La guerre des étoiles


Rien de mieux qu’une semaine de vacances à la neige pour se faire une brochette d’épisodes de la double trilogie de Star Wars. Cette épopée a déjà bien sûr fait couler beaucoup d’encre en études et en références à notre mythologie et à nos croyances. Mon idée est plutôt de considérer Star Wars comme un mythe en lui-même plutôt que de lui trouver des équivalents (Icare, Œdipe,…). A ce titre on peut noter que Star Wars bien que très manichéen dans son principe est très peu empreint de religion. Beaucoup ont vu dans Star Wars un retour déguisé des religions, on encore le mythe de Faust qui vous emmène du coté sombre de la force. Je pense au contraire que Star Wars se tient à l’écart de cette idée car le mal, ne semble tirer aucun bénéfice dans son entreprise.

On peut noter que l’argent n’est jamais un problème dans Star Wars, ce qui semble nous indiquer que l’univers de George Lucas est un univers d’enfant, ensuite parce que la promesse de la jeunesse éternelle du contrat Faustien n’est jamais là. La question du pouvoir est même posée par notre futur Dark Vador avant de basculer du coté sombre de la force. La réponse dans l’épisode d’après est sans appel : le mal dans l’univers de Star Wars ne te permet pas de vaincre la mort. Ce sont plutôt les Jedis qui sont au paradis de la vie éternelle. Non pas d’un paradis biblique où les morts restent entre eux, mais d’un paradis dont nous rêvons tous c’est à dire un endroit où l’on peut encore discuter avec les vivants quand le cœur nous en dit. Bref pas la peine d’essayer de mettre Star Wars dans une case ou une autre, il ne se réduit à rien de ce que nous connaissons.

Avec Star Wars on part d’une feuille blanche, ou plutôt d’une feuille noire, celle de l’espace infini de notre imagination. Celle de Georges Lucas va se développer dans de multiples combinaisons mais nous donne néanmoins une direction de bout en bout de la saga. Et cela en nous disant épisode après épisode toujours la même chose « pas évident d’être le fils de son père ». 
Toute la saga s’articule autour de cette phrase mythique qui sort de l’hygiaphone du casque de papa Vador à la fin de l’épisode 5 :« Luke, je suis ton père ». On voit soudain l’abyme qui sépare le verbe de l’action, le gouffre entre ce qui est dit et ce qui est. Luke est un jeune apprenti prometteur prêt à protéger la veuve et l’orphelin, alors de Dark Vador son papa est un puissant esclave du coté noir de la force. Il a fallu toute l’imagination et les effets spéciaux de Lucas industrie pour nous faire comprendre une fois pour toute qu’un père n’est pas une mère et que c’est lui qui doit être adopté par son enfant et non l’inverse sinon on risque de se retrouver nous aussi avec un père aussi Dark que Vador. 
Les 6 épisodes de Star Wars sont donc dédiés au délicat problème de la filiation pour mettre à l’épreuve notre bon vieux « tel père, tel fils » qui en dit trop ou pas assez. Pas évident, pour les jumeaux Skywalker de vivre avec un dicton comme ça dans la tête quand votre papounet s’appelle Dark Vador.

De manière métaphorique votre père biologique peut être assimilé au soleil, c’est lui qui vous donne vie et vous donne vos premiers repères (le soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest). Votre père est prévisible, c’est une bonne chose, mais faut-il l’aimer pour ça pour autant ? A cela il faut ajouter que nous passons la moitié de notre vie dans la nuit à ce moment là, le soleil s’éclipse pour laisser place aux étoiles, qui sont elles-mêmes des soleils qui brillent loin de vous. La filiation est donc un travail exigeant qui consiste à ne pas se faire éblouir par son soleil biologique pour découvrir les étoiles qui nous entourent et qui nous guident dans nos moments sombres. Star Wars c’est donc  la guerre des pères.

On nous jetant directement dans l’espace Georges Lucas nous dit que rien n’est joué. On peut à l’aide de vaisseaux intergalactiques choisir sous quelles étoiles nous pouvons vivre. Le vaisseau spatial est donc en permanence l’allégorie de notre émancipation par rapport à sa généalogie. Grace aux vaisseaux spatiaux (symboles de la modernité) c’est donc à Luke de choisir ses pères et non l’inverse.

Star Wars est un univers d’enfants. La passion amoureuse n’y a donc pas sa place, la séduction non plus. Tout est question de domination. L’amour maternel est aussi largement évacué de la série par ce que cet amour bien qu’indispensable est totalement hors sujet dans le monde de Star Wars. On n’a que faire des regards tendres et des battements de cils dans un monde où tout se règle au sabre laser. On a rarement vu une héroïne féminine plus godiche que la princesse Leila. Dans l’univers de George Lucas elle ne sera jamais une femme, tout au plus une fille qui s’aventure du coté des garçons dans la cours de récré d’un collège. 
Le plus dégourdi pour l’amour semble être Han Solo. Avec ses grosses blagues lourdes à répétition d’ado pré pubère. On atteint des sommets d’anti romantisme au moment où Solo doit se faire cryogénisé. A la déclaration d’amour « Solo je t’aime » de la princesse face à son amoureux qui va passer à la trappe de la surgélation éternelle, il répondra par cet inconcevable « Oui je sais » qui met fin à mon avis pour de bon à toute tentative de voir dans Star Wars la moindre intrigue passionnelle. Les petits garçons se fichent pas mal que les filles les aiment surtout quand ils se battent au laser. Solo quitte donc sa princesse à la fin de l’épisode 5 en un abyme de perplexité avec son « Oui je sais »  qui lui renvoie une réponse d’un fils à sa mère là où elle attendait l’étourdissement de la réflexion romantique du « Moi aussi ».

Bon ok, c’est vendu Star Wars c’est pas un film pour les filles, on a compris Georges. Dans Star Wars on ne joue pas à la poupée. On construit des étoiles noires comme Dark Vador et on déconstruit des phrases comme Maître Yoda. Star Wars est donc un énorme jeu de construction qui n’a de limites que l’imagination de l’éternel enfant qu’est Georges Lucas. Pas étonnant que les LEGO aient jeté leur dévolu sur cette franchise. Quel gamin ne rêve t-il pas de se construire un énorme vaisseau ou une planète noire comme Dark Vador et de s’enfuir ensuite dans le vaisseau le plus rapide de tout l’univers comme celui de Solo ou de Luke Skywalker. Le monde de Star Wars est un monde d’enfant, les adultes sont donc priés d’essuyer leurs pieds avant d’entrer. Dans cette histoire pas d’amour et pas d’argent. Le tour de force de cette double trilogie c’est qu’elle n’infantilise pas les enfants contrairement au Harry Potter et autre monde de Narnia. Car ces derniers nous représentent à tord les enfants sous la forme d’enfants, laissant de ce fait entrer les adultes dans un univers où ils n’ont pas leur place.

Ce sas indispensable pour rentrer dans l ‘univers de Star Wars avec une âme d’enfant revêt pour chaque épisode une forme très stricte. Chaque épisode commence avec la même musique et le même espace étoilé nous disant clairement « l’histoire va commencer, adultes s’abstenir ». Les mots eux-mêmes du générique vont se perdre dans le froid galactique pour laisser place à l’imagination visuelle et au ressenti. Star Wars va donc parler à notre âme d’enfant, en lui posant inlassablement cette question : Qui veux-tu devenir ? Quel rôle veux-tu avoir dans la construction du monde ? Veux-tu dominer la matière et construire un empire à l’infini ou veux-tu dominer la force qui la relie pour assembler et combiner de nouvelles choses ?

Ces milliards d’étoiles qui brillent dans la salle sombre dans laquelle il nous faut visionner chaque épisode c’est nous. Nous sommes 6 milliards d’êtres humains sur terre plus que ne peut en compter aujourd’hui toute la voie lactée, la galaxie à laquelle nous appartenons (environ 1 milliard). Sur un plan donc purement démographique si chaque être humain s’apparente à une étoile nous sommes déjà une population d’êtres aux proportions intergalactiques. Voilà ce que le créateur de Star Wars nous montre d’emblée. Dès les premières minutes nous sommes donc tous embarqués dans notre petit vaisseau à la recherche des étoiles qui doivent nous guider. La force du Jedi est de respecter l’infiniment petit, alors que la force sombre des Siths est de vénérer l’infiniment grand.

Dominer ce qui est grand ? Ou assembler ce qui est petit ? Où est la vraie force ? La domination du grand conduit inévitablement à l’accumulation et en essoufflant la créativité finalement à la répétition convulsive. L’univers de Dark Vador est inévitablement celui du clonage, il tire sa force du nombre. Les armées, les engins, les robots du coté noir de la force vous attaquent par centaines de milliers. On nous montre des vaisseaux qui font des kilomètres de long et qui forcent l’admiration. Mais finalement on rentre toujours par le même sas et on voit toujours Dark Vador dans le même bureau habillé de la même combinaison. Dark Vador a la force du nombre pour lui. 
Les Jedi possèdent une autre force, cette force magique et bien réelle qui jaillit de la combinaison du différent. Le Jedi est magnétique. La chimie de la nature est déjà une alchimie. Comment 2 gaz, comme hydrogène et oxygène, mélangés ensemble peuvent-ils devenir de l’eau ? Pourquoi un gaz plus un autre au lieu de former plus de gaz deviennent-ils un liquide ? Seule la manière dont ils sont assemblés change de manière spectaculaire leur propriété pour en faire finalement autre chose. La voilà la force vive qui refuse que 1+1=2. Celle qui s’oppose à la force de l’empire du nombre.

Le petit garçon que nous sommes encore assis dans le siège du cinéma doit donc lui aussi répondre à la question qu’on lui pose. Quel est le père que tu es prêt à respecter ? Celui qui a la force de l’infiniment petit d’assembler le différent, pour participer à la diversité, ou celui qui tire sa force de l’accumulation de l’identique ?

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