche tu meurs" ou d'y aller avec un satisfécit en forme de plaidoyer pour que ça bouge un peu dans notre capitale embourgeoisée par un 19ème siècle un peu trop prospère. Les docks souffrent comme Beaubourg d'un mal profond. Un mal qui consiste à provoquer une modernité que l'on n'assume pas. Quand on s'approche d'un bâtiment comme Beaubourg ou des Docks des Jac+Mac on s'attend à découvrir dans son sein une nouvelle forme d'interaction, de culture plus fluide, plus contemporaine, plus joyeuse. Il n'en est rien. Ce que vous trouvez à l'intérieur dans le cas du Centre Pompidou n'est ni plus ni moins qu'une collection très classique de tableaux du 20ème siècle qui auraient aussi bien pu trouver leur place dans un musée à la Orsay, ou je ne sais quelle pinacothèque en pierre de taille et verre fumé. Il y a donc un divorce total entre la façade qui nous emmène vers le futur et l'intérieur qui nous replonge dans ce que le passé a fait de mieux sur le thème éculé du "faut pas rêver" des cyniques de tous poils.

Les docks, comme Beaubourg, confirment la voie sur laquelle nous nous engageons tous avec plus ou moins de ferveur, "le repackaging". Art de la mise en boite du passé pour s'adapter à l'industrialisation procédurale de nos moeurs. Ces nouveaux batiments sont à la culture ce que les centres Leclerc sont au commerce de détail. On trouve la même chose qu'avant (d'où le légitime "faut pas rêver"), mais tout est mélangé, pour que tout le monde soit content.  Ainsi le client peut faire sa mue, se raffiner devrais-je dire,  pour se réduire aux 2 taux mythiques de l'économie moderne : " Fréquentation" et " Satisfaction". Croire que la culture allait échapper à ce culte était tout bonnement illusoire. Avec Beaubourg et pour les décennies à venir les musées sont maintenant devenus des hyper-espace de la culture à l'instar des hypermarchés où il faut scorer à tout prix. Les Docks comme Beaubourg n'ont donc pas grand chose de nouveau à vendre. Un magasin de meubles design d'un coté, une école de la mode de l'autre, beaucoup de vide.  Un restaurant qui peine à trouver ses marques au sommet. Avec un coté kitch de guinguette qui bute sur une architecture contemporaine qui s'accomode mal d'une friterie sur son toit avant garde .

Les Docks sont un geste architectural à la gloire du centre commercial en général. Une enveloppe creuse, là pour nous attirer dans ses galeries et ses rayons qui n'ont rien de nouveau à nous vendre. Ce qui est nouveau c'est le centre lui-même et ses flux potentiels. Le centre commercial est une centrale. Elle nous consomme autant que nous consommons ses produits. Ce sont des centrales d'achats au propre comme au figuré. Plus personne ne semble porter d'intéret à la destination d'un bâtiment moderne fusse t-il culturel. Comme si notre monde ne croyait plus, non plus, à son propre destin. On construit d'abord, on verra ensuite ce qui fera de l'audience. Le Musée du quai Branly s'appelle donc le Musée du quai Branly, nous voila bien avancé. Sans parler du Musée des Confluences en construction à Lyon,  ou du MuCem à Marseille. Un musée de la Méditerranée pourquoi pas même si c'est déjà flou, mais un musée de la Méditerranée et de l'Europe, là on peut dire que pour la programmation on a les coudées franches pour faire venir du monde. Audience, audience quand nous  tient... Les docks sont une boite de plus échouée cette fois-ci sur les berges de Paris à la gloire de la centrale en tout genre et de la mode et du design en particulier dont le seul désir totalement amoral est de mieux centraliser pour mieux distribuer. Si Beaubourg (ouvert en 1977) se prenait pour une raffinerie en plein Paris et cela bien sûr en plein choc pétrolier, les Docks se donnent des airs de centre commercial du 21ème siècle et cela il va s'en dire en pleine crise de la consommation. Ces bâtiments hauts en couleur sont là pour conjurer nos angoisses. Celles d'une civilisation post pétrolière ou post consumériste qui ne saura plus quoi faire. Mais malheuserement une fois que l'on pousse la porte on ne trouve que le vide de notre propre angoisse. Le musée ou le centre commercial du futur n'existe pas au delà de sa façade. Ce qui restera de ses chimères ne seront que des chiffres à la gloire des cables et des tuyaux qui se contorsionnent à l'extérieur pour faire le vide à l'intérieur. Pourquoi ce vide, comble de la versatilité ? Sans doute pour pouvoir appeler finalement sans compromission le conventionnel à la rescousse pour que nos visites explosent les taux de fréquentation. Le débat sur les Docks est déjà clos. Gageons que la réussite des Docks ne sera que celle de sa fréquentation ou ne sera pas. Malheureusement l'accès au bâtiment est d'une simplicité enfantine et quasiment désert. Rien à voir avec son ainé multicolor qui lors de notre dernière visite (un jour de semaine, hors vacances scolaire) dont les hauts parleurs nous annoncait sur un ton faussement affligé qu'il fallait attendre plus de 45 minutes pour profiter de l'exposition Dali. Autant vous dire qu'il n'y avait plus aucune raison pour nous d'attendre la phase de prosternation puisque nous venions d'entendre l'information que nous venions chercher. La confirmation du succès de ce truc transgénique que l'on produit dans nos centrales culturelles et qu'on appelle désormais " La culture de masse".

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